Adoptée par la 74ème Assemblée générale de l’AMM, Kigali, Rwanda, octobre 2023

PRÉAMBULE

La torture, et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ont encore cours dans de nombreux pays du monde. Cependant, dans certains pays, les médecins sont empêchés de prendre la parole contre les violations des droits humains, même lorsqu’ ils en sont témoins, en raison de la dure répression qu’ils subissent. Il incombe à l’AMM et à l’ensemble de la communauté médicale d’aider à attirer l’attention sur les changements fondamentaux nécessaires pour garantir aux médecins des conditions de travail sûres et pérennes et leur permettre d’exercer éthiquement leur profession. Une manière de montrer que leur situation nous tient à cœur est de nous abstenir d’organiser des évènements internationaux dans ces pays.

 

RECOMMANDATION

L’AMM appelle la communauté médicale du monde entier à évaluer avec soin l’opportunité ou non de tenir des évènements médicaux internationaux dans des pays où les médecins sont persécutés et, le cas échéant, à prendre la décision soit de s’abstenir de le faire, soit d’exprimer un soutien clair et explicite à ces médecins lors de tels évènements.

 

 

Adoptée par la 68ème Assemblée Générale de l’AMM à Chicago, Etats-Unis, octobre 2017
Et réaffirmée avec des révisions mineures par le 221ème Conseil de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022

 

PRÉAMBULE

La déclaration de Tokyo aux médecins de participer à des actes de torture ou à d’autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant et les appelle à préserver la confidentialité des informations médicales.

Les Principes d’éthique médicale applicables au personnel de santé, en particulier aux médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants interdisent au personnel de santé « de se livrer, activement ou passivement, à des actes par lesquels ils se rendent coauteurs, complices ou instigateurs de tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ou qui constituent une tentative de perpétration ».

Depuis 2011, dans au moins onze pays, des médecins ont participé à des examens anaux forcés d’hommes et de femmes transgenres, accusés de relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe, en vue de prouver cette accusation ;

Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a décrit les examens anaux forcés comme une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain et dégradant « médicalement infondé » en raison de l’invalidité scientifique de ces tests.

En outre, dans sa prise de position sur les examens anaux visant à prouver des allégations d’homosexualité, l’Independent Forensic Expert Group, un groupe indépendant d’experts légistes composé de spécialistes de la médecine médico-légale du monde entier, a établi que « l’examen n’a aucune valeur pour détecter des anomalies de la tonicité du sphincter anal pouvant être attribuées de façon crédible à des rapports sexuels anaux consentis ».

L’AMM est profondément choquée de la complicité de médecins dans ces examens non volontaires et non scientifiques, y compris dans la préparation de rapports médicaux utilisés au cours de procès visant à condamner des hommes et des femmes transgenres pour relations sexuelles consenties avec des personnes du même sexe.

Conformément à sa prise de position sur la fouille corporelle de prisonniers, l’AMM rappelle que les examens forcés ne sont pas acceptables sur le plan éthique et que les médecins doivent s’y refuser.

Bien que des membres du personnel médical mettent en avant le fait que les personnes accusées donnent leur consentement pour de tels examens, la possibilité de personnes en détention de donner un consentement libre et éclairé est limitée. Même si le consentement est donné librement, les médecins devrait s’abstenir d’effectuer des actes scientifiquement et médicalement infondés, discriminatoires et potentiellement incriminants.

  

RECOMMANDATIONS

Reconnaissant que les personnes qui ont subi des examens anaux forcés ont décrit ces examens comme douloureux, humiliants et s’apparentant à des agressions sexuelles, et rappelant que des médecins ne sauraient en aucun cas participer à des actes de torture ou à toute forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant, l’AMM :

  1. appelle ses membres constituants, les médecins et les autres professionnels de santé à refuser fermement de participer à des examens anaux forcés, car ils ne sont pas médicalement fondés ;
  2. demande expressément à ses membres constituants de rédiger des règles écrites interdisant à leurs membres de participer à de tels examens ;
  3. demande expressément à ses membres constituants de former les médecins et les autres professionnels de santé au caractère vain et non scientifique des examens anaux forcés et de leur faire savoir qu’il s’agit d’une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain et dégradant ;
  4. appelle l’Organisation mondiale de la santé à prendre officiellement position pour condamner les examens anaux forcés visant à prouver des relations sexuelles entre personnes du même sexe en tant que violation de l’éthique médicale, scientifiquement infondés.

Adoptée par la 65e Assemblée Générale, Durban, Afrique du Sud, Octobre 2014,
et révisée 
par la 70e Assemblée Générale, Tbilissi, Géorgie, Octobre 2019

 

PRÉAMBULE

Dans de nombreux pays, un nombre considérable de détenus se trouvent placés à l’isolement cellulaire. L’isolement consiste, dans un centre de détention à séparer une personne de l’ensemble des détenus et à la maintenir seule dans une cellule ou une pièce séparée jusqu’à 22 heures par jour. Cette forme de détention peut être désignée par différents termes selon les juridictions : « ségrégation », « placement en quartier disciplinaire », « séparation/coupure des autres détenus »… Les conditions et l’environnement de l’isolement peuvent également varier d’un endroit à l’autre. Mais quelle que soit la manière dont il est défini et mis en œuvre, l’isolement carcéral se caractérise par un isolement social complet, l’absence de contact humain significatif, une activité réduite et des stimuli environnementaux limités. Certains pays se sont dotés de dispositions précises sur la durée et la fréquence auxquelles un détenu peut être placé à l’isolement, mais de nombreux autres manquent de règles claires à cet égard.

L’isolement cellulaire peut être différencié d’autres interventions brèves qui visent à séparer des détenus en réaction immédiate à un comportement violent ou perturbateur afin de les protéger d’eux-mêmes ou des autres. De telles interventions ne doivent pas avoir lieu dans un environnement d’isolement.

Les raisons du recours à l’isolement peuvent varier d’une juridiction à l’autre et cette mesure peut être utilisée à différentes étapes du processus judiciaire. L’isolement cellulaire peut être employé comme mesure disciplinaire pour maintenir l’ordre et la sécurité, comme mesure administrative, aux fins d’une enquête ou d’un interrogatoire, comme mesure préventive pour éviter toute atteinte au détenu lui-même ou à d’autres détenus ou il peut s’agir d’un régime restrictif visant à limiter les contacts avec les autres. L’isolement peut être imposé pour une durée en heures, voire en jours.

Conséquences médicales de l’isolement

Les personnes peuvent réagir à l’isolement de différentes manières : il a été démontré que pour un nombre significatif de détenus, l’isolement peut causer de graves troubles psychologiques, psychiatriques et parfois physiologiques, parmi lesquels l’insomnie, la confusion, la psychose, des hallucinations, ainsi que l’aggravation de problèmes de santé préexistants. L’isolement est également associé à un fort taux de comportements suicidaires. Ces conséquences néfastes peuvent survenir après seulement quelques jours et dans certains cas persister après la fin de l’isolement.

Certains groupes sont particulièrement vulnérables aux effets négatifs de l’isolement carcéral. Les personnes atteintes de troubles psychotiques, de grave dépression, de stress post-traumatique ou de graves troubles de la personnalité peuvent ne pas supporter l’isolement, qui peut avoir d’importantes conséquences sur leur santé. L’isolement peut compromettre la réussite du traitement de ces personnes une fois celles-ci de retour dans leur lieu de détention ou au sein de la société. Les détenus atteints d’un handicap physique ou d’un autre trouble médical voient souvent leur état s’aggraver en isolement, non seulement du fait des contraintes physiques que cet isolement suppose, mais aussi parce que leurs besoins particuliers ne sont souvent pas pris en compte dans cet environnement.

La pratique de l’isolement expose les enfants et les jeunes, qui se trouvent à un stade crucial de leur développement, tant sur le plan social que psychologique et neurologique, à de graves risques de troubles mentaux et physiques à long terme. Les dangers de l’isolement pour les enfants et les jeunes font l’objet d’un consensus international croissant, aussi certaines juridictions ont-elles complètement aboli cette pratique.

Normes internationales relatives à l’isolement

L’accumulation de preuves des conséquences délétères de l’isolement sur la santé des détenus a conduit à l’élaboration d’une série de normes et de recommandations internationales visant à réduire l’usage et les effets néfastes de l’isolement.

Les règles minima pour le traitement des détenus ont d’abord été adoptées en 1957 puis elles ont été révisées et adoptées à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies en 2015 sous le nom de Nelson Mandela Rules. Les règles minima constituent le principal cadre international pour le traitement des prisonniers.

Les règles Nelson Mandela sont étayées et complétées par d’autres normes et recommandations internationales, telles que les règles des Nations unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes et commentaires, dites règles de Bangkok, les règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté ou encore les travaux du rapporteur spécial chargé d’examiner les questions se rapportant à la torture.

Le recours abusif à l’isolement cellulaire peut se caractériser par une durée indéfinie ou prolongée de l’isolement (définie comme telle à partir de 15 jours) mais aussi par une sanction collective ou corporelle, la réduction de la ration alimentaire ou en eau potable du détenu ou le placement de celui-ci dans une cellule sans lumière ou constamment éclairée. L’usage abusif de l’isolement peut ainsi constituer une forme de torture ou de mauvais traitement et à ce titre il doit être interdit, conformément au droit international des droits humains et à l’éthique médicale.

L’AMM et ses membres réitèrent la position ferme qu’ils ont adoptée de longue date, à savoir la condamnation de toute forme de torture ou de tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant et réaffirment le principe fondamental selon lequel les médecins ne sauraient cautionner ou participer à un acte de torture ou à tout traitement inhumain ou dégradant.

 

RECOMMANDATIONS

1. Du fait de la dangerosité de l’isolement, qui peut parfois constituer une forme de torture ou de mauvais traitement, l’AMM et ses membres appellent à la mise en œuvre des règles Nelson Mandela et d’autres normes et recommandations internationales associées en vue de préserver les droits fondamentaux et la dignité des détenus.

2. L’AMM et ses membres insistent notamment sur le respect des principes suivants :

  • Compte tenu des graves conséquences de l’isolement sur la santé physique et mentale des détenus (notamment le risque accru de suicide ou d’automutilation), il ne devrait être imposé que dans des cas exceptionnels, en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible. L’autorité imposant l’isolement doit se conformer à des règles claires quant à l’usage de cette mesure.
  • Toutes les décisions relatives à l’isolement doivent être transparentes et conformes à la loi. La durée de l’isolement doit être limitée par la loi. Le détenu doit être informé de la durée de l’isolement, cette durée devant être déterminée avant la mise en œuvre de la mesure. Les détenus placés à l’isolement doivent disposer d’un droit de recours contre cette décision.
  • L’isolement cellulaire ne saurait dépasser une durée de 15 jours consécutifs. Il doit également être interdit de sortir un détenu de l’isolement pour une période limitée en vue de le placer de nouveau à l’isolement juste après pour contourner la limitation de durée.

Interdiction du recours à l’isolement

3. L’isolement pour une durée indéterminée ou prolongée constituant un acte de torture ou une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, il doit être prohibé [1].

4. L’isolement des enfants, des jeunes (tels que définis par le droit national), des femmes enceintes, des femmes ayant accouché depuis six mois ou moins, des femmes ayant avec elles un enfant en bas âge et des mères qui allaitent [2] doit être interdit, de même que l’isolement des détenus souffrant d’une pathologie mentale, cette mesure conduisant souvent à l’aggravation des troubles de la santé mentale [3].

5. Le recours à l’isolement doit être interdit pour les détenus présentant un handicap physique ou un autre problème médical qui pourrait être aggravé par cette mesure.

6. Lorsque des enfants ou des jeunes doivent être placés à l’écart pour assurer leur sécurité ou la sécurité d’autrui, il convient de les placer dans un environnement où ils ne seront pas seuls et où ils disposeront des ressources dont ils ont besoin, y compris un contact humain régulier et une activité utile.

Conditions de l’isolement

7. La dignité humaine des détenus placés à l’isolement doit être respectée à tout moment.

8. Les détenus en isolement cellulaire doivent avoir accès, dans une mesure raisonnable, à des contacts humains significatifs réguliers, à des activités, y compris de l’exercice en plein air et à des stimuli environnementaux. Comme tous les détenus, ils ne sauraient être soumis à des conditions extrêmes, physiquement ou mentalement éprouvantes.

9. Les détenus ayant été placés à l’isolement doivent bénéficier d’une période de réadaptation, durant laquelle ils doivent être examinés par un médecin, avant d’être libérés de prison. Cette période ne saurait prolonger la durée de leur incarcération.

Rôle des médecins

10. Le rôle du médecin est de protéger, d’améliorer et de défendre la santé physique et mentale des détenus, pas d’infliger une sanction. C’est pourquoi les médecins ne sauraient participer en quelque mesure que ce soit au processus de décision conduisant au placement en isolement, y compris en déclarant qu’une personne est «apte » à supporter l’isolement ou en participant en une quelconque manière à sa mise en œuvre. Cela ne saurait empêcher les médecins de procéder à des visites régulières aux personnes placées à l’isolement afin d’évaluer leur état de santé, de dispenser des soins et des traitements en cas de besoin et de signaler la détérioration de la santé d’une personne.

11. La prestation de soins de santé doit répondre aux besoins médicaux et aux demandes du détenu. Les médecins doivent se voir garantir un accès quotidien aux détenus placés à l’isolement, de leur propre initiative. Il doit leur être accordé un accès plus fréquent si les médecins l’estiment nécessaire.

12. Les médecins qui travaillent en prison doivent être en mesure d’exercer en toute indépendance vis-à-vis de l’administration pénitentiaire. Aux fins de maintenir cette indépendance, les médecins qui travaillent en prison doivent être employés et encadrés par un organisme séparé de la prison et du système judiciaire pénal.

13. Les médecins ne doivent prescrire que des médicaments ou traitements nécessaires d’un point de vue médical et ne sauraient prescrire de médicament ou de traitement, quel qu’il soit, qui permette de prolonger la durée de l’isolement.

14. Les soins de santé doivent toujours être prodigués dans un environnement qui respecte la dignité et l’intimité du détenu. Les médecins travaillant en centre de détention sont liés par les codes déontologiques et principes d’éthique médicale comme ils le seraient dans n’importe quel autre environnement de travail.

15. Tout médecin devrait signaler toute préoccupation relative à l’impact de l’isolement sur la santé et le bien-être d’une personne détenue aux autorités chargées d’examiner les décisions de placement en isolement. Si nécessaire, il conviendrait qu’il recommande clairement que la personne soit sortie de l’isolement. Une telle recommandation devrait être respectée par les autorités pénitentiaires et suivie d’effet.

16. Les médecins ont le devoir d’examiner les conditions d’isolement et d’informer les autorités s’ils estiment qu’elles sont inacceptables ou constituent un traitement inhumain ou dégradant. Il devrait exister, au sein de tout système judiciaire, des mécanismes clairs permettant aux médecins de signaler de telles dérives.

 

Références

[1] Règle Nelson Mandela no 43.

[2] Règle 22 des Nations unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes et commentaires (règles de Bangkok).

[3] Rapport du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, A/66/268, 5 août 2011, § 68 (en anglais).

Adoptée par la 62e Assemblée Générale de l’AMM, Montevideo, Uruguay, Octobre 2011,
e
t réaffirmée avec des révisions mineures par la 218ème session du Conseil (en ligne), Londres, Royaume-Uni, Octobre 2021

 

L’AMM réaffirme sa déclaration de Tokyo : directives à l’intention des médecins en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en relation avec la détention ou l’emprisonnement, et recommande l’adoption d’un mécanisme de suivi et de rapport permettant de vérifier l’adhésion des États aux dispositions de ladite déclaration, notamment dans les cas ci-après : 

  1. Lorsque les médecins se trouvent, dans le cadre de leur travail, face à un conflit de loyauté, il convient de leur apporter un soutien afin d’assurer qu’ils ne soient pas placés en position d’enfreindre les fondements de leur éthique professionnelle, par un manquement effectif à l’éthique médicale ou par défaut de comportement éthique ou de respect des droits humains, comme le prévoit la déclaration de Tokyo. 
  2. Ses membres constituants devraient offrir leur assistance aux médecins placés dans des situations difficiles et si possible sans que ne soient mis en danger les patients ou les médecins, ainsi qu’aider les personnes à signaler les cas de violations des droits de santé des patients et de l’éthique professionnelle des médecins, dans les établissements pénitentiaires. Cette assistance doit être conforme aux principes énoncés dans la Résolution de l’AMM sur la responsabilité des médecins en matière de compte rendu et de dénonciation des actes de torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. 
  3. L’AMM devrait étudier les preuves disponibles sur des cas de violation, par des États, des codes relatifs aux droits humains ou de médecins contraints d’enfreindre la déclaration de Tokyo. L’AMM devrait transmettre de tels cas aux autorités nationales et internationales concernées. 
  4. L’AMM devrait encourager ses associations membres à enquêter sur les médecins accusés d’avoir participé à des tortures et d’autres violations des droits humains qui lui auront été signalés par des sources fiables. Elle devrait aussi encourager les associations à signaler notamment les médecins qui pourraient être en danger et avoir besoin d’aide.  
  5. L’AMM devrait aider ses membres constituants et leurs membres, les médecins, à résister à de telles violations et dans toute la mesure du possible, à ne pas déroger à leurs convictions éthiques. La profession médicale et les gouvernements devraient également protéger les médecins mis en danger parce qu’ils adhèrent à leurs obligations professionnelles et éthiques. 
  6. L’AMM encouragera et aidera ses associations membres qui demandent une enquête d’un rapporteur spécial des Nations unies ou de tout autre mécanisme de contrôle officiel et fiable lorsque sont soulevées des préoccupations légitimes. 

Adopté par la 189e session du Conseil de l’AMM, Montevideo, Uruguay, octobre 2011 comme résolution du Conseil et
adopté par la 62e Assemblée générale de l’AMM, Montevideo, Uruguay, octobre 2011
et supprimée par la 75ème Assemblée générale de l’AMM, Helsinki, Finlande, Octobre 2024

 

L’Assemblée générale de l’AMM fait les constatations suivantes :

Un certain nombre de médecins, infirmières et autres professionnels de santé du Royaume de Bahreïn ont été arrêtés en mars 2011 suite aux troubles civils dans le pays puis  jugés par des pouvoirs d’exception devant un tribunal spécial présidé par un  juge militaire. Les 20 personnes du groupe ont été jugées coupables d’un certain nombre de faits et condamnées le 29 septembre 2011 à 15, 10 ou 5 ans de prison.

Ces procès ne respectent pas les normes internationales de procédure et notamment le fait que les accusés ne sont pas autorisés à s’exprimer pour se défendre, que les avocats ne sont pas non plus autorisés à interroger les témoins.  Une enquête n’a pas été conduite sur les allégations  des accusés et de leurs avocats relatives à des mauvais traitements, des abus et à d’autres violations des droits humains lors de leur arrestation et pendant leur détention.

Parmi les différentes accusations, il semble que la principale porte sur le fait d’avoir apporté des soins à tous les patients s’étant présentés dont les leaders et les membres de la rébellion. Les autres accusations semblent être en lien étroit avec la délivrance de ces soins ce qui n’a pas été prouvé en tout cas conformément aux normes qui prévalent dans une procédure judiciaire. Soigner des patients sans prendre en considération les circonstances de leurs blessures constitue pour ces professionnels de santé un devoir éthique tel que stipulé dans la Déclaration de Genève.

L’AMM salue donc l’annonce du gouvernement du Bahreïn en date du 6 octobre 2011 indiquant que les 20 personnes seront jugées à nouveau devant un tribunal civil.

L’AMM demande donc qu’aucun médecin ou autre professionnel de santé ne soit arrêté, accusé ou jugé pour avoir soigné des patients, quelle que soit l’origine des blessures ou de la maladie de ces patients.

L’AMM demande expressément que tous les états comprennent, respectent et honorent le concept de neutralité médicale. Cela signifie aussi assurer des conditions de travail aussi sûres que possible, même dans des situations difficiles dont les conflits armés ou les troubles civils.

L’AMM exige que pour tout individu poursuivi en justice, y compris pour les professionnels de santé, les procédures soient respectées, également lors de l’arrestation, des interrogatoires et du  procès, conformément aux plus hautes normes des lois internationales.

L’AMM demande à ce que les états mènent une enquête sur toutes les allégations de torture ou de traitement cruel ou inhumain des prisonniers perpétrés par leurs agents et agissent rapidement pour mettre un terme à de tels abus.

L’AMM recommande que des assesseurs internationaux indépendants soient autorisés à suivre les procès et rencontrent en privé les accusés de manière. L’état du Bahreïn prouvera ainsi  à la communauté internationale que les procédures judiciaires à venir se dérouleront de manière équitable.

L’AMM est consciente que les travailleurs sanitaires et les établissements de santé sont de plus en plus attaqués pendant les guerres, les conflits et les troubles civils.   Nous exigeons que les états dans le monde entier reconnaissent, respectent et honorent le principe de la neutralité médicale et leur devoir de protection des institutions  et établissements de santé pour des raisons humanitaires.

Adoptée par la 60e Assemblée Médicale Mondiale , Delhi, Inde, Octobre 2009
et modifiée par la 72e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Londres, Royaume-Uni, Octobre 2021 

 

CONSIDERANT QUE,

que des médecins de République islamique d’Iran ont signalé : 

  • un refus délibéré de soins médicaux en détention, la rétention par des médecins et d’autres professionnels de santé de médicaments essentiels et disponibles ; 
  • le recours courant à la torture et aux mauvais traitements en détention ; 
  • des inquiétudes quant à la véracité de la documentation relative au décès de patients et à des médecins forcés de produire des documents cliniques inexacts ;  
  • le manque d’équipements et de fournitures médicaux essentiels en état de fonctionnement ; 
  • le déni des droits des grévistes de la faim ; 
  • la complicité de médecins, qui facilitent l’exécution de la peine capitale contre des jeunes, en violation des droits de l’enfant. 

DÈS LORS, l’Association médicale mondiale : 

  1. réaffirme sa déclaration de Lisbonne sur les droits du patient, qui stipule que si une législation, une mesure gouvernementale, une administration ou une institution prive les patients de leur droit aux soins médicaux, les médecins doivent rechercher les moyens appropriés de les garantir ou de les recouvrer ; 
  2. réaffirme sa déclaration de Hambourg sur le soutien aux médecins qui refusent toute participation ou caution à l’utilisation de la torture ou tout autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant, qui encourage les médecins à respecter leur serment de servir l’humanité et à résister aux pressions qui seraient contraires aux principes éthiques régissant leur activité ; 
  3. réaffirme sa déclaration de Tokyo, qui contient des directives à l’intention des médecins en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en relation avec la détention ou l’emprisonnement et qui : 
  • interdit aux médecins de participer ou même d’être présents pendant des actes de torture ou d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants ; 
  • stipule que les médecins doivent garder le plus grand respect de la vie humaine, même sous la menace et ne pas faire un usage de leurs connaissances médicales contraire aux lois de l’humanité ; 

4. réaffirme sa Résolution sur la responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants qui : 

  • stipule que les médecins doivent essayer de veiller à ce que les détenus ou les victimes de la torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants aient un accès à des soins de santé immédiats et indépendants ; 
  • stipule que les médecins doivent essayer de veiller à ce que les détenus ou les victimes de la torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants aient un accès à des soins de santé immédiats et indépendants ; 

 5. rappelle le Code international d’éthique médicale de l’AMM, qui stipule que les médecins se consacreront en toute indépendance professionnelle et morale à la prestation de soins compétents avec compassion et respect pour la dignité humaine ; 

 6. réaffirme sa déclaration de Malte sur les grévistes de la faim, qui interdit l’alimentation entérale ou parentérale des grévistes de la faim et l’assimile à un traitement inhumain et dégradant, même lorsqu’il s’agit de la seule manière de leur sauver la vie ; 

 7. rappelle les règles des Nations Unies Nelson Mandela, qui soulignent que la prestation de soins de santé aux détenus incombe à l’État et que la relation entre professionnels de santé et prisonniers relève des mêmes normes éthiques et professionnelles que celles applicables aux relations avec leurs patients libres ; 

 8. rappelle la prise de position de l’AMM sur l’accès aux soins de santé des femmes et des enfants, qui condamne sans réserve les violations des droits humains fondamentaux perpétrées à l’encontre des femmes et des enfants, y compris les violations liées à des pratiques sociales, politiques, religieuses, économiques ou culturelles ; 

 9. rappelle la prise de position de l’AMM sur les orientations naturelles de la sexualité humaine, qui condamne toutes les formes de stigmatisation, de criminalisation et de discrimination contre des personnes sur la base de leur orientation sexuelle ; 

 10. exhorte le gouvernement de la République islamique d’Iran à respecter le Code international d’éthique médicale et les normes incluses dans les déclarations ci-dessus mentionnées qui engagent les médecins ; 

 11. souligne que les médecins qui adhèrent aux obligations professionnelles et éthiques énoncées dans l’ensemble des politiques de l’AMM, y compris les déclarations citées, doivent être protégés. 

 

 

 

Adoptée par la 182e Session du Conseil de l’AMM, Tel Aviv, mai 2009

Considérant que :

De récents rapports dans le monde font mention de pratiques très préoccupantes de la part des professionnels de santé dont la participation directe à des mauvais traitements, au suivi de méthodes spécifiques de mauvais traitements et la participation à des interrogatoires ;

L’AMM PREND LA RESOLUTION SUIVANTE :

  1. Réaffirme sa Déclaration de Tokyo: « Directives, à l’intention des médecins, sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en relation avec la détention et l’emprisonnement » qui interdisent aux médecins de participer ou même d’être présents pendant des actes de torture ou d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Demande expressément aux Associations Médicales Nationales d’informer les médecins et les gouvernements sur la Déclaration et son contenu.
  2. Réaffirme sa Déclaration de Hambourg : sur le Soutien aux Médecins qui Refusent toute Participation ou Caution à l’Utilisation de la Torture ou autre Forme de Traitement Cruel, Inhumain ou Dégradant.
  3. Réaffirme sa résolution : Responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants dont ils ont connaissance.
  4. Demande expressément aux associations médicales nationales de soutenir publiquement ce principe fondamental de l’éthique médicale et d’enquêter sur toute violation de ces principes par des membres des associations dont ils ont connaissance.
  5. Reaffirms its Declaration of Tokyo: Guidelines for Physicians Concerning Torture and other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment in Relation to Detention and Imprisonment, which prohibits physicians from participating in, or even being present during, the practice of torture or other forms of cruel, inhuman or degrading procedures, and urges National Medical Associations to inform physicians and governments of the Declaration and its contents.
  6. Reaffirms its Declaration of Hamburg: Support for Medical Doctors Refusing to Participate in or to Condone the use of Torture or other Forms of Cruel, Inhuman or Degrading Treatment.
  7. Reaffirms its Resolution: Responsibility of Physicians in the Denunciation of Acts of Torture or Cruel or Inhuman or Degrading Treatment of Which they are Aware.
  8. Urges national medical associations to speak out in support of this fundamental principle of medical ethics and to investigate any breach of these principles by association members of which they are aware.

adoptée par la 58ème Assemblée Générale de l’AMM, Copenhague, Danemark, octobre 2007
réaffirmée par la 206ème Session du Conseil de l’AMM, Livingstone, Zambia, avril 2017
et supprimée par la 73ème Assemblée Générale de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022

PREAMBULE

Au vu des informations et des rapports sur la violation systématique et répétée des droits de l’homme, le non respect du droit à la santé au Zimbabwe, l’incapacité à fournir des ressources essentielles pour la délivrance des soins médicaux basiques, la dégradation de l’état de santé de la population du Zimbabwe, les doubles loyautés et les menaces à l’encontre du personnel de santé tentant de préserver son indépendance clinique, le refus d’accès aux soins pour les personnes accusées d’être associées aux partis politiques d’opposition et l’augmentation de la torture organisée par l’état, l’AMM souhaite réitérer son soutien et son engagement sur les points suivants :

  • L’attachement au principe de l’Organisation Mondiale de la Santé « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain »
  • La défense de l’objectif fondamental des médecins qui est de soulager la détresse des patients et de ne pas laisser les considérations personnelles, collectives ou politiques prévaloir sur cet objectif
  • Le soutien de la fonction des médecins qui est de placer les droits de l’homme au premier plan de leurs obligations professionnelles vis-à-vis des patients
  • Le soutien des médecins persécutés pour fidélité à l’éthique médicale

RECOMMANDATION

Dans ces conditions, l’Association Médicale Mondiale consciente de l’effondrement du système de soins et de la crise sanitaire du Zimbabwe, fait appel à ses associations médicales nationales pour :

  1. Dénoncer publiquement les abus en matière de droits de l’homme et les violations du droit à la santé au Zimbabwe
  2. Protéger activement les médecins menacés ou intimidés pour leurs actions conformes à leurs obligations éthiques et professionnelles
  3. S’associer à l’association médicale du Zimbabwe (ZiMA) afin de garantir l’autonomie de la profession médicale au Zimbabwe
  4. Demander et aider la ZiMA à faire appel à une mission d’inspection internationale au Zimbabwe, en tant que mesure d’urgence pour s’occuper de la santé et des besoins sanitaires de la population du Zimbabwe.

De plus, l’AMM encourage la ZiMA, en tant que membre de l’AMM, à:

  1. Confirmer son adhésion aux Déclarations de l’AMM de Tokyo, de Hambourg et de Madrid ainsi qu’à la prise de position de l’AMM sur l’accès aux soins de santé.
  2. Faciliter un environnement où toute la population du Zimbabwe a un accès identique à des soins et à des traitements médicaux de qualité, quelle que soit son affiliation politique.
  3. S’engager à éradiquer la torture et les traitements inhumains et dégradants infligés à la population du Zimbabwe
  4. Réaffirmer sa défense de l’indépendance clinique des médecins qui soignent tous les citoyens du Zimbabwe
  5. Obtenir et à diffuser des informations véridiques et nécessaires sur l’état des services de santé au Zimbabwe
  6. Plaider pour que les droits de l’homme fassent partie du cursus médical tout comme les obligations éthiques des médecins qui sont de conserver une totale indépendance clinique vis-à-vis des patients en situation vulnérable.

L’AMM encourage la ZimA à rechercher de l’aide pour réaliser ce qui précède en se rapprochant de l’AMM, de l’Association Médicale du Commonwealth et des AMM des pays voisins ainsi qu’à donner des informations régulières sur les progrès accomplis.

Adoptée par la 29e Assemblée Médicale Mondiale Tokyo (Japon), Octobre 1975
et révisée par la 170e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2005
par la 173e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2006
et la 67e Assemblée générale de l’AMM, Taipei, Taiwan, Octobre 2016

 

PREAMBULE

Le médecin a le privilège d’exercer son art pour servir l’humanité. Il doit conserver et rétablir la santé physique et mentale pour tous, sans discrimination, consoler et soulager ses patients. Le médecin doit garder le respect absolu de la vie humaine dès la conception, même sous la menace et ne devra pas faire usage de ses connaissances médicales contre les lois de l’humanité.

Dans cette Déclaration, la torture est définie comme les souffrances physiques ou mentales infligées à un certain degré, délibérément, systématiquement ou sans motif apparent, par une ou plusieurs personnes agissant de leur propre chef ou sous l’ordre d’une autorité pour obtenir par la force des informations, une confession ou pour toute autre raison.

DECLARATION

  1. Le médecin ne devra jamais assister, participer ou admettre les actes de torture ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, quels que soient la faute commise, l’accusation, les croyances ou les motifs de la victime, dans toutes situations, ainsi qu’en cas de conflit civil ou armé.
  2. Le médecin ne devra jamais fournir les locaux, instruments, substances, ou faire état de ses connaissances pour faciliter l’emploi de la torture ou autre procédé cruel, inhumain ou dégradant ou affaiblir la résistance de la victime à ces traitements.
  3. Dans le cadre de l’assistance médicale qu’ils fournissent aux détenus ou aux prisonniers qui sont ou pourraient ultérieurement être soumis à des interrogatoires, les médecins doivent tout particulièrement veiller à la confidentialité de toutes les informations médicales personnelles. Toute infraction à la Convention de Genève doit être systématiquement signalée par le médecin aux autorités compétentes.
  4. Comme l’indique la Résolution de l’AMM sur la responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants et en tant qu’exception à la confidentialité professionnelle, les médecins ont l’obligation éthique de signaler les abus, si possible avec le consentement du sujet, mais dans certaines circonstances lorsque la victime est dans l’incapacité de s’exprimer librement, sans consentement explicite.
  5.  Dans toute la mesure du possible, le médecin ne devra pas utiliser ni permettre que soient utilisées ses connaissances ou compétences médicales ou des informations de santé spécifiques aux personnes, pour faciliter ou sinon contribuer à un interrogatoire, légal ou illégal, de ces personnes.
  6. Le médecin ne devra jamais être présent lorsque le détenu est menacé ou soumis à la torture ou à toute autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant.
  7. Le médecin doit avoir une indépendance clinique totale pour décider des soins à donner à une personne placée sous sa responsabilité médicale. Le rôle fondamental du médecin est de soulager les souffrances de ses semblables et aucun motif d’ordre personnel collectif ou politique ne pourra prévaloir contre ce noble objectif.
  8. Lorsqu’un prisonnier refuse toute nourriture et que le médecin estime que celui-ci est en état de formuler un jugement conscient et rationnel quant aux conséquences qu’entraînerait son refus de se nourrir, il ne devra pas être alimenté artificiellement, tel que le stipule la Déclaration de Malte de l’AMM sur les grévistes de la faim. La décision en ce qui concerne la capacité du prisonnier à exprimer un tel jugement devra être confirmée par au moins un deuxième médecin indépendant. Le médecin devra expliquer au prisonnier les conséquences que sa décision de ne pas se nourrir pourraient avoir sur sa santé.
  9. Rappelant la Déclaration d’Hambourg concernant le soutien des médecins refusant de participer ou de fermer les yeux sur  l’usage de la torture ou d’autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant,  L’Association Médicale Mondiale soutient et encourage la communauté internationale, les Associations Médicales Nationales et tous les médecins à soutenir le médecin et sa famille qui feraient l’objet de représailles ou menaces pour avoir refusé d’accepter que des moyens de torture ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants soient employés.
  10. L’Association Médicale Mondiale lance un appel aux Associations Médicales Nationales pour encourager les médecins à poursuivre leur formation professionnelle et leur éducation sur les droits humains.

Adoptée par la 54e Assemblée Générale de l’AMM, Helsinki, Septembre 2003,
révisée par la 58e Assemblée Générale de l’AMM, Copenhague, Danemark, Octobre 2007,
rédaction révisée à la 179e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2008
et par la 71ème Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Cordoue, Espagne, Octobre 2020

 

PRÉAMBULE

La dignité et la valeur de tout être humain sont reconnues au niveau international et sont proclamées dans de nombreux codes d’éthique et instruments juridiques de codification des droits humains, y compris la Déclaration universelle des droits de l’homme. Tout acte de torture et toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant constitue une violation de ces codes et ne saurait être compatible avec les principes éthiques affirmés par ces codes et instruments juridiques. Ces codes sont énumérés à la fin de cette prise de position (1).

Il n’existe cependant pas, dans les codes professionnels d’éthique médicale et les textes législatifs, de référence cohérente et explicite à une obligation faite aux médecins de constater et de dénoncer tout acte de torture ou tout acte cruel, inhumain ou dégradant dont ils auraient connaissance.

Or le compte-rendu et la dénonciation rigoureux et cohérents des actes de torture ou des peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants par les médecins contribuent à la protection de l’intégrité physique et mentale des victimes et des droits dont elles jouissent en qualité d’êtres humains. L’absence de compte rendu et de dénonciation de tels actes peut être considérée comme une forme de tolérance de ces pratiques.

En raison des séquelles psychologiques dont elles souffrent ou des pressions qu’elles subissent, les victimes sont souvent incapables de porter plainte elles-mêmes contre les auteurs des actes de torture, les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants qu’elles ont endurés, ou réticentes à le faire.

En décrivant ces séquelles et en traitant les victimes de torture, immédiatement ou longtemps après que ces actes aient été commis, les médecins sont des témoins des effets de ces violations des droits humains.

L’AMM reconnaît qu’en certaines circonstances, le compte rendu et la dénonciation d’actes de torture peuvent mettre en danger le médecin et les personnes qui l’entourent. Les conséquences personnelles de ce signalement peuvent être excessives.

La présente prise de position porte sur les actes de torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants tels que définis dans la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à l’exclusion expresse du rôle des médecins dans l’évaluation de la détention, telle que décrite dans l’ensemble de règles a minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

 

RECOMMANDATIONS

L’AMM recommande à ses membres constituants :

  1. de promouvoir la diffusion, auprès des médecins et au niveau national, du Protocole d’Istanbul, y compris ses Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits ;
  2. d’encourager la formation des médecins à l’identification de différentes méthodes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, afin de leur permettre de réaliser des constats médicaux de haute qualité pouvant servir d’élément de preuve dans des procédures judiciaires ou administratives ;
  3. d’encourager la formation professionnelle et d’assurer que les médecins intègrent à leurs dossiers médicaux une évaluation et une description de tout symptôme d’acte de torture, de toute peine ou de tout traitement cruel, inhumain ou dégradant, y compris en évaluant la cohérence entre les allégations de torture et les constatations médicales ;
  4. de s’efforcer d’assurer que les médecins pèsent soigneusement les éventuels conflits entre leur obligation éthique de rendre compte et de dénoncer les actes de torture, les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants et le devoir d’obtenir le consentement éclairé du patient avant de ce faire ;
  5. de s’efforcer d’assurer que les médecins évitent de mettre des personnes en danger lorsqu’ils évaluent, rendent compte ou signalent des signes de torture ou de toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant ;
  6. de favoriser l’accès à des soins de santé immédiats et indépendants aux victimes d’actes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
  7. de soutenir l’adoption de règles éthiques et de dispositions législatives :
  • visant à affirmer l’obligation éthique faite aux médecins de rendre compte et de dénoncer tout acte de torture ou peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant dont ils pourraient avoir connaissance. Le cas échéant, un tel rapport ou une telle dénonciation devrait être adressé aux autorités nationales ou internationales compétentes aux fins d’une enquête approfondie ;
  • reconnaissant que l’obligation d’un médecin de rendre compte et de dénoncer les actes de torture et toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant pourrait aller à l’encontre de ses obligations de respecter la vie privée et l’autonomie du patient.
  • Il incombe aux médecins d’exercer leur discrétion en la matière, en gardant à l’esprit le paragraphe 69 du Protocole d’Istanbul (2);
  • mettant en garde les médecins contre le risque de mettre en danger des personnes privées de liberté, subissant des contraintes ou des menaces ou dont la santé psychologique est compromise en rendant compte des traitements qu’elles ont subis d’une manière qui permette de les identifier ;
  • de travailler à assurer la protection des médecins qui risqueraient des représailles ou des sanctions de tout type pour avoir respecté les présentes directives ;
  • de communiquer aux médecins toutes les informations utiles sur les procédures et les conditions de compte rendu d’actes de torture, de toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant, notamment aux autorités nationales, aux organisations non gouvernementales et à la Cour pénale internationale.
  1. L’AMM recommande que les codes déontologiques de ses membres constituants décrivent les obligations des médecins relatives au compte rendu et à la dénonciation d’actes de torture, de toute peine ou de tout traitement cruel, inhumain ou dégradant tels qu’elles le sont dans le présent document.

 

(1) Codes et instruments juridiques de codification:

  1. le préambule de la Charte des Nations unies du 26 juin 1945, qui proclame solennellement la foi des peuples des Nations unies dans les droits fondamentaux de l’homme et dans la dignité et la valeur de la personne humaine ;
  2. le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, qui proclame que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité ;
  3. l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui proclame que nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
  4. l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (dites règles Nelson Mandela), adopté par le premier Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977, révisé et adopté par l’Assemblée générale le 17 décembre 2015 ;
  5. la Convention américaine relative aux droits de l’homme, adoptée par l’Organisation des États américains le 22 novembre 1969 et entrée en application le 18 juillet 1978 et la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture, entrée en vigueur le 28 février 1987 ;
  6. La Déclaration de Tokyo, adoptée par la 29e Assemblée générale de l’AMM en octobre 1975, révisée lors de la 170e session du Conseil de l’AMM en mai 2005 à Divonne-les-Bains, France, lors de la 173e session du Conseil de l’AMM en mai 2006 à Divonne-les-Bains et lors de la 67e Assemblée générale de l’AMM qui s’est tenue en octobre 2017 à Taipei, Taiwan ;
  7. la Déclaration d’Hawaï, adoptée par l’Association mondiale de psychiatrie en 1977 ;
  8. les Principes d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1982 et notamment le principe 2, qui est rédigé comme suit : « Il y a violation flagrante de l’éthique médicale et délit au regard des instruments internationaux applicables si des membres du personnel de santé, en particulier des médecins, se livrent, activement ou passivement, à des actes par lesquels ils se rendent coauteurs, complices ou instigateurs de tortures et autres traitements, cruels, inhumains ou dégradants… »
  9. la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987 ;
  10. la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, adoptée par le Conseil de l’Europe le 26 juin 1987 et entrée en vigueur le 1er février 1989 ;
  11. la Déclaration de Hambourg de l’AMM, adoptée par l’Association médicale mondiale en novembre 1997 au cours de la 49e Assemblée générale et réaffirmée avec des modifications mineures lors de la session du Conseil de l’AMM qui s’est tenue à Chicago, aux États-Unis en octobre 2017, qui appelle les médecins à refuser de participer ou de cautionner tout recours à la torture ou à tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant et les organisations médicales nationales et internationales à soutenir les médecins dans de telles prises de position ;
  12. le Protocole d’Istanbul (manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 4 décembre 2000 ;
  13. la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur le 2 septembre 1990 ;
  14. la Déclaration de Malte de l’Association médicale mondiale sur les grévistes de la faim, adoptée par la 43e Assemblée médicale mondiale à Malte en novembre 1991 et révisée par la 57e Assemblée générale de l’AMM à Pilanesberg, en Afrique du Sud en octobre 2006 puis par l’Assemblée générale de l’AMM de Chicago aux États-Unis en octobre 2017.

(2) Protocole d’Istanbul, paragraphe 69 : « Il arrive aussi que deux obligations morales s’opposent. Les instruments internationaux et les codes d’éthiques imposent de rendre compte à une instance compétente de tout acte de torture ou autre mauvais traitement et, dans certains pays, la législation nationale l’exige. Mais, parfois, les intéressés refusent qu’on les examine à ces fins ou qu’on divulgue les informations recueillies lors de l’examen, en général par crainte de représailles à leur encontre ou contre leur famille. Les professionnels de la santé sont alors écartelés entre deux responsabilités : vis-à-vis de leur patient et vis-à-vis de la société dans son ensemble, dans l’intérêt de laquelle il importe que justice soit rendue et que les auteurs d’abus soient châtiés. Face à de tels dilemmes, c’est l’obligation de ne pas nuire au patient qui doit prévaloir. Les professionnels de santé doivent donc chercher des solutions permettant de servir la justice sans avoir à violer le secret professionnel, en sollicitant si besoin est l’avis d’organismes dignes de confiance (selon les cas, ils pourront se tourner vers leur association médicale nationale ou vers des organisations non gouvernementales). Parfois aussi, on parvient à convaincre le patient de consentir à la divulgation d’informations le concernant, sous certaines réserves ».

 

 

 

Adoptée par la 49ème Assemblée générale Hambourg (Allemagne), Novembre 1997,
Réaffirmée par la 176ème session du Conseil de l’AMM, Berlin, Allemagne, Mai 2007
Et
 réaffirmée avec une révision mineure par la 207ème session du Conseil de l’AMM, Chicago, Etats-Unis, Octobre 2017

PRÉAMBULE

1.     Plusieurs déclarations et directives éthiques internationales et directives approuvées par la profession médicale interdisent aux médecins de tolérer, cautionner ou participer au recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour quelque motif que ce soit.

2.     Les principales déclarations sont le Code international d’éthique médicale, la Déclaration de Genève, la Déclaration de Tokyo (1975), la résolution sur la responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants (2003) et la résolution de l’AMM sur la participation des médecins à la peine capitale (1981), ainsi que la Déclaration de Madrid du Comité permanent des médecins de la CEE, la résolution des pays nordiques sur la participation des médecins à la peine capitale des pays nordiques et la Déclaration d’Hawaii de l’Association mondiale de psychiatrie.

3.     Toutefois, aucune de ces déclarations ou prises de position ne traite clairement la question de la protection qui doit être assurée aux médecins qui se trouvent incités, sommés ou enjoints de participer au recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De plus, elles n’expriment pas un soutien explicite aux médecins qui ont connaissance ou sont confrontés à de tels actes et ne prescrivent pas l’obligation de les protéger.

RÉSOLUTION

4.     L’Association médicale mondiale (AMM) réitère et réaffirme que la profession médicale organisée a l’obligation :

4.1  D’inciter les médecins à respecter leur serment de servir l’humanité et à résister aux pressions qui seraient contraires aux principes éthiques régissant leurs activités ;

4.2  D’aider les médecins qui se trouvent en difficulté du fait de leur résistance à ces pressions ou de leurs tentatives de s’élever ou d’intervenir contre ces pratiques inhumaines ;

4.3  D’apporter leur soutien et d’inciter d’autres organisations internationales et les membres constituants de l’Association médicale mondiale (AMM) à aider les médecins en difficulté du fait qu’ils s’efforcent d’agir conformément aux principes éthiques suprêmes de la profession.

4.4  D’encourager les médecins à signaler et à étayer par des preuves tout recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dont ils auraient connaissance.

5.     De plus, considérant que de nombreux pays pratiquent systématiquement ces actes et qu’il est prouvé que des médecins sont contraints d’agir en violation des principes éthiques de la profession, l’AMM juge nécessaire de :

5.1  S’opposer au niveau international à la participation des médecins à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

5.2  Soutenir et protéger les médecins qui résistent à toute participation à ces actes inhumains, qui les documentent et les dénoncent ou qui œuvrent pour traiter et réhabiliter les victimes, leur garantir le droit au respect des principes éthiques supérieurs, notamment le secret professionnel et d’appeler ses membres constituants à leur apporter ce soutien et cette protection ;

5.3  Publier tout renseignement relatif à la torture et soutenir les médecins qui apportent des preuves de tels traitements, de faire connaître toute tentative d’impliquer des médecins dans la perpétration de tels actes ;

5.4  Encourager ses membres constituants à agir en justice pour que la responsabilité des médecins soit engagée au titre de la complicité d’acte de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

6.   Inciter ses membres constituants à veiller que l’enseignement des conséquences de la torture et son traitement, la réhabilitation des survivants, le développement de la documentation sur la torture et la protection des professionnels de santé, tel qu’énoncé dans la présente déclaration, soient dispensés dans les écoles de médecine et les hôpitaux.