Adoptée par la 217e Session du Conseil de l’AMM, Séoul (en ligne), avril 2021
et supprimée par la 72e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Londres, Royaume-Uni, octobre 2021

L’Association médicale mondiale (AMM) juge alarmant l’état de santé du militant de l’opposition russe Alexei Navalny, détenu à Moscou depuis janvier 2021.

Navalny poursuit une grève de la faim depuis le 31 mars dernier et a été transféré dans un hôpital pénitentiaire le lundi 21 avril. Diverses sources d’information corroborent le fait qu’on lui refuse actuellement les soins médicaux dont il a besoin et que les autorités pénitentiaires menacent de l’alimenter de force.

L’AMM rappelle sa déclaration de Malte sur les grévistes de la faim, qui établit les principes d’éthique médicale applicables aux personnes en grève de la faim, en particulier pour ce qui concerne le respect de l’autonomie et de la dignité de ces personnes. L’alimentation forcée et les autres formes de contrainte constituent une forme de torture et à ce titre elles sont contraires à l’éthique médicale.

L’AMM rappelle les normes du droit international des droits humains, notamment les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels qui garantissent, entre autres droits, la liberté d’expression, l’accès à des soins de santé adéquats et l’interdiction de la torture et de tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. La Fédération de Russie a ratifié ces Pactes en 1973, ils s’imposent donc à elle.

En foi de quoi, l’AMM et ses membres appellent les autorités russes à assurer le plein respect de ses obligations au regard des droits humains et exigent une action immédiate aux fins d’assurer qu’Alexei Navalny soit traité avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, notamment :

  • il doit être examiné de toute urgence par des experts médicaux qualifiés et indépendants ;
  • les autorités russes doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour lui assurer des conditions de détention adéquates et conformes à la déclaration de Malte, respecter sa décision de poursuivre une grève de la faim et assurer qu’il ne soit pas alimenté de force ;
  • en tant que prisonnier politique privé de liberté en raison de son militantisme politique pacifique et de l’exercice de sa liberté d’expression, il doit être relâché immédiatement.

Adoptée par la 29e Assemblée Médicale Mondiale Tokyo (Japon), Octobre 1975
et révisée par la 170e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2005
par la 173e Session du Conseil, Divonne-les-Bains, France, Mai 2006
et la 67e Assemblée générale de l’AMM, Taipei, Taiwan, Octobre 2016

 

PREAMBULE

Le médecin a le privilège d’exercer son art pour servir l’humanité. Il doit conserver et rétablir la santé physique et mentale pour tous, sans discrimination, consoler et soulager ses patients. Le médecin doit garder le respect absolu de la vie humaine dès la conception, même sous la menace et ne devra pas faire usage de ses connaissances médicales contre les lois de l’humanité.

Dans cette Déclaration, la torture est définie comme les souffrances physiques ou mentales infligées à un certain degré, délibérément, systématiquement ou sans motif apparent, par une ou plusieurs personnes agissant de leur propre chef ou sous l’ordre d’une autorité pour obtenir par la force des informations, une confession ou pour toute autre raison.

DECLARATION

  1. Le médecin ne devra jamais assister, participer ou admettre les actes de torture ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants, quels que soient la faute commise, l’accusation, les croyances ou les motifs de la victime, dans toutes situations, ainsi qu’en cas de conflit civil ou armé.
  2. Le médecin ne devra jamais fournir les locaux, instruments, substances, ou faire état de ses connaissances pour faciliter l’emploi de la torture ou autre procédé cruel, inhumain ou dégradant ou affaiblir la résistance de la victime à ces traitements.
  3. Dans le cadre de l’assistance médicale qu’ils fournissent aux détenus ou aux prisonniers qui sont ou pourraient ultérieurement être soumis à des interrogatoires, les médecins doivent tout particulièrement veiller à la confidentialité de toutes les informations médicales personnelles. Toute infraction à la Convention de Genève doit être systématiquement signalée par le médecin aux autorités compétentes.
  4. Comme l’indique la Résolution de l’AMM sur la responsabilité des médecins dans la documentation et la dénonciation des actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants et en tant qu’exception à la confidentialité professionnelle, les médecins ont l’obligation éthique de signaler les abus, si possible avec le consentement du sujet, mais dans certaines circonstances lorsque la victime est dans l’incapacité de s’exprimer librement, sans consentement explicite.
  5.  Dans toute la mesure du possible, le médecin ne devra pas utiliser ni permettre que soient utilisées ses connaissances ou compétences médicales ou des informations de santé spécifiques aux personnes, pour faciliter ou sinon contribuer à un interrogatoire, légal ou illégal, de ces personnes.
  6. Le médecin ne devra jamais être présent lorsque le détenu est menacé ou soumis à la torture ou à toute autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant.
  7. Le médecin doit avoir une indépendance clinique totale pour décider des soins à donner à une personne placée sous sa responsabilité médicale. Le rôle fondamental du médecin est de soulager les souffrances de ses semblables et aucun motif d’ordre personnel collectif ou politique ne pourra prévaloir contre ce noble objectif.
  8. Lorsqu’un prisonnier refuse toute nourriture et que le médecin estime que celui-ci est en état de formuler un jugement conscient et rationnel quant aux conséquences qu’entraînerait son refus de se nourrir, il ne devra pas être alimenté artificiellement, tel que le stipule la Déclaration de Malte de l’AMM sur les grévistes de la faim. La décision en ce qui concerne la capacité du prisonnier à exprimer un tel jugement devra être confirmée par au moins un deuxième médecin indépendant. Le médecin devra expliquer au prisonnier les conséquences que sa décision de ne pas se nourrir pourraient avoir sur sa santé.
  9. Rappelant la Déclaration d’Hambourg concernant le soutien des médecins refusant de participer ou de fermer les yeux sur  l’usage de la torture ou d’autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant,  L’Association Médicale Mondiale soutient et encourage la communauté internationale, les Associations Médicales Nationales et tous les médecins à soutenir le médecin et sa famille qui feraient l’objet de représailles ou menaces pour avoir refusé d’accepter que des moyens de torture ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants soient employés.
  10. L’Association Médicale Mondiale lance un appel aux Associations Médicales Nationales pour encourager les médecins à poursuivre leur formation professionnelle et leur éducation sur les droits humains.