R-2003-02-2007_OVF
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Manuel des Politiques de l’AMM
World Medical Association R-2003-02-2007
RESOLUTION DE L’AMM
SUR
LA RESPONSABILITE DES MEDECINS DANS LA DOCUMENTATION
ET LA DENONCIATION DES ACTES DE TORTURE OU DES
TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DEGRADANTS
Adoptée par la 54e
Assemblée Générale de l’AMM, Helsinki, Finlande, Septembre 2003
et amendée par la 58e
Assemblée Générale de l’AMM, Copenhague, Danemark,
Octobre 2007
L’Association Médicale Mondiale,
1. Vu le préambule de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 proclamant
solennellement la foi des peuples des Nations Unies dans les droits fondamentaux de
l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine,
2. Vu le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre
1948 qui énonce que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit
à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité,
3. Vu l’article 5 de la même déclaration exprimant que nul ne sera soumis à la torture, ni
à des traitements cruels, inhumains et dégradants,
4. Vu la Convention américaine des droits de l’homme adoptée par l’Organisation des
États américains le 22 novembre 1969 et entrée en vigueur le 18 juillet 1978, ainsi que
la Convention interaméricaine contre la torture entrée en vigueur le 28 février 1987,
5. Vu la Déclaration de Tokyo, adoptée par l’A.M.M. en 1975, qui réaffirme l’interdiction
de toute forme de participation médicale ou de présence médicale dans le cadre de
tortures ou de traitements inhumains ou dégradants,
6. Vu la Déclaration de Hawaï, adoptée par l’Association Mondiale de Psychiatrie) en
1977,
7. Vu la Déclaration de Koweït adoptée par la Conférence internationale des associations
médicales islamiques en 1981,
8. Vu les Principes d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en
particulier aux médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptés par
l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1982, et notamment le
principe n°2 qui stipule: « il y a violation flagrante de l’éthique médicale… si des
membres des professions de santé, en particulier des médecins, se livrent activement
ou passivement à des actes par lesquels ils se rendent co-auteurs, complices ou
instigateurs de tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui
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constituent une tentative de perpétration… »,
9. Vu la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1984 et
entrée en vigueur le 26 juin 1987,
10. Vu la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants, adoptée par le Conseil de l’Europe le 26 juin
1987 et entrée en vigueur le 1er février 1989,
11. Vu la Résolution sur les droits de l’homme adoptée par l’Association Médicale
Mondiale à Rancho Mirage en octobre 1990 lors de la 42e
Assemblée générale et
amendée par les 45e
, 46e
et 47e
Assemblées générales,
12. Vu la Déclaration de Hambourg, adoptée par l’Association Médicale Mondiale en
novembre 1997 lors de la 49e Assemblée générale et qui appelle les médecins à s’élever
individuellement contre les mauvais traitements, et les organisations médicales
nationales et internationales à soutenir les médecins dans ces actions,
13. Vu le Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), adopté par l’Assemblée
générale des Nations Unies le 4 décembre 2000.
14. Vue la Convention sur les droits de l’enfant, adoptée par les Nations Unies le 20
novembre 1989 et entrée en vigueur le 2 septembre 1990 et
15. Vue la Déclaration de l’Association Médicale Mondiale de Malte sur les grévistes de
la faim, adoptée par la 43e Assemblée Médicale Mondiale à Malte en novembre 1991
et amendée par l’Assemblée Générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, en 2006
Considérant
1. Qu’une documentation prudente et ample ainsi qu’une dénonciation par les médecins
des cas de torture et de leurs auteurs participe à la préservation de l’intégrité physique
et psychique des victimes, et d’une façon générale, à la lutte contre une atteinte majeure
à la dignité humaine,
2. Que les médecins, en constatant les séquelles et en traitant les victimes de la torture,
soit peu après ou ultérieurement, représentent des témoins privilégiés de cette atteinte
aux droits de l’homme,
3. Que les victimes, du fait des séquelles psychologiques dont elles souffrent ou des
pressions qui s’exercent sur elles, sont souvent dans l’incapacité d’exprimer elles-
mêmes des plaintes contre les auteurs des sévices qu’elles ont subis,
4. Que le fait de ne pas documenter et dénoncer des actes de torture peut s’assimiler à une
forme de tolérance à l’égard de celle-ci et de non-assistance à l’égard de ses vic-times,
5. Que cependant il n’est pas fait régulièrement et explicitement mention dans les codes
professionnels d’éthique médicale et dans les textes législatifs de l’obligation faite aux
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médecins de documenter, signaler ou dénoncer des faits de torture ou de traitement
inhumain ou dégradant dont ils ont connaissance.
Recommande que les Associations Médicales Nationales
1. Tentent d’assurer aux détenus ou aux victimes de tortures ou de cruauté ou de mauvais
traitements des soins immédiates et indépendants. Tentent de veiller à ce que les
médecins incluent une évaluation et une documentation des symptômes de torture ou
de mauvais traitement dans les dossiers médicaux, en prenant les précautions
procédurales nécessaires afin de ne pas mettre en danger les détenus.
2. Travaillent à une plus grande sensibilisation au Protocole d’Istanbul et à ses principes
sur l’investigation et la documentation concrètes des actes de torture et d’autres
traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce travail doit être fait au niveau du pays
en ayant recours à différentes méthodes pour diffuser les informations ; y compris la
formation, les publications et Internet.
3. Assurent la diffusion du Protocole d’Istanbul auprès des médecins
4. Forment davantage les médecins pour qu’ils sachent identifier les différents types de
torture, en recensant les symptômes physiques et psychologiques propres au mode de
torture et en s’aidant des techniques de documentation prévues dans le Protocole
d’Istanbul pour établir une documentation utilisable en tant que preuve dans le cadre de
procédures judiciaires ou administratives.
5. Permettent que soit établie une meilleure corrélation entre les examens cliniques, la
connaissance des méthodes de torture et les allégations des patients sur les abus
commis.
6. Facilitent l’établissement de rapports médicaux de grande qualité sur les victimes de la
torture pour soumission aux corps judiciaires et administratifs.
7. Veillent au mieux à ce que les médecins respectent le consentement éclairé et évitent
de mettre en danger des individus en documentant des stigmates de torture et de
mauvais traitement.
8. Veillent à ce que les médecins incluent l’évaluation et la documentation des symptômes
de torture ou de mauvais traitement dans les dossiers médicaux, avec les précautions
procédurales nécessaires pour ne pas mettre en danger les détenus.
9. Appuient l’adoption dans leur pays de règles déontologiques et de dispositions
législatives:
• visant à affirmer l’obligation éthique des médecins de signaler ou de dénoncer les
actes de torture ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants dont ils ont
connaissance. Le signalement ou la dénonciation sera effectué, selon les
circonstances, auprès d’autorités nationales ou internationales, médicales,
judiciaires, auprès d’organisations non gouvernementales ou auprès de la Cour
pénale internationale. Les médecins useront ici de leur pouvoir d’appréciation, tout
en gardant en mémoire le paragraphe 68 du Protocole d’Istanbul ;
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• instituant à cet effet une exception éthique et législative au secret professionnel
permettant au médecin de procéder au signalement de mauvais traitements, dans la
mesure du possible avec le consentement du sujet, mais sans le consentement
explicite de la victime lorsque celle-ci est incapable de s’exprimer librement;
• prévenant le médecin d’éviter de mettre en danger les personnes en signalant no-
minément une victime privée de liberté, subissant des contraintes ou des menaces
ou dont la situation psychologique est compromise.
10. Mettent à leur disposition toutes informations utiles sur les procédures de signalement
à destination notamment des autorités nationales, des organisations non
gouvernementales ainsi que de la Cour Pénale Internationale.
Protocole d’Istanbul, paragraphe 68 : Il arrive aussi que deux obligations morales
s’opposent. Les instruments nationaux et les codes d’éthique imposent de rendre compte à
une instance compétente de tout acte de torture ou autre mauvais traitement. Dans certains
pays, ce devoir est confirmé par la législation nationale. Dans certains cas, toutefois, les
intéressés refusent qu’on les examine à ces fins ou qu’on divulgue les informations
recueillies lors de l’examen, en général par crainte de représailles à leur encontre ou contre
leur famille. Les professionnels de la santé sont alors écartelés entre deux responsabilités :
vis à vis de leur patient vis à vis de la société dans son ensemble, dans l’intérêt de laquelle
il importe que justice soit rendue et que les tortionnaires soient châtiés. Face à de tels
dilemmes, l’obligation de ne pas causer de préjudice au patient doit prévaloir. Les
professionnels de la santé doivent donc chercher des solutions permettant de servir la
justice sans avoir à violer le secret professionnel, en sollicitant si besoin est l’avis
d’organisme dignes de confiance (selon les cas, ils pourront faire appel à leur association
médicale nationale ou à des organisations non gouvernementales). Parfois, on parvient
cependant à convaincre le patient de consentir à la divulgation d’informations le
concernant, sous certaines réserves.