Prise de position de l’AMM sur l’accès aux soins de santé des femmes et des enfants
Adoptée par la 49e Assemblée Générale Hambourg, Allemagne, Novembre 1997,
révisée par la 59e Assemblée Générale de l’AMM, Séoul, Corée, Octobre 2008,
par la 70e Assemblée Générale, Tbilissi, Géorgie, Octobre 2019,
et par la 72e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Londres, Royaume-Uni, Octobre 2021
PREAMBULE
Depuis des siècles, les femmes et les jeunes filles à travers le monde sont victimes des inégalités entre les hommes et les femmes, y compris des inégalités de pouvoir. Historiquement, cette discrimination envers les femmes et les jeunes filles, fondée sur le sexe, a conduit à ce qu’elles n’aient qu’un accès limité à la vie professionnelle, à l’éducation et aux soins de santé, entre autres.
Les inégalités de genre créent des risques en matière de traitement médical. Lorsque des personnes dont les pathologies sont similaires ne reçoivent pas un traitement et des soins de qualité égale en fonction de leur genre, ou lorsque des manifestations différentes d’une maladie ne sont pas prises en compte en raison du sexe du patient, les résultats médicaux obtenus en pâtissent.
En outre, dans certains pays, en raison de convictions religieuses ou culturelles ou de discriminations fondées à la fois sur le sexe et sur la religion ou l’appartenance ethnique, les femmes prestataires de soins sont empêchées d’exercer leur profession ou voient leur pratique professionnelle ou leur évolution de carrière entravée. Le manque de représentation des femmes et la faible diversité au sein de la profession médicale peuvent engendrer un accès inéquitable aux soins de santé, au détriment des patientes et de leurs enfants.
La discrimination pratiquée à l’encontre des jeunes filles et des femmes porte atteinte aux soins qu’elles sont en droit d’attendre en matière de santé. Cette discrimination constitue un obstacle dans leur accès aux services de santé, nuit à la qualité des services de santé qui leur sont fournis et renforce leur exclusion de la société. Par exemple, l’instruction des filles contribue positivement à leur bonne santé et à leur bien-être à l’âge adulte. Leur éducation accroît en outre les chances de survie de leur enfant au-delà de la période infantile et contribue au bien-être général de l’ensemble de leur famille. À l’inverse, la discrimination secondaire due aux pratiques sociales, religieuses ou culturelles, qui limite la liberté de décision des femmes pour elles-mêmes et leur accès au travail et aux soins de santé, a un impact négatif sur les attentes qu’elles peuvent avoir en matière de santé.
Les lois, les politiques et les pratiques nationales peuvent également favoriser et perpétuer la discrimination dans les établissements de santé, en décourageant les femmes et les filles de chercher à recourir aux services de santé dont elles ont besoin, voire en le leur interdisant tout à fait. Il est prouvé que de telles lois portent atteinte aux droits humains et aux droits à la santé. Par exemple, dans certains pays et en vertu de lois nationales, de législations ou de normes sociales, les femmes et les filles n’ont qu’un faible pouvoir de décision sur les traitements médicaux et les interventions chirurgicales qu’elles subissent, sur une éventuelle grossesse ou sur leur contraception.
Lutter contre la discrimination dans les établissements de santé contribuera à la réalisation de nombreux objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies en permettant d’assurer qu’aucune femme ou jeune fille ne soit abandonnée à son sort. Il est indispensable d’avancer vers le troisième d’entre eux, « donner les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tous les âges est essentiel pour le développement durable », le quatrième « obtenir une éducation de qualité est le fondement pour améliorer la vie des gens et le développement durable », le cinquième, « l’égalité des sexes n’est pas seulement un droit fondamental de la personne, mais aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable », le huitième « nous devons revoir et réorganiser nos politiques économiques et sociales visant à éliminer complètement la pauvreté », le dixième « réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre » et le seizième « promotion de sociétés pacifiques et inclusives, accès à la justice pour tous et renforcement des institutions responsables et efficaces à tous les niveaux ».
Le genre est un déterminant social de la santé et des troubles de la santé peuvent se manifester différemment chez les femmes et chez les hommes. Il est nécessaire de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes en matière de santé et de soins de santé, y compris dans leurs dimensions biologiques et socioculturelles.
L’accès aux soins de santé, qu’il s’agisse de prévention ou de thérapie, est un droit humain fondamental, ce qui impose au gouvernement l’obligation d’assurer que ce droit humain est pleinement respecté et protégé. Les inégalités entre les femmes et les hommes doivent être traitées et éradiquées dans tous les aspects du soin.
L’apprentissage automatique, les algorithmes prédictifs et l’intelligence artificielle (IA) dans les soins de santé devraient changer radicalement la façon dont les soins de santé sont pratiqués et gérés. Par exemple, l’IA pourrait changer la façon dont des maladies telles que le cancer sont diagnostiquées et traitées. Cependant, même avec l’introduction de l’IA dans les soins de santé, les limitations de ressources peuvent empêcher la plupart des femmes dans le monde d’accéder à ces soins. Afin de ne pas amplifier les inégalités entre les sexes, les informations programmées dans les algorithmes d’intelligence artificielle créés pour étayer les diagnostics et la gestion médicale doivent tenir compte des considérations spécifiques aux femmes en matière de santé, par exemple les femmes peuvent présenter des symptômes différents de ceux des hommes.
La déclaration de Genève de l’AMM proclame le respect pour la dignité humaine qui s’impose à tout médecin : ce dernier ne saurait laisser des considérations relatives au genre s’interposer entre son devoir et son patient.
RECOMMANDATIONS
Par conséquent, l’Association médicale mondiale prie instamment ses membres constituants :
- de promouvoir des droits humains relatifs à la santé égaux pour les femmes et les enfants;
- de condamner sans réserve les violations des droits humains fondamentaux perpétrées à l’encontre des femmes et des enfants, y compris les violations liées à des pratiques sociales, politiques, religieuses, économiques ou culturelles ;
- d’insister sur les droits de toutes les femmes et de tous les enfants à des soins médicaux appropriés et complets, notamment là où les restrictions religieuses, sociales et culturelles ou les discriminations pourraient entraver l’accès à de tels soins, et de promouvoir la santé et l’accès aux soins de santé des femmes et des enfants en tant que droits humains ;
- de défendre l’égalité en matière de primes d’assurance et de couverture santé afin d’assurer que les femmes ne soient pas empêchées d’accéder aux soins de santé par des tarifs prohibitifs ;
- les gouvernements ont l’obligation de veiller à ce que les informations programmées dans les algorithmes d’intelligence artificielle créés pour éclairer les diagnostics et la gestion médicale comprennent un échantillon représentatif de données provenant de femmes afin de garantir que l’écart d’inégalité entre les sexes ne s’amplifie pas davantage,
- d’assurer un accès universel à la santé sexuelle et reproductive ;
- promouvoir la prestation de soins préconception, prénataux, postnataux et maternels comprenant la vaccination, une nutrition permettant une bonne croissance et le développement de soins de santé adaptés aux enfants ;
- promouvoir les perspectives éducatives, économiques et d’emploi des femmes et leur accès aux informations relatives aux soins de santé et aux services de santé,
- de promouvoir le droit de tout être humain à l’égalité des chances et à l’égalité d’accès aux soins et de traitement, quel que soit son genre.