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Manuel des Politiques de l’AMM
World Medical Association  R-2010-02-2010
RESOLUTION DE L’AMM
SUR
LA VIOLENCE A L’ENCONTRE DES FEMMES ET DES JEUNES FILLES
Adoptée par la 61e
Assemblée Générale de l’AMM, Vancouver, Canada, Octobre 2010
La violence est un phénomène institutionnalisé dans le monde entier et un sujet complexe
se traduisant de multiples façons. La nature de la violence subie par les victimes dépend en
partie du contexte social, culturel, politique et économique dans lequel vivent les victimes
et leurs agresseurs. Il existe une violence délibérée, systématique et répandue alors que
d’autres formes de violence demeurent cachées. C’est notamment le cas de la violence
domestique dans les zones du monde où les femmes ont le même statut juridique que les
hommes et bénéficient d’une protection légale face aux hommes violents. Culturellement
cependant, elles risquent de subir une violence domestique les mettant en danger de mort.
Dans la plupart des pays, il est prouvé que les hommes peuvent être et sont souvent victimes
de violence y compris de la part de leur partenaire. Statistiquement ils risquent de subir
bien davantage la violence de rue. La recherche montre que les hommes vivent
fréquemment ce type de violence mais que cette violence n’est pas conjuguée à des abus
systématiques en termes de droits. Par conséquent, les femmes vivent des choses bien pires
dans de nombreuses cultures. Cet article ne considère pas pour autant qu’il faille fermer les
yeux sur la violence à l’encontre des hommes et des jeunes garçons. Les actions destinées
à protéger les femmes et les jeunes filles limiteront probablement les actes de violence à
l’encontre de tout le monde.
Au sein de la famille et de la maison, la violence inclut le déni des droits et des libertés
dont jouissent les hommes et les jeunes garçons. En font partie la destruction des fœtus de
sexe féminin et l’infanticide des filles, le manque de soins systématique et délibéré des
jeunes filles, avec en autres une alimentation insuffisante et le refus d’un accès à l’éduca-
tion1
ainsi que la violence directe physique, psychologique et sexuelle. Certaines pratiques
culturelles portant atteinte aux femmes dont la mutilation génitale féminine, le mariage
forcé, la violence liée à la dot et les crimes dits « d’honneur » sont toutes des pratiques qui
peuvent exister au sein des familles.
L’attitude à l’égard du viol, des violences sexuelles et du harcèlement sexuel, l’intimidation
au travail ou dans l’éducation, l’esclavage moderne, la traite des femmes et la prostitution
forcée sont toutes des formes de violence que certaines sociétés occultent. Une forme
extrême de violence est la violence sexuelle utilisée comme arme de guerre. Dans plusieurs
conflits récents (dans les Balkans, au Rwanda), le viol a été associé au nettoyage ethnique
et plus spécifiquement dans certains cas utilisés pour propager le SIDA dans une
communauté. Le CICR a examiné la question et reconnaît que cette violence sexuelle
pouvait être perpétrée communément sur les femmes et les jeunes filles2
.
La violence sexuelle ou la menace sexuelle peuvent être également utilisées à l’encontre
des hommes mais culturellement les femmes sont plus touchées et plus souvent ciblées.
Les conflits actuels ne reposent pas sur des batailles menées au loin ; ils se concentrent de
violence à l’encontre des femmes
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plus en plus autour de centres très peuplés ce qui expose les femmes aux soldats et aux
groupes armés. Au moment d’une guerre et après une guerre, le tissu sociétal peut se
désagréger ce qui vulnérabilise les femmes encore plus par rapport aux attaques de groupes.
Le manque d’indépendance économique et d’éducation basique signifie aussi que les
femmes qui survivent à des actes de violence sont ou seront ou deviendront probablement
plus dépendantes de la société et moins en mesure de s’auto-suffire et de contribuer à la
société dans laquelle elles vivent. Sur le plan biologique et comportemental, les femmes
survivent en principe aux hommes ; ne pas avoir la possibilité d’être indépendante
économiquement crée une société où bon nombre de femmes âgées sont économiquement
dépendantes.
L’état peut fermer les yeux sur toutes ces formes de violence ou garder le silence, refusant
en cela de les condamner ou de les combattre. Dans certains cas, l’état peut même légiférer
pour autoriser des pratiques violentes (par exemple le viol dans le cadre du mariage) et
devenir lui-même un acteur de cette violence.
Tous les êtres humains jouissent de certains droits humains fondamentaux ; les exemples
de violence à l’encontre des femmes et des jeunes filles ci-dessus énoncés impliquent le
déni de bon nombre de ces droits et tous les mauvais traitements peuvent être examinés à
la lumière de la Convention des NU sur les droits humains (et pour les enfants de la
Convention sur les droits de l’enfant)3
.
En matière de santé, le déni des droits et la violence elle-même ont des conséquences pour
les femmes et les jeunes filles et pour la société dont elles font partie. Au-delà des
conséquences physiques et sanitaires spécifiques et directes, la façon dont sont
généralement traitées les femmes et les jeunes filles peut conduire à une recrudescence de
problèmes de santé mentale ; le suicide est la seconde cause majeure de mort prématurée
chez les femmes.
Conséquences de la violence
Les conséquences directes de la violence sur la santé dépendent de la nature des actes. La
mutilation génitale féminine par exemple peut tuer la femme au moment où elle est
perpétrée, peut rendre difficile l’élimination par le corps des déchets dont ceux de la
menstruation et rendre difficile les grossesses. Elle renforce également l’idéologie qui
consiste à penser que les femmes sont la possession des hommes (en soi, une forme de
mauvais traitement) et qu’ils contrôlent leur sexualité. Les viols en réunion ou d’autres
formes de violence sexuelle peuvent à long terme générer des problèmes gynécologiques,
urologiques et intestinaux avec entre autres apparition de fistules et d’incontinence. Tout
cela ne favorise pas le soutien de la société en faveur des femmes abusées.
Les conséquences de la violence à court et long terme sur la santé mentale peuvent ensuite
avoir un grave impact sur le bien-être, la joie de vivre, le rôle social et la capacité à bien
soigner les personnes dépendantes.
Les médecins ont un rôle important à jouer dans le domaine de la collecte des preuves.
Actuellement de nombreux pays n’ont pas de registre des naissances obligatoire ce qui rend
difficile la documentation des infanticides ou de l’impact du manque de soins. Dans le
même ordre d’idées, certains pays autorisent le mariage à tout âge exposant ainsi les jeunes
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filles à de grands risques de grossesse avant que leur corps ne soit totalement formé, sans
parler des risques pour la santé mentale que cela implique. Les conséquences sanitaires de
telles politiques et leur relation aux autres coûts pour la santé doivent être mieux
documentées.
Leur refuser la possibilité de bien se nourrir conduit des générations de femmes en
mauvaise santé, à des problèmes de croissance et de développement. Ces femmes sont alors
moins en mesure de survivre à une grossesse et un accouchement ou à entretenir leurs
familles. Ne pas donner un accès à l’éducation nuit à la santé de tous les membres de la
famille ; une bonne éducation est un facteur majeur en ce qui concerne la qualité des soins
prodigués par la mère à toute sa famille. Au-delà de ce qu’elle a de condamnable en elle-
même, la violence contre les femmes est aussi dommageable socialement et
économiquement pour la famille et la société. Les conséquences directes et indirectes de la
violence à l’encontre des femmes sur le plan économique vont bien au-delà des coûts
directs pour le secteur de la santé.
Le coût et les conséquences de la violence y compris le manque de soins, à l’encontre des
femmes ont été expliqués dans de nombreux forums notamment à l’OMS4
. Les
conséquences sanitaires pour les femmes, leurs enfants et donc la société sont claires et
doivent être explicitées aux décideurs politiques.
QUE PEUT FAIRE L’AMM ?
L’AMM a un certain nombre de politiques sur la violence dont la Prise de position de
l’AMM sur la violence et la santé et la Prise de position de l’AMM sur la violence familiale.
Cette présente (prise de position/résolution/déclaration) rassemble certaines de ses
politiques avec un ensemble d’actions coordonnées pour l’AMM, les AMN et les médecins
individuels.
Les êtres humains cherchant d’abord des avantages pour eux-mêmes, leurs familles et leurs
communautés, permettre le changement, bien expliquer dès le départ les avantages du
changement s’avère être une solution « gagnant-gagnant ». S’axer d’abord sur les
considérations sanitaires pour les femmes, leurs enfants et la famille au sens plus large, est
une méthode bien utile pour lancer le débat.
Les médecins sont bien placés pour juger des effets combinés sur la qualité de
l’environnement social, culturel, économique et politique. Si toutes les personnes doivent
accéder à un bon état de santé et au bien-être, il faut que tous ces facteurs fonctionnent en
synergie. La vision holistique qu’ont les médecins peut servir à influencer la société et les
politiques. Il faut donc absolument obtenir le soutien de la société afin d’améliorer les
droits, la liberté et le statut des femmes.
ACTIONS
L’AMM:
• Fait valoir que la violence n’est pas uniquement de nature physique, psychologique
et sexuelle mais s’étend aussi aux mauvais traitements tels que des pratiques
violence à l’encontre des femmes
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culturelles et traditionnelles nuisibles et des actions comme par ex. la complicité en
matière de traite des femmes et que c’est là une crise de santé publique majeure.
• Reconnaît le lien entre d’une part une meilleure éducation et les autres droits des
femmes et d’autre part la santé familiale et sociétale et le bien-être. Elle met l’accent
sur le fait que l’équité en matière de libertés civiles et de droits humains est une
question de santé.
• Préparera un briefing et des supports de sensibilisation/défense pour les AMM à
utiliser auprès des gouvernements nationaux et des groupes intergouvernementaux
étudiant les implications de la discrimination envers les femmes et les jeunes filles
sur la santé et le bien-être. Cette documentation inclura des références sur l’impact
de la violence sur le bien-être familial et la stabilité financière de la société.
• Travaillera avec d’autres pour préparer et distribuer aux médecins et aux autres
travailleurs sanitaires un briefing et des supports de sensibilisation/défense sur les
pratiques culturelles et traditionnelles nuisibles y compris la mutilation génitale
féminine, les crimes pour dot et les crimes d’honneur ; Elle soulignera l’impact
sanitaire et les violations des droits humains.
• Préparer des exemples pratiques de l’impact de la violence et des stratégies pour la
réduire comme par ex. des directives consensuelles basées sur les meilleures
preuves disponibles.
• Plaidera auprès de l’OMS, des autres agences des NU et ailleurs pour que cessent
la discrimination et la violence envers les femmes.
• Travaillera avec d’autres pour préparer des matrices de supports éducatifs à
l’intention des praticiens afin qu’ils puissent documenter et signaler des cas de
mauvais traitements.
• Encourage les autres à créer des supports éducatifs gratuits sur Internet pour
conseiller les travailleurs sanitaires situés en première ligne et confrontés à des cas
de mauvais traitements, les informer de l’impact de ces mauvais traitements et des
stratégies de prévention.
• Encourager la législation qui range le viol en réunion utilisé comme arme de guerre
dans la catégorie des crimes contre l’humanité, relevant de la compétence de la
Cour Pénale Internationale.
Les AMN devraient :
• Utiliser et promouvoir les supports disponibles sur la prévention et la prise en
charge des conséquences de la violence à l’encontre des femmes et des jeunes filles
et les défendre dans leur propre pays.
• Veiller à ce que les enseignants dans le domaine médical connaissent le taux de
probabilité d’exposition à la violence, ses conséquences et les stratégies de
prévention efficaces ; y mettre l’accent dans l’enseignement universitaire,
postuniversitaire et la formation permanente des travailleurs sanitaires.
• Reconnaître l’importance de comptes-rendus plus complets sur les séquelles de la
violence et encourager la mise en place d’une formation sensibilisant à la violence
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et à sa prévention. Il faudrait également mieux signaler et étudier l’incidence, la
prévalence et l’impact sanitaire de toutes les formes de violence.
• Encourager les revues médicales à publier davantage de recherches sur les
interactions complexes dans ce domaine ce qui contribuerait à une sensibilisation
constante de la profession, à la création de bases solides de recherche et d’une
documentation sur les formes de violence et leur incidence.
• Encourager les revues médicales à envisager de publier des articles thématiques sur
la violence y compris sur le manque de soins des femmes et des jeunes filles.
• Plaider pour un enregistrement universel des naissances et une limite d’âge plus
élevée pour le mariage.
• Plaider pour une application effective des droits humains universels.
• Plaider pour une éducation des parents et une assistance en matière de soins,
d’alimentation, de développement, d’éducation et de protection des enfants, en
particulier des filles.
• Plaider pour un suivi des statistiques sur les enfants, incluant aussi bien des
indicateurs positifs que négatifs sur la santé et le bien-être et les déterminants
sociaux de la santé.
• Plaider pour une législation interdisant certaines pratiques nuisibles dont la
destruction des fœtus de sexe féminin, la mutilation génitale féminine, le mariage
forcé et les châtiments corporels.
• Plaider pour la criminalisation du viol dans toutes les circonstances y compris au
sein du mariage.
• Condamner la pratique du viol en réunion comme tactique de guerre et travailler
avec d’autres pour le documenter et le signaler.
• Plaider pour la création de données sur la recherche concernant l’impact de la
violence et du manque de soins sur les victimes primaires et secondaires et sur la
société et pour un financement accru de ce type de recherches.
• Plaider pour la protection de ceux qui déclarent les mauvais traitements y compris
des médecins et des travailleurs sanitaires.
Les médecins devraient:
• Utiliser les supports conçus pour leur formation pour mieux s’informer eux-mêmes
des effets des mauvais traitements et des stratégies efficaces de prévention.
• Soigner et protéger les enfants (notamment en périodes de crise), documenter et
signaler tous les cas de violence envers les enfants, en veillant à préserver l’intimité
du patient autant que possible.
• Traiter et éliminer si possible les complications et les effets secondaires de la
mutilation génitale féminine et adresser les patientes aux services d’entraide
sociale.
• S’opposer à la publication ou à la diffusion du nom des victimes, de leur adresse ou
de leur portrait sans leur autorisation expresse.
• Évaluer les risques de violence familiale dans le cadre d’une recherche routinière
violence à l’encontre des femmes
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de l’histoire sociale.
• Être vigilant sur une dépendance à l’alcool ou à la drogue chez les femmes qui peut
avoir pour origine un passé de mauvais traitements.
• Soutenir les collègues qui s’engagent personnellement pour mettre un terme à de
mauvais traitements.
• Travailler à l’instauration d’une relation de confiance nécessaire avec les femmes
et les enfants victimes de mauvais traitements, y compris le respect de la
confidentialité.
• Soutenir une action mondiale et locale pour une meilleure compréhension des
conséquences sanitaires à la fois des mauvais traitements et du déni des droits ;
plaider pour davantage de services aux victimes.
1
A 1ère vue, la négligence ne semble pas comparable à la violence. Mais l’acceptation de la
négligence et les droits moins nombreux octroyés aux femmes et petites filles constituent des
facteurs majeurs renforçant une acceptation de la violence causale et systématique. En ce sens,
les droits de base sont niés. Beaucoup tendent à classifier la négligence comme une forme de
violence en soi.
2
Le viol est considéré comme une arme de guerre lorsque les forces armées les utilisent aux fins
de torturer, blesser, obtenir des informations, dégrader, déplacer, intimider, punir ou simplement
détruire le tissu social. La simple menace de violence sexuelle peut provoquer la fuite de com-
munautés entières – Women and War, ICRC 2008.
3
Women’s Health and Human Rights: the Promotion and Protection of Women’s Health through
International Human Rights Law. Rebecca Cook. Presented at the 1999 Adapting to Change Core
Course.
4
Women and Health: Today’s Evidence, Tomorrow’s Agenda. WHO November 2009. ISBN 978
92 4 156385 7.