Prise de Position de l’AMM sur l’Ethique Professionnel et l’Usage Ethique des Medias Sociaux
Adoptée par la 62ème Assemblée Générale de l’AMM, Montevideo, Uruguay, octobre 2011
Et révisée par la 73ème Assemblée générale de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022
DÉFINITION
Le terme « réseaux sociaux » désigne collectivement les différentes plateformes interactives, sites internet et applications qui permettent à leur utilisateur, personne ou organisation, d’échanger avec d’autres, de créer du contenu et de le partager en ligne.
Les objectifs de la présente politique sont les suivants :
- étudier les enjeux professionnels et éthiques liés à l’usage croissant des réseaux sociaux par les médecins et les patients ;
- établir un cadre pour la protection de leurs intérêts respectifs ;
- préserver la confiance et la réputation de la profession en se conformant à de hautes normes professionnelles et éthiques ;
- promouvoir la disponibilité d’informations de qualité à travers des réseaux sociaux ;
- lutter contre les fausses informations et la désinformation sur les réseaux sociaux.
L’utilisation des réseaux sociaux fait partie du quotidien de milliards de personnes dans le monde dont des médecins, des étudiants en médecine et des patients.
Les outils de collaboration interactifs comme les wikis, les plateformes de réseaux sociaux, les chats et forums et les blogs ont transformé des consommateurs d’internet passifs en des internautes actifs. Ces outils visent à rassembler, partager et diffuser des informations, y compris des informations sur la santé et la science, à se faire des amis, à entrer en contact avec des amis, des parents et des professionnels, etc. Ils peuvent aussi servir à chercher des avis médicaux et les patients y font part de leurs expériences en matière de santé et de soins. Ils peuvent aussi servir à la recherche, à la santé publique et à l’éducation.
Ces aspects positifs des réseaux sociaux devraient leur valoir d’être reconnus comme un moyen de promouvoir un mode de vie sain, de diffuser les connaissances médicales dans la société et de réduire leur isolement.
Certains domaines pourraient toutefois exiger une attention particulière, parmi lesquels :
- les contenus sensibles, les photographies, les vidéos ou d’autres éléments personnels mis en ligne sur des forums, qui sont souvent accessibles au public et peuvent demeurer sur internet de façon permanente. Les personnes peuvent ne pas avoir le contrôle sur la destination finale d’éléments mis en ligne ;
- les portails de patients, les blogs et les sites de discussion, qui ne remplacent pas une consultation en tête à tête avec des médecins, mais peuvent permettre une implication plus active de certains groupes auprès des services de santé. Les « amitiés » en ligne avec des patients peuvent aussi altérer la relation entre médecin et patient et aboutir à ce que soient divulguées par le médecin et le patient des informations inutiles et éventuellement problématiques ;
- la vie privée de chacune des parties, qui peut être compromise en l’absence de mesures de préservation de la vie privée ou par une utilisation inappropriée des données mises en ligne. Les paramètres de confidentialité ne sont pas sûrs, les entreprises qui gèrent les réseaux sociaux peuvent modifier les réglages par défaut concernant la protection de la vie privée de manière unilatérale, sans que l’utilisateur le sache. Les réseaux sociaux peuvent également mettre des communications à la disposition de tiers ;
- les fausses informations et la désinformation, qui se propagent souvent plus rapidement par les réseaux sociaux que les informations exactes et factuelles. Cela peut porter atteinte à la santé de personnes, mais aussi plus généralement à la santé publique en jetant le doute et en créant la défiance vis-à-vis de professionnels qui ne cherchent qu’à promouvoir la vérité et une science fondée sur des preuves ;
- les informations biographiques, qui devraient comporter les mises en garde appropriées (par exemple, « ces opinions n’engagent que moi », « ces contributions ne sont pas des avis médicaux personnalisés », etc.).
La diffusion de connaissances médicales, de bonnes pratiques et de possibilités de traitement sur les réseaux sociaux peut élargir et accélérer l’accès à des informations nouvelles et exactes entre professionnels de la médecine. Cependant, des personnes et des entreprises profitent de ces canaux de manière trompeuse, notamment pour promouvoir ou commercialiser leurs produits ou traitements médicaux.
Recommandations
L’AMM exhorte les associations médicales nationales à établir des directives relatives aux réseaux sociaux à destination des médecins pour les inviter à :
- respecter les limites qui s’imposent dans la relation entre médecin et patient conformément aux directives professionnelles et éthiques, tout comme ils le feraient dans n’importe quel autre contexte ;
- assurer qu’aucune information permettant d’identifier un patient n’est postée sur un réseau social par un médecin, en améliorant la compréhension des dispositions relatives à la protection de la vie privée et de leurs limites sur les sites des réseaux sociaux, tout en tenant compte du public cible et de la possibilité technique de restreindre l’accès au contenu à des personnes ou des groupes prédéfinis ;
- utiliser avec précaution les applications qui pourraient compromettre la sécurité des données, y compris pour la consultation de collègues ;
- promouvoir et appliquer les directives de l’AMM pour les interventions médiatiques promotionnelles des médecins à toutes leurs activités sur les réseaux sociaux ;
- contrôler régulièrement leur présence sur internet afin de s’assurer que les informations personnelles et professionnelles de leur propre site et, dans une certaine mesure, les contenus les concernant mis en ligne par d’autres soient exacts et appropriés ;
- éviter de se laisser distraire par des dispositifs technologiques lors d’une consultation avec un patient ;
- fournir des informations factuelles, concises et compréhensibles, déclarer tout conflit d’intérêts et adopter un ton sobre lors des discussions de nature professionnelle ;
- éviter tout usage inapproprié des réseaux sociaux, en particulier les attitudes insouciantes ou insensibles et les opinions irréfléchies sur des sujets médicaux ;
- attirer l’attention des médecins sur le fait que l’activité des professionnels de santé sur les réseaux sociaux pourrait contribuer à la perception de la profession par le grand public et devrait donc être conforme aux principes énoncés dans la déclaration de Genève et le Code international d’éthique médicale de l’AMM ;
- envisager l’intégration de programmes éducatifs sur l’utilisation des réseaux sociaux dans le cursus de médecine et la formation continue en médecine ;
- adopter sur les réseaux sociaux la même rigueur scientifique et la même approche qu’en consultation et à témoigner le même respect aux patients et aux collègues que dans la vie professionnelle ;
- créer des mécanismes de responsabilisation dans les environnements professionnels en cas de comportement inopportun sur les réseaux sociaux ;
- promouvoir les connaissances sur la santé parmi la population et en particulier les patients, en utilisant des messages objectifs et fondés sur des données scientifiques, conformément aux principes énoncés dans la déclaration de Genève, le Code international d’éthique médicale et la prise de position de l’AMM sur la nécessité pour tous de recevoir des informations de santé ;
- lutter contre les fausses informations, la désinformation et la promotion de pseudosciences et de pseudothérapies, qui peuvent porter atteinte à la santé des patients et de la société au sens large ;
- conseiller les autres médecins qui diffuseraient de fausses informations ou qui trahiraient la confiance de patients sur les réseaux sociaux et/ou dénoncer de tels agissements aux autorités compétentes ;
- sensibiliser les autres médecins et les étudiants en médecine à l’éventualité que des informations partagées sur les réseaux sociaux soient utilisées à mauvais escient par des personnes ou des entreprises.