Prise de Position de l’AMM sur les Technologies de Procréation Assistée
Adoptée par la 57ème Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, octobre 2006
Et révisée par la 73ème Assemblée générale de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022
et révisée dans sa recommandation 14 par la 75ème Assemblée générale de l’AMM, Helsinki, Finlande, octobre 2024
PRÉAMBULE
Les techniques de procréation assistée (TPA) couvrent un grand nombre de techniques conçues principalement pour aider les femmes qui ne pourraient procréer sans assistance médicale.
Les techniques de procréation assistée englobent tout traitement de l’infertilité comportant une manipulation médicale et scientifique de gamètes et d’embryons humains.
Les techniques de procréation assistée soulèvent parfois de profondes questions éthiques et juridiques. Les opinions et les croyances sur les techniques de procréation assistée varient au sein et entre les pays de même que les règlementations dont elles relèvent.
Au cœur des débats se trouvent le statut moral de l’embryon, la manière dont les techniques de procréation assistée sont considérées sur les plans moral, social et religieux, de même que la manière dont est considéré l’enfant ou les enfants né(s) grâce à ces techniques et les droits des personnes impliquées, à savoir les donneurs, les mères de substitution, les enfants et les parents d’intention. Alors qu’il est possible de parvenir à un consensus sur certaines questions, des divergences d’opinions profondes demeurent, plus difficiles à concilier.
La procréation assistée diffère du traitement d’une maladie en ce que l’impossibilité de devenir parent sans intervention médicale n’est pas forcément considérée comme une maladie. Il n’en demeure pas moins que l’impossibilité de concevoir un enfant peut être le résultat d’une pathologie antérieure.
Dans de nombreux pays, le processus d’obtention du consentement doit suivre un processus de divulgation d’informations et d’offre de conseil, voire une évaluation officielle du patient ayant trait au bien-être de l’enfant à naître.
Face aux progrès des nouvelles techniques de procréation assistée, les médecins doivent garder à l’esprit que tout ce qui est techniquement possible n’est pas éthiquement acceptable. La manipulation génétique sans but thérapeutique est contraire à l’éthique, comme l’est la manipulation d’un embryon ou d’un fœtus sans diagnostic ou objectif thérapeutique clairs et bénéfiques.
RECOMMANDATIONS
1.Les médecins qui mettent en œuvre des techniques de procréation assistée doivent toujours tenir compte de leurs obligations éthiques vis-à-vis de toutes les parties impliquées dans le projet de procréation, qui peuvent être le ou les enfants à naître, le donneur ou la donneuse, la mère de substitution ou les parents. S’il est avéré que le futur enfant, le donneur ou la donneuse, la mère de substitution ou un parent subira un grave préjudice, le traitement ne devrait pas être mis en œuvre.
2. Comme dans tous les protocoles médicaux, les médecins ont l’obligation éthique de limiter leur pratique à des domaines dans lesquels ils disposent de connaissances, d’une expérience et d’un savoir-faire pertinents, dans le respect de l’autonomie et des droits des patients.
3. En pratique, cela signifie que comme dans toutes les procédures médicales, le consentement éclairé du patient est requis, la validité de ce consentement dépendant de l’exactitude des informations données au patient et de sa liberté de prendre une décision, qui comprend l’absence de contrainte, de pression ou d’influence en faveur d’un choix.
4. Le processus d’obtention du consentement éclairé du patient suppose la fourniture d’informations exactes, adéquates et compréhensibles par lui, contenant les éléments suivants :
- le but, la nature, le protocole et les avantages de la technique de procréation assistée qui sera employée ;
- les risques, inconvénients et limites de la technique de procréation assistée qui sera employée ;
- les taux de réussite du traitement et les éventuelles autres solutions, comme l’adoption ;
- la disponibilité d’un soutien psychologique pour toute la durée du traitement, notamment si celui-ci se révèle infructueux ;
- les mesures qui seront prises pour préserver la vie privée, l’intimité et l’autonomie du patient, en particulier les mesures relatives à la confidentialité et la sécurité des données le concernant.
5. Les discussions qui précèdent l’obtention du consentement éclairé doivent aborder les sujets suivants :
- les risques médicaux détaillés ;
- la question de savoir si tous les échantillons biologiques, notamment, mais sans s’y limiter les gamètes, le sperme et les informations génétiques du donneur pourraient être utilisés à des fins de recherche ;
- les risques de dons multiples et de dons à des cliniques multiples ;
- les questions relatives à la confidentialité et à la vie privée ;
- les questions relatives à l’indemnisation.
6. Les donneur, mère de substitution et tout enfant ayant recours à ou issu des technologies de procréation assistée ont droit au même niveau de confidentialité et de respect de la vie privée que pour tout autre traitement médical.
7. Les technologies de procréation assistée supposent la manipulation de gamètes et d’embryons humains. Ces manipulations font l’objet de préoccupations variées, mais il est communément admis qu’elles devraient faire l’objet de garde-fous précis pour éviter tout usage inapproprié, illégal ou contraire à l’éthique.
8. Les médecins devraient faire respecter les principes contenus dans la prise de position de l’AMM sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires, la prise de position de l’AMM sur la réécriture du génome humain, la déclaration d’Helsinki de l’AMM et sa déclaration de Reykjavik, considérations éthiques relatives à l’utilisation de la génétique dans les soins de santé.
9. Les médecins devraient, le cas échéant, proposer des techniques de procréation assistée sans discrimination. Ils ne sauraient refuser leurs services sur la base d’éléments non cliniques comme le statut marital.
Grossesses multiples
10. Le transfert de plus d’un embryon augmente la probabilité d’une grossesse multiple. Les grossesses multiples sont plus susceptibles de conduire à des accouchements prématurés et à d’autres complications qui peuvent compromettre la santé de la mère comme de l’enfant ou des enfants. Les praticiens devraient suivre les directives professionnelles ayant trait au nombre maximum d’embryons à implanter par cycle de traitement.
11. Si une grossesse multiple commence, on envisagera uniquement pour motif médical soit une réduction embryonnaire, soit l’interruption médicale de la grossesse de certains embryons, avec le consentement de toutes les personnes impliquées afin d’accroître les chances que la grossesse arrive à terme, sous réserve que cette recommandation soit compatible avec les lois et règlements éthiques applicables.
Don
12. Le don doit faire suite à un conseil et doit être strictement contrôlé pour éviter les abus, notamment les dons sous contrainte ou sous influence illégitime. Il convient de donner des instructions explicites sur ce qu’il adviendra des échantillons donnés si le donneur décède avant l’implantation.
13. L’AMM estime que les gamètes ne devraient pas être considérés comme des marchandises et qu’à ce titre, le don de gamète ne devrait être possible que pour des raisons humanitaires.
14. Pour assurer que les dons soient encouragés de manière éthique et conforme aux lois nationales, il convient de mettre en œuvre les contrôles et les limites qui s’imposent. Tous les dons doivent être conformes à la législation nationale et aux directives éthiques applicables, y compris sur le nombre maximum de dons de gamètes possibles par personne. Il convient d’élaborer et d’observer des directives sur le nombre maximal d’enfants pouvant naître des dons d’un seul donneur afin d’éviter les incestes involontaires, la consanguinité et la détresse psychologique des personnes impliquées. Les médecins devraient plaider pour de telles directives, et contribuer à leur élaboration si elles n’existent pas.
15. En raison de l’utilisation de plus en plus répandue de la technologie et des registres génétiques, il est devenu possible d’identifier des donneurs même lorsque ceux-ci et les cliniques ont tenté de maintenir une stricte confidentialité des registres. L’enfant ou les enfants qui viendraient à naître d’un don pourraient à l’avenir prendre contact avec les donneurs. Les éventuels donneurs doivent être conscients de ce risque lorsqu’ils donnent leur consentement.
16. Lorsqu’un enfant est né d’un don, sa famille devrait être encouragée à être transparente avec elle ou lui sur ce sujet et soutenue à cet égard, que les lois nationales autorisent ou non l’enfant à obtenir des informations sur le donneur. Cela pourrait supposer l’élaboration de supports d’information à cette fin, qui devraient refléter la norme nationale.
Gestation pour autrui
17. Lorsqu’une femme ne peut, pour des raisons médicales, mener une grossesse à terme, elle peut avoir recours à la grossesse de substitution pour avoir un enfant, sous réserve que cette pratique soit autorisée par la loi nationale, les normes éthiques, l’association médicale nationale compétente et les autres organisations compétentes. Lorsque la gestation pour autrui est pratiquée légalement, il convient que les droits et les intérêts de l’ensemble des personnes impliquées soient préservés.
18. Les futurs parents et la mère de substitution devraient recevoir des avis juridiques indépendants et adaptés.
19. Le tourisme médical à des fins de maternité de substitution devrait être découragé.
20. La maternité de substitution commerciale devrait être condamnée. Toutefois, cela ne devrait pas empêcher l’indemnisation de la mère de substitution pour les dépenses qu’elle doit engager.
21. Il convient de faire respecter les droits des mères de substitution et de veiller attentivement à ce qu’elles ne soient pas exploitées. Les droits des mères de substitution comprennent, sans toutefois s’y limiter :
- le respect de leur autonomie ;
- une assurance santé, le cas échéant ;
- toute l’information pertinente sur tout acte médical et ses éventuels effets secondaires ;
- lorsque cela est possible, le choix de son équipe médicale en cas d’effet secondaire ;
- une aide psychologique à tout moment de la grossesse ;
- la prise en charge par les parents d’intention de toutes ses dépenses médicales, et en particulier des visites médicales, de l’accouchement proprement dit, de la fécondation et des examens liés à la gestation pour autrui ;
- la compensation de sa perte de revenu si elle ne peut travailler pendant sa grossesse ;
- une indemnisation ou un remboursement convenu de manière contractuelle.
Diagnostic préimplantatoire (DGP)
22. Le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI) et le dépistage génétique préimplantatoire peuvent être réalisés précocement sur des embryons afin de rechercher la présence d’anomalie génétique ou chromosomique, notamment celles qui sont associées à des maladies graves ou à une mort prématurée ou bien pour d’autres raisons éthiquement acceptables comme la sélection des embryons qui ont le plus de chances de bien s’implanter chez les femmes qui ont déjà subi des interruptions spontanées de grossesse.
23. Il convient d’encourager le dépistage de maladies infectieuses dans le sperme des donneurs et de déterminer si les donneurs doivent être informés en cas de test positif.
24. Les médecins ne sauraient sélectionner le sexe de l’embryon à moins que cela permette d’éviter de graves anomalies liées au sexe, comme la dystrophie musculaire de Duchenne.
Recherche
25. Les médecins ont l’obligation éthique de respecter ces règlementations et de contribuer à l’information du débat public et à la compréhension de ces questions.
26. La recherche sur les gamètes et les embryons humains devrait être soigneusement maîtrisée et contrôlée, conformément aux lois nationales et aux directives éthiques applicables.
27. Les opinions et les législations diffèrent sur le point de savoir si des embryons pourraient ou non être créés spécifiquement pour la recherche ou en cours de recherche. Les médecins devraient agir conformément aux déclarations de Taipei et d’Helsinki de l’AMM, ainsi qu’à l’ensemble des lois nationales et des normes professionnelles et éthiques.
28. Il convient de respecter les principes de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine.