Prise de position de l’AMM sur les soins médicaux aux migrants


Adoptée par la 50e Assemblée générale Ottawa, Canada, Octobre 1998,
réaffirmée par la 59e Assemblée Générale de l’AMM, Séoul, Corée, Octobre 2008,
modifiée par la 61e Assemblée générale de l’AMM, Vancouver, Canada, Octobre 2010,
et par la 72e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Londres, Royaume-Uni, Octobre 2021

 

PREAMBULE

Aux fins de la présente prise de position, et conformément aux termes clés de la migration de l’OIM, « migrant » est un terme générique qui, reflétant l’usage commun, désigne toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour s’établir à titre temporaire ou permanent et pour diverses raisons, soit dans une autre région à l’intérieur d’un même pays, soit dans un autre pays, franchissant ainsi une frontière internationale. 

L’Association médicale mondiale (AMM) considère que la santé est un besoin primaire, un droit humain et l’un des principaux moteurs du développement économique et social.   

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, l’accès universel à la santé suppose que toute personne et toute communauté ait accès à des services de santé complets, sans obstacle ou discrimination, selon ses besoins, dans le cadre d’un système de santé équitable et solidaire.   

Rappelant sa déclaration de Genève, l’AMM souligne qu’aucun médecin ne saurait permettre que des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’inclination sexuelle, de statut social ou tout autre critère, s’interposent entre son devoir et son patient.  

L’AMM souligne qu’un médecin se doit d’offrir son aide dans une situation d’urgence, conformément au Code international d’éthique médicale. 

S’appuyant sur sa déclaration d’Ottawa sur la santé des enfants et sa prise de position sur l’évaluation médicale de l’âge des demandeurs d’asile mineurs non accompagnés, l’AMM réaffirme que les enfants doivent bénéficier d’une protection spéciale, qui comprend le droit de recevoir des soins de santé adéquats sans subir de discrimination.  

Ces principes fondamentaux de l’AMM font également écho aux principes énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, la convention relative aux droits de l’enfant et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi qu’à d’autres principes des Nations unies.  

La déclaration de Lisbonne de l’AMM sur les droits du patient proclame que toute personne a le droit de recevoir, sans aucune discrimination, des soins médicaux appropriés. Cependant, les législations nationales varient et font souvent obstacle à ce principe.  

Tous les jours, de grands nombres de personnes fuient une catastrophe naturelle, la pauvreté, la violence et d’autres injustices et mauvais traitements à la recherche de protection. Leur santé mentale et physique est mise à très rude épreuve. 

Rappelant sa prise de position sur les conflits armés et sa déclaration sur la santé et les changements climatiques, l’AMM a conscience que les changements climatiques, les catastrophes naturelles, les guerres et conflits armés et les autres situations d’urgence, y compris les troubles et instabilité civils et la violence conduiront inévitablement des personnes à fuir leur domicile.  

L’AMM est préoccupée par la situation précaire de certaines catégories de migrants, tels que les réfugiés, demandeurs d’asile, migrants sans papiers ou personnes déplacées, dont l’accès à la santé est souvent compromis, alors que dans certains pays, les médecins se voient sommés d’intervenir à l’encontre de leur devoir médical et de l’éthique médicale.  

Gardant à l’esprit les principes, les conventions internationales et les politiques de l’AMM citées plus haut, l’AMM défend un engagement fort et continu des médecins en faveur de la défense des droits humains et de la dignité de toutes les personnes, y compris migrantes, à travers le monde et formule, à l’attention de ses membres constituants et des médecins, les recommandations suivantes. 

 

RECOMMANDATIONS 

Les membres constituants de l’AMM devraient : 

  • faire prévaloir la prestation de soins médicaux à tous les êtres humains sur tout autre intérêt, qu’il soit personnel, matériel, économique ou politique; 
  • soutenir et promouvoir activement le droit de toute personne de recevoir des soins médicaux en fonction de ses seuls besoins cliniques et s’élever contre toute législation ou pratique qui porterait atteinte à ce droit fondamental ; 
  • appeler les gouvernements à conclure des accords politiques facilitant la mise à disposition de ressources suffisantes pour la prestation de soins de santé adéquats et coordonnés aux populations migrantes, y compris au sein des camps de réfugiés, où les conditions de vie rendent plus aisée la propagation des maladies et des virus ; 
  • exhorter les gouvernements à assurer à tous les migrants un accès à des conditions de vie sûres et adéquates et aux services essentiels, y compris avec le soutien d’organismes donateurs ou de philanthropes si nécessaire ; 
  • promouvoir l’égalité, la solidarité et la justice sociale, en garantissant l’accès des migrants et des réfugiés à la santé et aux services sociaux ; 
  • mettre en œuvre des politiques, des actions et des engagements qui favorisent la santé de toutes et tous, sans discrimination en s’attaquant aux déterminants sociaux de la santé qui concernent les migrants et les réfugiés. 

Les médecins : 

  • ont le devoir de dispenser les soins médicaux appropriés sur la seule base de la nécessité clinique, quel que soit le statut civil et politique du patient ; 
  • devraient s’élever contre toute législation ou pratique qui entraverait ce devoir ; 
  • ne sauraient être contraints de participer à une action judiciaire ou punitive contre des migrants, qu’il s’agisse de réfugiés, de demandeurs d’asile, de migrants sans papiers ou de personnes déplacées, ni de refuser un traitement médicalement nécessaire, ni d’administrer une mesure diagnostique ou un traitement non justifié médicalement, tel que des sédatifs pour faciliter le transfert d’une personne ou son expulsion d’un pays ; 
  • doivent bénéficier d’un temps adéquat et recevoir des ressources suffisantes, y compris les services d’un interprète, pour évaluer l’état physique et psychologique des personnes migrantes, réfugiées, demandeuses d’asile, admises ou non, ou des personnes déplacées. 
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