Prise de Position de l’AMM sur les Risques pour la Santé du Tabac et des Produits Dérivés du Tabac


Adoptée par la 40ème Assemblée Médicale Mondiale, Vienne, Autriche, septembre 1988
Révisée par la 49ème Assemblée Générale de l’AMM, Hambourg, Allemagne, novembre 1997,
la 58ème Assemblée Générale de l’AMM, Copenhague, Danemark, octobre 2007,
la 62ème Assemblée Générale de l’AMM, Montevideo, Uruguay, octobre 2011
et la 73ème Assemblée générale de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022

 

PRÉAMBULE

Plus de 80 % des 1,3 milliard de fumeurs à travers le monde vivent dans des pays à revenu faible ou moyen. La consommation de tabac nuit à chacun des organes du corps et constitue l’une des principales causes de cancer, de pathologies cardiaques, d’infarctus, de maladies respiratoires obstructives chroniques, d’anomalies fœtales et d’autres problèmes de santé. Les fumeurs ont jusqu’à 50 % plus de risques de développer une forme grave de Covid-19 et d’en mourir. Le tabac et ses produits dérivés sont à l’origine de huit millions de décès dans le monde chaque année. Le tabac tuera un milliard de personnes au cours du 21e siècle à moins d’une intervention efficace.

L’exposition au tabac se produit partout où du tabac est brûlé dans un espace clos. Il n’y a pas de niveau bénin au tabagisme passif qui cause des millions de décès chaque année. Le tabagisme passif est particulièrement nocif pour les enfants et les femmes enceintes. Le 29 mai 2007, l’OMS a appelé à une interdiction mondiale de fumer au travail et dans les lieux publics clos afin d’éliminer le tabagisme passif et d’encourager les gens à arrêter de fumer.

Le phénomène connu sous le nom de « fumée tertiaire » désigne l’imprégnation des surfaces intérieures par la nicotine et les autres résidus chimiques, qui peut persister longtemps après que la fumée se soit dissipée. Elle est de plus en plus reconnue comme un danger potentiel, notamment pour les enfants, qui non seulement peuvent inhaler, mais aussi ingérer ces résidus après avoir touché les sols, murs et meubles de la pièce.

Mesures de l’Organisation mondiale de la santé

Dans l’espoir de limiter les effets de la consommation de tabac, les États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont adopté à l’unanimité la Convention-cadre pour la lutte antitabac (FCTC) en 2003. En vigueur depuis 2005, elle a été ratifiée par 182 pays, représentant plus de 90 % de la population mondiale. Renforcer la mise en œuvre de cette convention-cadre est l’une des cibles des Objectifs de développement durable (ODD) pour 2030 : c’est la cible 3a. L’AMM soutient depuis longtemps la FCTC de l’OMS (résolution de l’AMM sur l’application de la convention-cadre de l’OMS sur la lutte antitabac). Le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, le premier protocole de la FCTC, a été adopté en 2012 pour faire face à la croissance du trafic international de produits du tabac. L’objet du protocole est l’élimination de toute forme de commerce illicite de produits du tabac, conformément à l’article 15 de la FCTC de l’OMS.

Produits nouveaux et émergents de la nicotine

La prise de position de l’AMM sur les cigarettes électroniques et les autres systèmes d’administration électronique de nicotine souligne la méconnaissance actuelle des risques associés à ces produits. L’utilisation de cigarettes électroniques par les jeunes a augmenté de manière spectaculaire : dans certains pays, elle est même devenue plus populaire que de fumer du tabac. La nicotine, quel que soit le mode d’exposition, peut nuire au développement du cerveau et conduire à une addiction.

Des formes nouvelles, ou remises au goût du jour, d’ingestion du tabac et de nicotine sont également en pleine croissance, en particulier :

  • le tabac soluble, sous forme de pastilles ressemblant à des bonbons qui contiennent du tabac et de la nicotine et que l’on mange, mâche ou suce jusqu’à leur dissolution ;
  • le snus, du tabac en poudre humide qui se consomme par voie orale contient des cancérigènes. Il se présente généralement en petits sachets;
  • les narguilés, une pipe à eau où l’on brûle un tabac aromatisé avec du miel, de la mélasse ou des fruits et dont la fumée est aspirée par un long tuyau. L’OMS signale que fumer le narguilé équivaut à fumer cent cigarettes, parce que fumer le narguilé prend généralement beaucoup de temps.
  • les bidîs, des cigarettes sans filtre et qui contiennent jusqu’à cinq fois plus de nicotine que les cigarettes ordinaires, ainsi que les cigarettes au clou de girofle (kreteks), qui contiennent plus de nicotine, de monoxyde de carbone et de goudron que les cigarettes ordinaires ;
  • d’autres produits du tabac qui sont équipés d’un dispositif chauffant avec lequel une tige, une prise ou une capsule contenant du tabac est chauffée. La chaleur fait se dégager de la nicotine (et d’autres produits chimiques) qui peuvent alors être aspirés dans les poumons, bien que le tabac ne chauffe pas suffisamment pour brûler. Ces dispositifs sont différents des cigarettes électroniques;
  • les sachets de nicotine sans tabac, aromatisés à différents parfums et qui se placent dans la bouche.

Enfants et patientes enceintes

Fumer ou consommer de la nicotine pendant la grossesse peut avoir de nombreuses conséquences néfastes, telles qu’un faible poids de naissance, une naissance prématurée, une microcéphalie, des problèmes placentaires, voire un risque d’enfant mort-né ou de fausse couche. Le tabagisme passif pendant la grossesse accroît également le risque d’accoucher d’un bébé de poids inférieur à la normale et les bébés qui sont exposés à la fumée présentent un risque accru de mort subite du nourrisson.

Une exposition prénatale au tabac peut également avoir des conséquences sur la santé et le développement de l’enfant : insuffisance pulmonaire (toux, rhumes, bronchites et pneumonies), respiration sifflante, asthme et troubles de la vue tels que le strabisme, les erreurs de réfraction ou la rétinopathie. Les enfants exposés au tabagisme passif sont plus susceptibles de souffrir d’otite, de toux, de rhume, de bronchite et de pneumonie. Les enfants qui grandissent auprès de parents fumeurs sont plus susceptibles de devenir fumeurs à leur tour ou de souffrir d’effets à long terme similaires à ceux dont souffrent des adultes fumeurs.

Équité en santé

L’équité en santé dans la prévention et la lutte antitabac s’attache à la possibilité pour chacun de vivre une vie saine, quels que soient son appartenance ethnique, son niveau d’éducation, son identité de genre, son orientation sexuelle, son métier, sa situation géographique ou son handicap. Les programmes de lutte antitabac, y compris les services éprouvés d’aide à l’arrêt du tabac, peuvent tendre vers l’équité en santé en centrant leurs efforts sur la diminution de la consommation de tabac et de l’exposition à la fumée secondaire ou tertiaire, en améliorant l’accès aux ressources de la lutte antitabac parmi les populations au sein desquelles le poids des pathologies dues au tabac, sur le plan sanitaire comme financier, est le plus lourd.

Marketing du secteur du tabac

Le secteur du tabac dépense chaque année des milliards de dollars en publicité, promotion et parrainage à travers le monde. Les techniques marketing prédatrices et manipulatrices du secteur du tabac permettent d’accroître la consommation de ces produits et permettent de remplacer les fumeurs qui arrêtent de fumer ou qui meurent. L’industrie du tabac investit des sommes gigantesques dans les pays à revenu faible ou moyen dans le but d’améliorer leur image et celle du tabac dans la société. L’industrie du tabac emploie de longue date des stratégies qui ciblent les enfants, en commercialisant des paquets fantaisie, des cigarettes aromatisées ou encore des cartouches de cigarettes électroniques et utilise internet, les textos et les réseaux sociaux pour annoncer des évènements sponsorisés ou des promotions.

 La meilleure stratégie pour combattre les techniques marketing de l’industrie du tabac est d’adopter et de faire appliquer des interdictions de publicité, de promotion du tabac et du sponsoring, comme l’indique la FCTC de l’OMS.

Les industriels du tabac prétendent qu’ils sont engagés à découvrir la vérité scientifique au sujet des effets du tabac sur la santé, à la fois en menant des recherches internes et en participant au financement de recherches extérieures. Ils ont cependant constamment nié, retiré et supprimé les informations relatives aux effets néfastes de la consommation de tabac.

Les industriels du tabac manipulent également l’attitude du grand public à leur égard et prétendent souvent témoigner de leur responsabilité sociale en tant qu’entreprise, alors qu’ils engagent des activités visant à promouvoir leurs produits tout en se présentant comme des entreprises citoyennes.

  

RECOMMANDATIONS 

L’AMM recommande aux gouvernements nationaux :

  1. d’accroître les taxes sur le tabac et les produits qui en sont dérivés : c’est la mesure la plus efficace pour réduire la consommation de tabac selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est également un outil rentable en ce qu’il ne coûte pas cher. Le produit de ces impôts devrait être alloué à des programmes de prévention, des programmes et des services d’aide au sevrage tabagique fondés sur des preuves et à d’autres mesures de santé ;
  2. d’exhorter l’Organisation mondiale de la santé d’ajouter les médicaments antitabac à sa Liste modèle des médicaments essentiels ;
  3. de ratifier et de mettre en œuvre pleinement la Convention-cadre de l’OMS sur la lutte antitabac (FCTC) ;
  4. de faire appliquer une règlementation exhaustive de la fabrication, de la vente, de la distribution et de la promotion du tabac et des produits dérivés du tabac, y compris des interdictions complètes de la publicité pour le tabac, de sa promotion et des activités de parrainage par les industriels du tabac, y compris à l’étranger. D’imposer le paquet neutre pour tous les produits du tabac (comme le prévoit la résolution de l’AMM sur le paquet neutre de cigarettes, de cigarettes électroniques et d’autres produits à fumer) et une mention écrite accompagnée d’une image, bien visibles avertissant des dangers du tabac ;
  5. d’interdire de fumer dans tous les espaces publics clos, y compris les transports publics, les prisons, les aéroports et les avions. D’imposer à toutes les facultés de médecine, les instituts de recherche biomédicale, les hôpitaux et les autres établissements de santé d’interdire de fumer, de vapoter ou d’utiliser tout autre produit dérivé du tabac dans leurs locaux ;
  6. d’interdire la vente, la distribution et l’accessibilité des cigarettes et d’autres produits du tabac aux enfants et aux adolescents. d’interdire la production, la distribution et la vente de bonbons qui représentent des produits du tabac ou qui y ressemblent ;
  7. d’interdire toute subvention gouvernementale du tabac ou des produits dérivés du tabac et d’aider les producteurs de tabac à passer à d’autres cultures. D’exclure les produits du tabac des accords commerciaux internationaux et de travailler à limiter, voire à interdire le trafic de tabac et de produits dérivés du tabac ainsi que la contrebande de produits du tabac ;
  8. Financer la recherche sur la prévalence de la consommation de tabac et les effets du tabac et des produits dérivés du tabac sur l’état de santé de la population. 

L’AMM recommande aux associations médicales nationales :

  1. de refuser tout financement ou tout support éducatif provenant de l’industrie du tabac et d’exhorter les facultés de médecine, les instituts de recherche et les chercheurs à faire de même ;
  1. d’adopter des politiques de lutte contre la consommation de tabac et de produits dérivés du tabac et de faire connaître ces politiques au grand public. d’adopter ou de promouvoir les directives cliniques sur le traitement de la consommation de tabac et de la dépendance au tabac ;
  1. d’interdire de fumer, de vapoter ou tout autre consommation de tabac dans tous les locaux des associations médicales nationales et toutes les réunions commerciales, sociales, scientifiques et les cérémonies des associations médicales nationales, comme l’a fait l’Association médicale mondiale ;
  1. d’élaborer, de soutenir et de participer aux programmes visant à informer les professionnels de la médecins et le grand public aux dangers de la consommation de tabac (y compris l’addiction au tabac) et du tabagisme passif ;
  1. de lancer ou de renforcer des programmes éducatifs à destination des étudiants en médecine et des médecins afin de les préparer à identifier et à traiter la dépendance au tabac de leurs patients ;
  1. de s’élever contre la déviation des stratégies marketing de l’industrie du tabac vers les pays les moins développés, les jeunes et d’exhorter les gouvernement nationaux à faire de même;
  1. de mettre fin aux investissements dans des entreprises qui produisent du tabac ou des produits dérivés du tabac ou qui promeuvent leur consommation. et de retirer leurs financements des actifs qui soutiennent la production ou la promotion du tabac.

L’AMM recommande aux médecins :

  1. de montrer un exemple positif en ne consommant pas de tabac ou de produits dérivés du tabac et de se faire l’écho des informations sur les effets sanitaires délétères de la consommation de tabac et les bénéfices de l’arrêt du tabac ;
  1. de soutenir un accès large aux traitements éprouvés de la dépendance au tabac par des consultations individuelles, du conseil, la pharmacothérapie, des programmes collectifs de sevrage tabagique, des services d’assistance téléphonique, des services internet d’aide à l’arrêt du tabac et d’autres programmes de ce type ;
  1. de garder à l’esprit que le tabagisme passif peut nuire aux enfants. Les médecins devraient notamment s’efforcer : 
  • de promouvoir les environnements sans tabac pour les enfants ;
  • de cibler les parents fumeurs et les patientes enceintes pour des séances d’aide à l’arrêt du tabac ;
  • de promouvoir les programmes qui contribuent à la prévention et à la diminution de la consommation de tabac et de produits dérivés du tabac par les jeunes ;
  • de soutenir les politiques limitant l’accès au tabac et la publicité pour le tabac et les produits dérivés du tabac et accorder plus d’importance à la recherche sur les effets pédiatriques du tabac.

 

Prise de position
CCLAT, Cigarettes électroniques, Convention-cadre de l'OMS sur la lutte anti-tabac, Lutte contre le tabac, Santé publique, Smoking Cessation, Tabac, Tabagisme

Résolution de l'AMM sur l'application de la Convention Cadre de l'OMS sur la Lutte Antitabac

Adoptée par la 170e Session du Conseil de l'AMM à Divonne les Ba...