Prise de Position de l’AMM sur les Problèmes Éthiques concernant les Patients atteints de Maladie Mentale


Adoptée par la 47e Assemblée générale Bali (Indonésie), Septembre 1995 et
révisée par la 57e Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, Octobre 2006

et la 66e Assemblée Générale, Moscou, Russie, octobre 2015

 

Historiquement, de nombreuses sociétés ont considéré les patients  atteints de maladie mentale comme une menace pour leur entourage plutôt que comme des personnes  nécessitant une assistance et des soins. Faute de traitement efficace, pour prévenir un  comportement autodestructeur ou dommageable  pour les autres de nombreuses personnes   atteintes de maladie mentale  étaient enfermées dans des asiles pendant tout ou partie de leur existence.

Actuellement, les progrès accomplis dans les traitements psychiatriques permettent une meilleure prise en charge des patients atteints de maladies mentales. Des médicaments efficaces et avoir pour résultat une guérison totale, une rémission d’une durée plus ou moins longue des patients présentant des pathologies plus sévères.

L’adoption en 2006 de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées a constitué  une étape majeure qui a permis de considérer les  personnes handicapées  comme des membres à part entière  de la société avec les mêmes droits que toute autre personne.  Il s’agit du premier traité sur les droits humains du 21e siècle. Il vise à promouvoir, protéger et renforcer les droits humains et la dignité de toutes les personnes handicapées, y compris celles souffrant de troubles mentaux.

Les personnes atteintes de pathologies mentales majeures et celles  atteintes de troubles de l’apprentissage ont le même droit aux services de prévention et aux   programmes de promotion de la santé   que les autres membres de la communauté. Souvent elles en ont davantage besoin car elles ont plus tendance à avoir un mode de vie malsain.

Les patients présentant une morbidité psychiatrique peuvent aussi avoir une maladie non psychiatrique. Ces personnes   atteintes d’une maladie mentale ont le même droit aux soins que tout autre patient. Les psychiatres et les autres professionnels de santé assurant des services de santé mentale devraient adresser les patients à d’autres professionnels appropriés  lorsque ces patients ont besoin de soins médicaux. Les professionnels de santé ne devraient jamais  refuser  de fournir les soins requis uniquement parce le patient a une maladie mentale.

Les médecins ont les mêmes obligations envers tous les patients y compris ceux atteints de maladie mentale. Les psychiatres ou les autres médecins qui traitent des patients ayant une maladie mentale doivent se conformer aux mêmes normes éthiques que tout autre médecin.

La première obligation du médecin est celle envers le patient et non pas de servir comme agent de la société, sauf dans des circonstances où un patient est clairement dangereux pour lui-même  ou les autres en raison de sa maladie mentale.

RESPONSABILITES ETHIQUES DES MEDECINS

La stigmatisation et la discrimination  associées à la psychiatrie et aux maladies mentales doivent être éliminées. La stigmatisation et la discrimination risquent de dissuader les personnes en difficulté de recourir à une aide médicale, ce qui aggrave leur cas et leur fait courir des risques au niveau émotionnel ou physique.

Les médecins ont la responsabilité de respecter l’autonomie de tous les patients. Lorsque des patients en traitement pour une maladie mentale sont capables de prendre des décisions, ils ont le même droit à décider de leurs soins que tout autre patient. La capacité à décider étant spécifique à la décision à prendre et pouvant évoluer dans le temps, y compris en fonction du résultat du traitement, les médecins doivent continuellement évaluer la capacité du patient. Lorsqu’un patient est dans l’incapacité de prendre une décision, les médecins devraient demander le consentement d’un représentant légal en application de la loi en vigueur.

La  relation thérapeutique entre le médecin et le patient est fondée  sur la confiance mutuelle. Les médecins ont la responsabilité de demander le consentement éclairé des patients pour un traitement y compris les patients traités  pour maladie mentale. Les médecins devraient informer tous les patients de la nature de leur trouble psychiatrique ou autres troubles médicaux, des bénéfices attendus, des résultats et des risques du traitement.

Les médecins devraient toujours baser leurs recommandations de traitement sur leur meilleur jugement professionnel et traiter tous les patients avec sollicitude et respect, quel que soit le milieu de soins. Les médecins exerçant dans un établissement psychiatrique, une structure militaire ou pénitentiaire, peuvent se trouver confrontés à des responsabilités   envers  la société qui créent des conflits avec l’obligation première du médecin envers le patient. Dans de telles situations, les médecins  devraient révéler le conflit d’intérêts afin de minimiser l’éventuel sentiment de trahison de la part du patient.

L’hospitalisation ou le traitement forcé  de personnes atteintes de maladies mentales suscite une controverse éthique. Alors que la législation en matière d’hospitalisation et de traitement forcés diffère partout dans le monde, on reconnaît généralement que cette décision de traiter sans le consentement éclairé du patient ou contre la volonté du patient se justifie éthiquement uniquement dans les cas suivants : (a) de graves troubles mentaux empêchant la personne de décider elle-même du traitement ; et/ou (b) la présence d’un danger probable pour le patient lui-même ou pour les autres. L’hospitalisation ou le traitement  forcé devrait être exceptionnel et les médecins devraient y recourir que lorsqu’il est bien prouvé qu’une telle décision  est médicalement appropriée et nécessaire. Ils devraient s’assurer que la personne est hospitalisée pour la  plus courte durée possible compte tenu des circonstances. Dans toute la mesure du possible et en accord avec les lois locales, les médecins devraient inclure une personne en charge de la défense des droits du patient dans le processus de décision.

Les médecins doivent protéger la confidentialité et la vie privée de tous les patients doit être préservée. Lorsque la loi l’exige, le médecin doit divulguer uniquement les informations requises et seulement à l’entité légalement autorisée à faire une telle demande. Lorsque des banques de données   autorisent l’accès ou la transmission des informations d’une autorité à une autre la confidentialité doit être respectée et un tel accès ou une telle transmission doit se faire    en totale conformité avec la loi en vigueur.

La participation à la recherche de personnes ayant une maladie psychiatrique doit se faire en total accord avec les recommandations de la Déclaration d’Helsinki.

Les médecins ne doivent jamais profiter de leur position professionnelle pour violer la dignité des droits humains qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe et ne doivent jamais laisser leurs souhaits personnels, leurs besoins, leurs sentiments, leurs  préjugés ou leurs croyances interférer avec le traitement d’un patient. Les médecins ne doivent jamais abuser de leur autorité ou tirer profit  de la vulnérabilité d’un patient.

RECOMMANDATIONS

L’Association Médicale Mondiale et les Associations Médicales Nationales sont encouragées à :

  1. Diffuser cette prise de position et affirmer les fondements éthiques  dans le cadre du traitement des patients atteints de maladie mentale.
  2. En agissant ainsi, demander le respect total à tout instant de la dignité et des droits humains des patients atteints de maladie mentale ;
  3. Sensibiliser davantage sur les responsabilités des médecins pour favoriser le bien-être et les droits   des patients atteints de maladie mentale.
  4. Promouvoir la reconnaissance des relations privilégiées entre le patient et le médecin basées sur la confiance, le professionnalisme et la confidentialité.
  5. Plaider en faveur de ressources adéquates pour répondre aux besoins des personnes atteintes de maladie mentale.
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