Prise de Position de l’AMM sur les cigarettes électroniques et les autres inhalateurs électroniques de nicotine
Adoptée par la 63ème Assemblée Générale de l’AMM, Bangkok, Thaïlande, octobre 2012
et révisée par la 74ème Assemblée générale de l’AMM, Kigali, Rwanda, octobre 2023
PRÉAMBULE
Les cigarettes électroniques (e-cigarettes) et les autres inhalateurs électroniques de nicotine sont des produits destinés à fournir de la nicotine à un consommateur, sous la forme d’un aérosol. Ces produits se composent généralement d’un embout, d’un élément chauffant alimenté par une batterie rechargeable, d’une cartouche remplaçable contenant la nicotine sous forme liquide et/ou d’autres produits chimiques ainsi que d’un atomiseur qui, chauffé, transforme le contenu de la cartouche en aérosol. Cet aérosol est ensuite inhalé par le consommateur et expiré. Ces dispositifs ressemblent souvent à d’autres produits du tabac comme les cigarettes, les cigares et les pipes, ou encore à des jouets ou des appareils électroniques qui attirent les jeunes. Ils peuvent aussi ressembler à des objets de la vie courante comme des stylos ou des clés USB. Les risques que posent les inhalateurs électroniques de nicotine sont décrits en détail dans la prise de position de l’AMM sur les risques pour la santé du tabac et des produits dérivés du tabac.
La nicotine, quel que soit le mode d’exposition, peut nuire au développement du cerveau et conduire à une addiction ; Il n’existe pas de définition normalisée de la cigarette électronique et les fabricants peuvent en concevoir de types variés avec différents ingrédients. Les processus de contrôle de la qualité de la fabrication des e-cigarettes sont indigents ou inexistants et peu d’études ont été menées pour analyser la quantité de nicotine administrée au consommateur et la composition de l’aérosol ou de la vapeur produite. Le consommateur reçoit et absorbe ainsi des doses inconnues de nicotine, qui pourraient atteindre des niveaux toxiques dans son organisme, notamment chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Les e-cigarettes et les inhalateurs électroniques de nicotine peuvent également contenir d’autres ingrédients toxiques ou cancérogènes pour les êtres humains comme des solvants, du propylène glycol, du pulégone, du formaldéhyde, de l’acétaldéhyde, de l’acroléine et des métaux lourds comme du chrome, du cuivre, du zinc, de l’étain et du plomb.
Les fabricants et les vendeurs de cigarettes électroniques et d’inhalateurs de nicotine prétendent souvent que leurs produits ne présentent aucun danger ou qu’ils sont moins toxiques que le fait de fumer des cigarettes, en particulier parce que les cigarettes électroniques et les autres inhalateurs de nicotine ne produisent pas de fumée cancérogène. Aucune étude n’a cependant conclu que l’aérosol n’était pas toxique ou cancérogène. Il existe des preuves d’un risque cancérogène pour les voies respiratoires en raison de l’exposition cumulative et à long terme aux nitrosamines, à l’acétaldéhyde et au formaldéhyde. Comme pour les produits du tabac, le plus sûr reste de s’abstenir d’utiliser des cigarettes électroniques et des inhalateurs de nicotine.
Il existe déjà des preuves que les e-cigarettes et les inhalateurs de nicotine sont nocifs et dangereux. Les risques qu’ils présentent sont notamment :
- l’appel aux enfants, aux adolescents et aux jeunes adultes, par les emballages et la publicités conçus pour attirer les personnes de ces âges, et en particulier lorsque le contenu des cartouches est aromatisé à la fraise ou au chocolat, par exemple. Ces facteurs peuvent accroître l’addiction à la nicotine chez des jeunes, et les conduire ensuite vers d’autres produits du tabac. Les emballages et les publicités conçus pour attirer les jeunes ont contribué à l’augmentation spectaculaire de l’utilisation des cigarettes électroniques et des inhalateurs électroniques de nicotine qui, dans certaines régions dépasse la consommation de cigarettes de tabac.
- la croyance promue par les fabricants selon laquelle ces dispositifs sont des alternatives acceptables aux techniques scientifiquement prouvées de sevrage tabagique, alors que ni leur valeur en tant qu’aides thérapeutiques pour le sevrage tabagique, ni leur sécurité en tant que substituts de la cigarette ne sont établies. Les faits montrent que ces produits sont nocifs pour la santé et ne sont pas sûrs. En outre, les données relatives à l’utilisation des inhalateurs de nicotine comme moyen de réduire le tabagisme chez les adultes ne sont pas concluantes ;
- l’opacité des doses, des processus de fabrication et des ingrédients, notamment la possibilité de détourner l’usage ou de manipuler le produit, en y ajoutant du cannabis, par exemple, et la consommation simultanée d’autres produits du tabac (double ou poly-utilisation) ;
- le fort potentiel d’exposition toxique des enfants à la nicotine, par ingestion ou absorption dermique du contenu d’une cartouche de nicotine : les cartouches de nicotine et de liquide remplissage sont facilement accessibles sur internet et ne sont pas forcément conditionnés de manière à résister aux enfants ;
- les issues médicales moins favorables que connaissent les utilisateurs de cigarettes électroniques atteints du SARS-CoV2.
RECOMMANDATIONS
- Les cigarettes électroniques et les inhalateurs électroniques de nicotine devraient être soumis à la convention cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) et aux législations et règlementations des différentes juridictions.
- La fabrication et la vente de cigarettes électroniques et d’inhalateurs électroniques de nicotine devraient être soumises aux autorités de règlementation nationales soient comme nouvelle forme de produit du tabac, soit comme dispositif d’administration de stupéfiants. Au minimum, la règlementation devrait définir la teneur maximale en nicotine des liquides, la taille du réservoir des dispositifs d’inhalation, l’étiquetage des produits, et le conditionnement résistant aux enfants. Cette recommandation s’applique également aux dispositifs administrant de la nicotine de synthèse.
- Il conviendrait de mener des essais cliniques, des études sur de larges cohortes de population et des analyses complètes des ingrédients et des processus de fabrication des cigarettes électroniques afin de déterminer le niveau de risque qu’ils présentent, leur durabilité et leur efficacité comme aides à l’arrêt du tabac.
- Les cigarettes électroniques et les inhalateurs électroniques de tabac ne devraient jamais être commercialisés en tant que méthodes valables ou efficaces d’arrêt du tabac sans des recherches cliniques évaluées et validées par les organismes compétents. Dans tous les autres cas, il conviendrait que ces produits soient distribués dans un paquet neutre, conformément aux recommandations de la résolution de l’AMM sur l’emballage neutre des cigarettes, cigarettes électroniques et autres produits destinés aux fumeurs.
- La vente, la distribution et l’accessibilité des cigarettes et d’autres produits du tabac aux enfants et aux adolescents devraient être interdites.
- La production, la distribution et la vente de cartouches aromatisées pour e-cigarettes ou de bonbons qui représentent des produits du tabac ou qui y ressemblent devraient être interdites.
- La vente de cigarettes électroniques et d’inhalateurs électroniques de nicotine sur internet devrait être interdite afin d’empêcher les mineurs d’y avoir accès.
- Les médecins, notamment les praticiens en pédiatrie et les dentistes, devraient informer leurs patients des risques de l’utilisation de cigarettes électroniques et d’inhalateurs électroniques de nicotine, comme les risques d’addiction, de maladie cardiovasculaire, de maladie pulmonaire, d’effet de la nicotine sur le développement du cerveau, de dommages physiques, etc. même si les autorités compétentes n’ont pas pris position sur l’efficacité et l’innocuité de ces produits.
- L’AMM et ses membres devraient soutenir les recherches sur les effets nocifs des cigarettes électroniques et des inhalateurs électroniques de nicotine, notamment chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes.