Prise de Position de l’AMM sur le Fléau Mondial des Maladies Chroniques


Adoptée par la 62ème Assemblée générale de l’AMM, Montevideo, Uruguay, octobre 2011
Et révisée par la 73ème Assemblée générale de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022

 

PRÉAMBULE

Les maladies chroniques non transmissibles (MNT) sont la principale cause de mortalité et de handicap dans les pays développés et dans les pays en développement. Les quatre principales maladies non transmissibles sont le cancer, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires chroniques et le diabète (ci-après dénommées les « quatre MNT »). Elles sont la cause de sept décès sur dix à travers le monde. Quatre-vingts pour cent des décès dus à des maladies chroniques ont lieu dans des pays à revenu faible ou moyen (OMS).

Dans la charge de morbidité, les quatre MNT ne se substituent pas aux autres causes de maladie et de handicap, comme les maladies infectieuses ou les blessures, elles s’y ajoutent. Si tous les pays font aujourd’hui face au triple fardeau que constituent les maladies infectieuses, les blessures et traumatismes et les maladies chroniques, le problème est bien plus épineux pour les pays en développement. Cette charge de morbidité accrue pèse sur la capacité de nombreux pays à assurer des services de santé adéquats et à accroître l’espérance de vie.

Surtout, les maladies chroniques ne pèsent pas d’un poids égal partout, ce qui se traduit par des inégalités de santé accrues. Par exemple, les MNT touchent plus fréquemment les personnes défavorisées, d’un niveau socioéconomique faible, chez qui l’évolution de la maladie est en outre moins favorable. Par conséquent, l’espérance de vie, tout comme les autres indicateurs de santé sont significativement plus favorables dans les pays développés que dans les pays moins développés.

En outre, ce fléau sape les efforts de croissance économique de ces pays. Les MNT sont un obstacle au développement. Dans les pays à revenu faible et moyen, la pauvreté expose les gens à des comportements qui constituent des facteurs de risque de maladie non transmissible. Les MNT qui en résultent constituent à leur tour un facteur important de pauvreté. Les maladies chroniques et la pauvreté s’aggravent mutuellement dans un cercle vicieux et entravent le développement économique.

Les tendances à l’œuvre au niveau mondial laissent penser que le problème des maladies chroniques ne va que s’accroître : vieillissement de la population, urbanisation et aménagement inapproprié du territoire, modes de vie de plus en plus sédentaires, tension psychologique accrue, dérèglement climatique et coût exponentiel des technologies médicales permettant de traiter les MNT. La prévalence des maladies chroniques est étroitement liée au développement social et économique mondial, à la mondialisation et à la commercialisation de masse de nourriture industrielle et d’autres produits.

La prévalence et le coût de traitement de la charge de morbidité des maladies chroniques devraient donc, selon toute probabilité, augmenter dans les prochaines années. Outre les dépenses personnelles et publiques, les maladies chroniques constituent un lourd tribut économique en raison des effets mutuels des coûts de santé et de la perte de productivité causée par les décès et les handicaps. L’OMS estime que le fardeau mondial des maladies chroniques sera l’un des principaux défis du siècle à venir pour le secteur de la santé.

L’augmentation rapide de la prévalence des maladies chroniques représente un problème sanitaire majeur pour le développement mondial et exige la prise de mesures immédiates.

Quatre-vingts pour cent du fardeau mondial des maladies chroniques pèse sur les pays à revenu faible ou moyen, où vit la majeure partie de la population mondiale. L’impact de ce fléau dévastateur est en croissance constante. Les maladies chroniques et la pauvreté s’aggravent mutuellement dans un cercle vicieux et entravent le développement économique.

Solutions

Les quatre principales maladies non transmissibles méritent une attention mondiale. La première solution pour lutter contre ces maladies réside dans la prévention. La consommation de tabac, un régime alimentaire malsain, l’inactivité physique et l’abus d’alcool constituent les quatre facteurs les plus courants des MNT et il est possible d’y remédier. Les troubles de la santé mentale ont également été intégrés récemment parmi les facteurs de risque des maladies non transmissibles. Les politiques nationales qui permettent aux gens de parvenir à des modes de vie et des comportements sains sont au fondement de toutes les solutions possibles.

Un meilleur accès aux soins primaires combiné à des programmes abordables, bien conçus et réalistes de prévention et de lutte contre ces maladies, ainsi que de promotion de la santé peut grandement améliorer les soins de santé. Les partenariats entre ministères nationaux de la Santé et les institutions dans les pays développés peuvent permettre de surmonter de nombreux obstacles dans les environnements les plus pauvres. Dans l’ensemble, le fait de disposer d’une assurance santé améliore les perspectives de santé. À l’inverse, le manque d’assurance santé entrave les travaux de prévention et ceux des établissements de soins primaires, avec des conséquences sanitaires déplorables. Les personnes qui ne sont pas assurées reportent les soins dont elles ont besoin lorsqu’elles sont malades ou blessées. Elles sont plus susceptibles d’être hospitalisées pour des maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension. Les enfants qui ne sont pas assurés sont en outre moins susceptibles de se faire vacciner et de recevoir les soins primaires de base.

Les systèmes d’enseignement de la médecine devraient être socialement plus responsables. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la responsabilité sociale des facultés de médecine comme étant l’obligation d’axer leur enseignement, leurs recherches et leurs services sur les problèmes de santé prioritaires de la population, la région ou la nation qu’elles servent. Les problèmes de santé prioritaires doivent être identifiés collectivement par les gouvernements, les organisations de soins, les professionnels de santé et la population. Il est urgent d’adopter des normes, notamment d’accréditation qui favorisent la responsabilité sociale et l’engagement de la collectivité. La formation des médecins et des autres professionnels de santé à la prestation de soins correspondant aux besoins de la population et aux ressources du pays doit être à la base de toute réflexion. Dirigés par des médecins de soins primaires, les équipes de médecins, les infirmières et les agents de santé de proximité fourniront des soins basés sur des critères de qualité, d’équité, de pertinence et d’efficacité [voir la résolution de l’AMM sur la main-d’œuvre médicale].

L’allocation de fonds pour la santé devrait être fondée sur les besoins de tous les pays ciblés. Aucun pays ne saurait obtenir de résultats positifs sur les quatre principales MNT en ne s’attaquant qu’à une seule cause de décès.

Il est essentiel de renforcer les infrastructures sanitaires, notamment la formation des équipes chargées des soins de santé primaires, la veille des maladies chroniques, les campagnes de promotion de la santé publique, l’assurance qualité et les normes de soin nationales et locales pour prendre en charge le nombre croissant de personnes atteintes de l’une des quatre principales MNT. La plupart des décès causés par des maladies non transmissibles sont évitables mais dans la plupart des pays en développement les systèmes de santé ne sont pas adaptés, sont peu préparés et ne peuvent réagir face aux maladies non transmissibles.

Les ressources humaines constituent l’un des éléments essentiels d’une infrastructure sanitaire. Des professionnels de santé bien formés et motivés dirigés par des médecins de soins primaires sont essentiels au succès du système de santé. L’aide internationale et les programmes de développement doivent passer d’un « axe vertical » sur des maladies ou des objectifs uniques à un développement plus durable et plus efficace d’infrastructures sanitaires pour les soins primaires.

  

RECOMMANDATIONS

Rappelant sa prise de position sur l’hypertension et les maladies cardiovasculaires et sa déclaration d’Oslo sur les déterminants sociaux de la santé, l’AMM appelle : 

les gouvernements nationaux

  1. à reconnaître l’importance du développement socioéconomique pour la santé et à réduire les inégalités socioéconomiques en matière de revenu, d’éducation et de conditions de travail ;
  2. à encourager les stratégies mondiales d’immunisation ;
  3. à encourager les stratégies mondiales de lutte contre le tabac, l’alcool ainsi que les stratégies visant à faire face à d’autres formes d’addiction, notamment la consommation de drogue ;
  4. à promouvoir des modes de vie sains et à instaurer des politiques et des stratégies complètes et collaboratives à tous les niveaux et auprès de tous les services gouvernementaux compétents en faveur de la prévention et de comportements sains ;
  5. à allouer un pourcentage fixe du budget national au développement d’infrastructures sanitaires et à la promotion de modes de vie sains et à l’investissement dans une meilleure lutte contre les quatre principales maladies chroniques, qu’il s’agisse de leur dépistage, des soins ou de leur traitement ;
  6. à plaider pour des accords commerciaux qui protègent la santé publique au lieu de la saper ;
  7. à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies nationales et mondiales d’atténuation des effets sanitaires du dérèglement climatique ;
  8. à promouvoir la recherche en matière de prévention et de traitement des quatre principales maladies non transmissibles, y compris sur les risques professionnels qui peuvent déboucher sur des maladies chroniques ;
  9. à promouvoir l’accès à des médicaments efficaces et de bonne qualité pour le traitement des maladies non transmissibles ;
  10. à déployer des systèmes de veille et de suivi des maladies non transmissibles ;
  11. à renforcer les soins de santé primaires, les ressources humaines et l’infrastructure.

ses Membres constituants

  1. à sensibiliser davantage les médecins, les ONG et le grand public aux meilleurs comportements de prévention des maladies ;
  2. à accroître les compétences et les capacités nécessaires pour la promotion d’une approche pluridisciplinaire, en équipe, en vue d’une gestion des maladies chroniques ;
  3. à plaider en faveur d’une intégration de la prévention des maladies chroniques non transmissibles ainsi que des stratégies de lutte aux politiques gouvernementales ;
  4. à favoriser les formations de qualité et les associations professionnelles pour augmenter le nombre de médecins de soins primaires et les répartir équitablement dans la population ;
  5. à plaider pour la mise à disposition de ressources accessibles et de haute qualité pour une formation médicale continue qui réponde aux besoins de la société ;
  6. à encourager l’instauration de normes basées sur la preuve pour soigner les maladies non transmissibles ;
  7. à promouvoir un environnement favorisant la continuité des soins délivrés pour les quatre principales maladies non transmissibles dont l’éducation des patients et l’autoprise en charge ;
  8. à soutenir de solides infrastructures sanitaires publiques ;
  9. à défendre et à appuyer l’idée que les déterminants sociaux de la santé font partie de la prévention et des soins de santé. 

les facultés de médecine

  1. à établir des cursus répondant aux besoins sociétaux actuels ;
  2. à créer des services de soins de santé primaires ;
  3. à offrir des possibilités de formation aux soins primaires de proximité qui permettent aux étudiants de devenir familiers des infrastructures sanitaires de base pour la prise en charge des maladies chroniques et la continuité des soins ;
  4. à promouvoir le recours à des méthodologies de formation interdisciplinaires, intersectorielles et d’autres méthodes collaboratives dans le cadre des programmes de formation initiale et continue ;
  5. à inclure l’enseignement de la prévention des maladies chroniques, y compris la nutrition et la promotion d’un mode de vie sain dans le cursus général.

les médecins

  1. à travailler à mettre en place des communautés promouvant des styles de vie sains et des comportements axés sur la prévention ;
  2. à proposer aux patients des méthodes de sevrage tabagique, de maîtrise du poids, des conseils sur la consommation de stupéfiants, un dépistage précoce, une éducation, une assistance pour l’autoprise en charge, des conseils diététiques et un suivi ;
  3. à informer les patients des dangers des remèdes ou des démarches « miracles » ou insuffisamment prouvés et des pratiques relevant des pseudosciences ;
  4. à promouvoir une approche pluridisciplinaire en équipe et fondée sur l’utilité pour la prise en charge des maladies chroniques ;
  5. à assurer la continuité des soins des patients souffrant d’une maladie chronique ;
  6. à montrer l’exemple en matière de mode de vie sain en se maintenant personnellement en bonne santé ;
  7. à se faire les avocats de la population qu’ils servent pour parvenir à améliorer les déterminants sociaux de la santé, l’équité dans les soins de santé et pour de meilleures méthodes de prévention ;
  8. à travailler avec les parents et la population pour veiller à ce que les parents disposent des meilleurs conseils pour préserver la santé de leurs enfants.

 

Prise de position
Continuité des soins aux patients, Maladie chronique, Maladies non-transmissibles, Médecins de famille, MNT, Non-Communicable Diseases, Soins préventifs

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