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Manuel des Politiques de l’AMM
World Medical Association S-2014-03-2014
PRISE DE POSITION DE L’AMM
SUR
LE CONFINEMENT SOLITAIRE
Adoptée par la 65e
Assemblée Générale de l’AMM, Durban, Afrique du Sud, Octobre 2014
PREAMBULE
Dans de nombreux pays, un nombre important de prisonniers sont maintenus en
confinement solitaire de temps à autre. Les prisonniers sont maintenus en isolement
pendant la plus grande partie de la journée et sont autorisés à sortir de leur cellule seulement
une courte période pour faire de l’exercice seul. Un contact réel avec d’autres personnes
(prisonniers, personnel carcéral, monde extérieur) se limite à un minimum. Certains pays
se sont dotés de dispositions strictes quant à la durée et à la fréquence de maintien en
confinement solitaire des prisonniers.
Le recours au confinement solitaire n’est pas le même d’une juridiction à l’autre. On peut
y recourir à titre de mesure disciplinaire lorsqu’un prisonnier ne réagit pas à d’autres
sanctions visant à lui faire changer de comportement, par exemple en réponse à un
comportement gravement perturbateur, à des menaces de violence ou à des actes de
violence suspectés.
Les autorités judiciaires dans certains pays autorisent la détention en confinement solitaire
d’individus pendant une enquête criminelle ou à titre de condamnation même si les
individus ne constituent pas une menace pour les autres. Les malades mentaux seront
éventuellement maintenus dans des quartiers ou prisons de haute sécurité ou de très haute
sécurité. Le confinement solitaire peut être imposé pour plusieurs heures ou plusieurs jours
voir des années.
Il manque des données fiables sur le recours au confinement solitaire. Selon diverses
études, on estime que des dizaines de milliers voir des centaines de milliers de prisonniers
dans le monde sont actuellement placés en confinement solitaire.
La réaction à l’isolement varie d’un individu à l’autre. Pour bon nombre de prisonniers le
confinement solitaire a été documenté et engendre de graves conséquences sur le plan
psychologique, psychiatrique et parfois physiologique dont l’insomnie, la confusion, les
hallucinations et une psychose. Le confinement solitaire est également associé à un taux
élevé de comportement suicidaire. Les effets négatifs sur la santé peuvent se produire après
seulement quelques jours de confinement et dans certains cas peuvent persister dans un
environnement hors confinement.
Certaines populations sont particulièrement vulnérables aux effets négatifs sur la santé du
confinement solitaire. Par exemple, les personnes ayant des troubles psychotiques, atteintes
d’une grave dépression, d’un stress post traumatique ou celles ayant de graves troubles de
Confinement Solitaire
S-2014-03-2014 Durban
la personnalité peuvent ne pas supporter cette ségrégation et développer des problèmes de
santé. Le confinement solitaire peut compliquer le traitement ultérieur de ces personnes et
de leurs problèmes de santé, soit en prison ou soit lors de leur libération.
Les conventions sur les droits humains interdisent le recours à la torture, aux autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le recours à un confinement solitaire
prolongé contre la volonté du prisonnier ou son recours au cours d’une détention préventive
ou à l’encontre de mineurs peut être considéré comme une violation de la loi internationale
sur les droits humains. Il doit donc être évité.
RECOMMENDATIONS
L’AMM appelle les Associations Médicales Nationales et les gouvernements à défendre
les principes suivants :
1. Le confinement solitaire devrait être utilisé uniquement en dernier ressort, soit pour
protéger les autres soit le prisonnier et seulement sur la plus courte durée possible.
La dignité humaine des prisonniers en situation d’isolement doit toujours être
respectée.
2. Les autorités chargées de contrôler le confinement solitaire devraient avoir la
responsabilité de la santé de la personne et de sa situation médicale et régulièrement
réévaluer et documenter le statut de la personne. Des conséquences négatives sur la
santé devraient conduire à stopper immédiatement le confinement solitaire.
3. Toutes les décisions de confinement solitaire doivent être transparentes et
réglementées. Le recours au confinement solitaire devrait faire l’objet d’une durée
légalement limitée. Les prisonniers sujets à un confinement solitaire devraient avoir
le droit de faire appel.
4. Le confinement solitaire prolongé, contre la volonté du prisonnier, doit être évité.
Lorsque les prisonniers demandent un confinement solitaire prolongé, quelle qu’en
soit la raison, ils devraient être médicalement et psychologiquement examinés afin
de s’assurer de l’absence de conséquence négative.
5. Le confinement solitaire ne devrait pas être imposé s’il s’avère dangereux pour
l’état de santé de prisonniers atteints de maladie mentale. S’il est essentiel
d’assurer la sécurité pour le prisonnier ou les autres prisonniers, il faut alors veiller
à un suivi attentif et fréquent et trouver une autre solution aussi vite que possible.
6. Les prisonniers à l’isolement devraient être autorisés à avoir des contacts humains
dans des proportions raisonnables. Comme avec tous les autres prisonniers, ils ne
doivent pas être soumis à des situations extrêmement dures physiquement et
mentalement.
7. La santé des prisonniers en confinement solitaire devrait faire l’objet d’un suivi
régulier par un médecin qualifié. Dans ce but, un médecin devrait être autorisé à
vérifier régulièrement aussi bien les documents relatifs aux décisions de
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confinement solitaire au sein de l’établissement que l’état de santé des prisonniers
confinés.
8. Les prisonniers qui ont été placés en confinement solitaire devraient avoir une
période de réadaptation avant d’être libérés. Cela ne doit jamais prolonger la durée
de leur incarcération.
9. Le rôle du médecin est de protéger, de défendre ou d’améliorer la santé physique et
mentale du prisonnier, pas de faire exécuter la peine. Les médecins ne devraient
donc jamais participer à un processus de décision aboutissant à un confinement
solitaire.
10. Les médecins ont le devoir d’examiner les conditions du confinement solitaire et
de protester auprès des autorités s’ils estiment que ces conditions sont inacceptables
ou peuvent aboutir à un traitement inhumain ou dégradant.