Prise de Position de l’AMM sur la violence intrafamiliale


Adoptée par la 48e Assemblée générale Somerset West, Afrique du Sud, Octobre 1996,
modifiée par la 57e Assemblée Générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, Octobre 2006,
par la 61eAssemblée générale de l’AMM, Vancouver, Canada, Octobre 2010
et par la 72e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Londres, Royaume-Uni, Octobre 2021

 

PRÉAMBULE

 La violence intrafamiliale constitue un grave problème de santé publique et de droits humains, universel, qui touche n’importe qui, quel que soit son âge, son genre, son orientation sexuelle, son origine ethnique, sa culture, sa religion, son statut socio-économique ou tout autre facteur.

Bien que les définitions de ce concept puissent varier, le terme « violence intrafamiliale » désigne la maltraitance physique, sexuelle, verbale, économique, spirituelle, psychologique ou émotionnelle ou la négligence d’une personne par une autre dans une relation avec laquelle la victime est physiquement, financièrement, émotionnellement ou socialement liée et/ou dépendante.

 Bien que les causes de la violence intrafamiliale soient complexes, un certain nombre de facteurs sont connus pour être déterminants, comme le manque d’instruction, la dépendance économique ou la pauvreté, des troubles psychiques sous-jacents ou non diagnostiqués, la consommation excessive de stupéfiants (en particulier l’alcool), le stress, les rôles sexués rigides, les faibles compétences parentales, les conflits interpersonnels au sein de la famille, le fait, pour l’auteur des violences, d’avoir subi de mauvais traitements ou d’avoir connu la violence intrafamiliale dans l’enfance, ainsi que l’isolement social de la famille.

 La violence intrafamiliale peut avoir des conséquences physiques, mentales, émotionnelles et psychosociales délétères sur la personne, ainsi que sur l’ensemble de la famille et sur son entourage social, mais aussi des conséquences socio-économiques. Ces conséquences funestes peuvent être immédiates ou à court terme, mais également chroniques ou à long terme. Parmi ces effets, on trouve les séquelles physiques, la mort, les effets sur la santé reproductive (y compris les fausses couches), les dysfonctionnements au sein de la famille, l’échec scolaire et universitaire, les maladies sexuellement transmissibles, la délinquance juvénile, l’échec professionnel et la perte d’emploi, l’exclusion sociale et le sans-abrisme, l’insomnie, l’anxiété, la dépression, le recours aux psychotropes ou le trafic de tels produits, le syndrome de stress post-traumatique, voire le suicide. Les victimes peuvent à leur tour devenir des auteurs de violences intrafamiliales et d’actes violents à l’encontre de personnes non-intimes (transmission intergénérationnelle de la violence).

L’Association médicale mondiale (AMM) condamne fermement toutes les formes de violence et réaffirme ses politiques sur la violence à l’encontre des femmes, sur les mauvais traitements et la négligence envers les enfants, sur les mauvais traitements contre les personnes âgées, sur la violence et la santé.

 

RECOMMANDATIONS

Gouvernements et autorités nationales de santé 

L’AMM invite instamment les gouvernements à :

  1. renforcer le sens des responsabilités sociales, élaborer et mettre en œuvre les politiques, cadres juridiques et programmes nationaux assortis d’un budget adéquat permettant de prévenir la violence intrafamiliale, de la faire cesser et de protéger les victimes et les témoins ;
  2. s’attaquer aux causes profondes de la violence, notamment aux déterminants sociaux de la santé et promouvoir l’équité en matière de santé, y compris en combattant les inégalités de genre et les pratiques sociales néfastes ;
  3. reconnaître que les périodes de stress intense, sur le plan individuel comme sur le plan national, accroissent le risque de violence intrafamiliale et assurer que durant de telles périodes, les ressources idoines soient mises à disposition et que la population en soit informée ;
  4. mettre en place des outils permettant de reconnaître, de prendre en charge et si nécessaire de signaler les cas de violences intrafamiliales;
  5. élaborer des systèmes de recueil de données holistiques sur la violence intrafamiliale comprenant les aspects essentiels du problème tels que la mortalité, la morbidité, les lésions, l’environnement familial ou social, les facteurs de risque, le coût des interventions, la perte de productivité, les frais de justice, entre autres ;
  6. mettre à disposition des mécanismes de signalement et des lieux privés et sûrs afin de protéger les personnes de tout sentiment de culpabilité ou de honte et pour éviter la stigmatisation et les représailles ;
  7. exiger des directives indiquant la marche à suivre en cas de soupçon de violence intrafamiliale et les types d’intervention possibles.Le médecin ne devrait procéder au signalement que lorsque de son point de vue, cela ne mettra pas en danger la victime de violence ;
  8. établir et promouvoir des programmes de recherche de haute qualité afin de fournir une base de données solide relative aux multiples facettes de la violence intrafamiliale : ampleur, profils de risque, facteurs sous-jacents et leur complexe articulation, comparaisons croisées entre les environnements, les pays et les régions ;
  9. créer et mettre à disposition des services à destination des personnes qui subissent des violences intrafamiliales, y compris un accompagnement juridique et administratif, un suivi, une défense en justice, un conseil, un logement sûr et la planification de la sécurité de la victime ;
  10. encourager une collaboration multipartite constructive entre les secteurs et les disciplines, ainsi qu’entre les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, y compris les institutions traditionnelles et religieuses afin de prévenir et de faire cesser la violence intrafamiliale.

Membres constituants de l’AMM et à l’ensemble de la profession médicale

Les membres constituants de l’AMM devraient :

  1. encourager la coordination des actions de lutte contre la violence intrafamiliale entre et au sein des composants du système de santé, du système judiciaire pénal, des forces de l’ordre, y compris des tribunaux des affaires familiales et des mineurs et des organisations d’aide aux victimes ;
  2. encourager et faciliter les recherches afin de mieux comprendre la prévalence, les facteurs de risque, les effets des violences intrafamiliales et les soins les plus adaptés aux victimes ;
  3. soutenir les actions de sensibilisation du grand public et des professionnels et les programmes d’information sur la violence intrafamiliale ;
  4. encourager les directeurs des établissements de santé publics et privés à fournir des supports d’information aux guichets de réception et dans les salles d’attente et des urgences afin de donner aux patients et à leur entourage les informations essentielles sur la violence intrafamiliale, ainsi qu’à les renseigner sur les services d’aide intégrés et professionnels locaux auxquels ils ont accès ;
  5. plaider pour l’ajout de cours sur la violence, y compris la violence intrafamiliale au cursus universitaire de formation à la médecine, en premier comme en dernier cycle ;
  6. promouvoir des sessions de renforcement des capacités et des programmes de formation continue sur la prévention de la violence intrafamiliale à destination des médecins ;
  7. militer pour la réadaptation, par le conseil et la thérapie, des auteurs de violences, des personnes qui les subissent et de celles qui y sont exposées, notamment les enfants traumatisés ;
  8. encourager l’intégration au premier cycle du cursus de médecine généraliste d’une formation aux dynamiques intrafamiliales, y compris aux aspects médicaux, sociologiques, psychologiques et préventifs de tous les types de violences intrafamiliales.

 

Médecins

Dans le cadre de leur obligation de promouvoir le bien-être des patients, les médecins ont l’obligation éthique de prendre les mesures adéquates pour détecter les patients victimes de violences et de mauvais traitements intrafamiliaux et leur prêter assistance.

Les médecins devraient :

  1. dans le cadre de leur pratique habituelle, être attentifs et sensibles aux signes indiquant la nécessité de rechercher d’éventuelles maltraitances dans le passé ou le présent d’un patient dans le cadre d’un examen général ou à la suite de constatations cliniques suggérant des violences, car les médecins sont souvent les premiers à soupçonner des violences intrafamiliales ;
  2. connaître les méthodes pour recevoir de manière appropriée les histoires de maltraitance passée et présente, qui sont souvent délicates d’un point de vue culturel et être très conscients de la nécessité de respecter la vie privée du patient et de conserver une relation de confiance avec lui ;
  3. connaître les services sociaux, de quartier et autres pouvant servir aux victimes de violence et dans certains cas aux auteurs de violences, orienter leurs patients vers ces services, et recourir de manière habituelle à ces services pour venir en aide aux victimes, aux auteurs et aux témoins de violences intrafamiliales ;
  4. signaler les soupçons de violences contre des enfants et d’autres membres de la famille aux services de protection compétents dans le respect des obligations applicables et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer de ne pas mettre en danger les victimes et les témoins de violence ;
  5. être encouragés à participer à des activités sociales coordonnées visant à réduire le poids et les conséquences de la violence intrafamiliale ;
  6. être encouragés à adopter une approche mettant le patient au centre de soins adaptés à son environnement et à développer des attitudes impartiales envers les personnes impliquées dans des violences intrafamiliales.
Prise de position
Abus, Mauvais traitement, Négligence, Prevention, Rapport, Signalement, Violence, Violence domestique

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