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Manuel des Politiques de l’AMM
World Medical Association  S-2010-01-2010
PRISE DE POSITION DE L’AMM
SUR
LA DEGRADATION DE L’ENVIRONNEMENT ET
SUR UNE BONNE GESTION DES PRODUITS CHIMIQUES
Adoptée par la 61e
Assemblée Générale de l’AMM, Vancouver, Canada, Octobre 2010
PREAMBULE
Cette prise de position se concentre sur un aspect important de la dégradation
environnementale, à savoir la pollution environnementale causée par les substances
domestiques et industrielles. Elle met l’accent sur le rôle des produits chimiques en matière
de dégradation environnementale et sur celui des médecins dans la promotion d’une bonne
gestion des produits chimiques. Cette bonne gestion fait partie du développement durable,
notamment en ce qui concerne l’environnement sanitaire.
La plupart des produits chimiques auxquels sont exposés les êtres humains provient de
sources industrielles dont les additifs alimentaires, les produits ménagers et les
cosmétiques, les substances agrochimiques et autres (médicaments ; compléments
alimentaires) utilisés à des fins thérapeutiques. Récemment, l’attention s’est portée sur
l’impact environnemental des produits chimiques transformés – y compris les produits
chimiques ou agrochimiques spécifiques – et sur les nouvelles formes de distribution des
substances naturelles compte tenu de l’activité humaine. Au vu de la multiplication de ces
produits chimiques, les gouvernements et les organisations internationales ont commencé
à définir une approche plus approfondie afin de les réguler de manière sûre.
Les gouvernements sont les premiers chargés d’établir une infrastructure visant à protéger
la santé publique des risques chimiques. De son côté, l’Association Médicale Mondiale, au
nom de ses membres, juge nécessaire de mettre l’accent sur les risques pour la santé
humaine et fait des recommandations pour développer des actions.
CONTEXTE
Produits chimiques inquiétants
Au cours de la seconde moitié du 20e siècle, les pesticides et les fertilisants chimiques
furent une composante majeure de l’agriculture. Les industriels ont rapidement élargi
l’utilisation des produits chimiques synthétiques à la production de biens de consommation
et de biens industriels.1
Les produits chimiques les plus inquiétants sont ceux qui persistent dans l’environnement,
se dégradent peu, s’accumulent dans les tissus des humains et des animaux (ils se
concentrent en remontant la chaîne alimentaire) et ont un impact très néfaste sur la santé
Dégradation de l’Environnement
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humaine et l’environnement (notamment à de faibles concentrations).2
Certains métaux
naturels dont le plomb, le mercure et le cadmium proviennent de l’industrie et sont aussi
préoccupants. Les progrès de la recherche sur la santé environnementale y compris les
techniques environnementales et les techniques d’échantillonnage humain et de mesure
ainsi que de meilleures informations sur le potentiel des effets sur la santé humaine de
doses faibles ont contribué à mettre en lumière l’inquiétude naissante.
Les effets sanitaires des émissions chimiques peuvent être directs (effet immédiat d’une
émission) ou indirects. Les effets sanitaires indirects sont ceux affectant l’eau, l’air et la
qualité des aliments ainsi que ceux altérant les systèmes mondiaux comme par exemple la
couche d’ozone et le climat, les émissions pouvant jouer un rôle.
Actions nationales et internationales
Le modèle de réglementation des produits chimiques varie grandement d’un pays à l’autre
et au sein des pays en passant d’un contrôle volontaire à une législation officielle. Il est
important que tous les pays adoptent une approche législative cohérente, standardisée et
nationale. De plus, la réglementation internationale doit être telle que les pays en voie de
développement ne soient pas contraints par la situation économique à détourner la
réglementation nationale potentiellement laxiste. Un exemple de cadre législatif figure à
l’adresse suivante http://ec.europa.eu/environment/chemicals/index.htm.
Les produits chimiques synthétiques incluent toutes les substances produites par l’activité
humaine ou en résultant comme par ex. les produits chimiques industriels et ménagers, les
fertilisants, les pesticides, les substances chimiques que l’on trouve dans les produits et les
déchets, les médicaments sur ordonnance et en vente libre et les compléments alimentaires
ainsi que les produits dérivés des process industriels ou de l’incinération comme les
dioxines. De plus, les nanomatériaux, dans certains cas, peuvent être contrôlés en se basant
sur la réglementation applicable aux produits chimiques synthétiques et d’autres cas
nécessiter une réglementation spécifique.
Principaux agréments internationaux sur les produits chimiques
Il existe plusieurs accords importants sur les produits chimiques. Ils ont été signés lors de
la première Conférence des Nations Unies sur la Déclaration de l’Environnement Humain
en 1972 (Stockholm) concernant l’élimination des substances toxiques dans l’environne-
ment.3
Ces accords incluent la Convention de Bâle de 1989 pour le contrôle et la prévention
des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux, La Déclaration de Rio en 1992 sur
l’environnement et le développement, la Convention de Rotterdam de 1998 sur le
consentement éclairé et l’expédition de substances dangereuses et la Convention
de Stockholm en 2001 sur les polluants organiques persistants.4 5 6
Il convient de faire
remarquer le peu d’informations disponibles sur l’efficacité des contrôles.
Approche Stratégique de la gestion internationale des produits chimiques
Dans le monde entier, on observe une pollution dangereuse de l’environnement en dépit
des accords précédemment stipulés. Il est donc capital d’adopter une approche plus
complète en matière de produits chimiques. La pollution se poursuit à cause des sociétés,
d’un manque total de contrôle dans certains pays, d’une méconnaissance des dangers
potentiels, d’une incapacité à appliquer les principes de précaution, d’un non respect des
différents traités et conventions et d’un manque de volonté politique L’Approche
stratégique de la gestion internationale des produits chimiques (SAICM) a été adoptée à
Dubaï, le 6 février 2006 par les délégués de plus de 100 gouvernements et représentants de
la société civile.
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Il s’agit d’un plan d’action mondial conçu pour une gestion saine des produits chimiques
tout au long de leur cycle de vie. En 2020, les produits chimiques devront être utilisés et
produits de manière à minimiser leur dangerosité pour la santé humaine et l’environnement.
Tel est le but escompté. La SAICM concerne aussi bien les produits agricoles
qu’industriels, couvre tous les stades de la vie des produits chimiques, leur utilisation et
leur élimination et inclut les substances chimiques que l’on retrouve dans les produits et
les déchets.7
RECOMMANDATIONS DE L’ASSOCIATION MEDICALE MONDIALE (AMM)
En dépit de ces initiatives nationales et internationales, la pollution chimique de
l’environnement due à une production et un usage des produits chimiques mal contrôlés
continue d’affecter la santé publique mondiale. Les preuves établissant une corrélation
entre certains produits chimiques et certaines pathologies sont accablantes. Ce n’est pas
valable pour tous les produits chimiques, notamment les nouveaux matériaux ou
nanomatériaux, en particulier à faible concentration sur de longues périodes. Les médecins
et le secteur de la santé sont fréquemment priés de prendre des décisions concernant des
patients et le public en général basées sur les données existantes. Les médecins signalent
donc qu’eux aussi ont un grand rôle à jouer pour combler le fossé existant entre les
déclarations politiques et la gestion des produits chimiques et pour limiter les risques pour
la santé humaine.
L’Association Médicale Mondiale recommande les actions suivantes :
DEFENSE/SENSIBILISATION
• Les Associations Médicales Nationales (AMN) devraient plaider en faveur d’une
législation réduisant la pollution chimique et l’exposition humaine aux produits
chimiques, identifiant et contrôlant les produits chimiques dangereux à la fois pour
les êtres humains et pour l’environnement et atténuant l’impact sanitaire d’une
exposition à des produits toxiques en portant une attention particulière à la
vulnérabilité des femmes enceintes et des enfants en bas âge.
• Les AMN devraient demander instamment à leurs gouvernements de soutenir les
efforts internationaux pour limiter la pollution chimique par une gestion saine ou
par une élimination ou un remplacement des produits dangereux ingérables (par
ex. l’amiante), en accordant une attention particulière aux pays développés qui
aideront les pays en voie de développement à créer un environnement sûr et à
assurer la santé de tous.
• Les AMN devraient faciliter une meilleure communication entre les
ministères/services gouvernementaux responsables de l’environnement et de la
santé publique.
• Les médecins et leurs associations médicales devraient plaider pour une protection
de l’environnement, une information sur les ingrédients des produits, un
développement durable et une chimie verte avec leurs communautés, leurs pays et
leurs régions.
• Les médecins et leurs associations médicales devraient contribuer à l’élimination
du mercure et des produits chimiques persistants bioaccumulables et toxiques dans
les services de santé et les produits.
• Les médecins et leurs associations médicales devraient encourager une législation
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stipulant qu’il est obligatoire d’évaluer l’impact sur la santé et l’environnement
d’un produit chimique avant de l’accepter.
• Les médecins devraient encourager la publication des preuves concernant l’impact
de différents produits chimiques et dosages sur la santé et l’environnement. Ces
publications devront être accessibles dans le monde entier.
• Les médecins et leurs associations médicales devraient plaider en faveur de
l’instauration de systèmes sûrs et efficaces pour collecter et éliminer les produits
pharmaceutiques qui ne sont pas consommés.
• Les médecins et leurs associations médicales devraient soutenir les efforts pour la
réhabilitation ou le nettoyage des zones dégradées en se basant sur le principe du
« pollueur payeur » et veiller à ce que de tels principes soient intégrés à la
législation.
• L’AMM, les AMN et les médecins devraient faire pression auprès des
gouvernements pour que les services collaborent entre eux et veillent à ce qu’une
réglementation cohérente soit instaurée.
LEADERSHIP
L’AMM:
• Supporte les objectifs de l’Approche stratégique de la gestion internationale des
produits chimiques (SAICM) qui promeut les meilleures pratiques dans la
manipulation des produits chimiques en utilisant des produits alternatifs plus sûrs,
en réduisant les déchets, en construisant des bâtiments durables et non toxiques,
en effectuant du recyclage et en traitant les déchets d’une manière sûre et durable
dans le secteur de la santé.
• Souligne le fait que ces pratiques dans le domaine des produits chimiques doivent
être conjuguées à des efforts pour réduire les émissions des gaz à effet de serre en
provenance du secteur de la santé afin de limiter la responsabilité de ce secteur sur
le plan du réchauffement mondial.
• Demande instamment aux médecins, aux associations médicales et aux pays de
collaborer pour créer des systèmes d’alerte afin que les systèmes de santé et les
médecins soient informés des accidents industriels à hauts risques lorsqu’ils se
produisent et reçoivent des informations précises en temps réel sur la gestion de
ces urgences.
• Demande instamment aux organisations locales, nationales et internationales de
se pencher sur la production durable, les produits de substitution sûrs, les emplois
verts sûrs et de consulter la communauté de santé afin de veiller à anticiper et à
minimiser l’impact négatif sur la santé du développement.
• Met l’accent sur l’importance de sécuriser l’élimination des produits
pharmaceutiques, tâche faisant partie des responsabilités du secteur de la santé, et
de collaborer à établir des modèles de meilleures pratiques afin de réduire la part
de ce secteur dans le problème des déchets chimiques.
• Encourage la classification environnementale des produits pharmaceutiques afin
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de favoriser la prescription de produits pharmaceutiques moins nuisibles pour
l’environnement.
• Encourage la recherche actuelle sur l’impact de la réglementation et la
surveillance des produits chimiques quant à leur impact sur la santé humaine et
l’environnement.
L’AMM recommande aux médecins:
• De travailler à la réduction des déchets médicaux toxiques et à leur exposition au
sein de leurs locaux professionnels dans le cadre de la Campagne de l’Alliance
Professionnelle de la Santé Mondiale pour des environnements favorables à la
pratique.
• De travailler à la mise à disposition d’informations sur l’impact sur la santé d’une
exposition à des produits chimiques toxiques, à la manière de réduire l’exposition
des patients à des agents spécifiques et d’encourager toute conduite améliorant la
santé dans sa globalité.
• D’informer les patients sur l’importance d’une élimination sûre des produits
pharmaceutiques non consommés.
• De travailler avec les autres afin de combler le manque de recherche sur
l’environnement et la santé (par ex. caractéristiques et poids des maladies
attribuées à la dégradation de l’environnement ; impact sur la communauté et les
foyers des produits chimiques industriels ; populations les plus vulnérables et
protection à leur apporter).
EDUCATION PROFESSIONELLE & RENFORCEMENT DES CAPACITES
L’AMM fait les recommandations suivantes :
• Les médecins et leurs associations médicales devraient contribuer à sensibiliser
les professionnels et le public de l’importance de l’environnement et des polluants
chimiques sur la santé individuelle.
• Les Associations Médicales Nationales (AMN) et les associations
professionnelles de médecins devraient créer des outils permettant aux médecins
d’évaluer les risques de leurs patients face aux expositions chimiques.
• Les médecins et leurs associations professionnelles devraient instaurer une
formation professionnelle permanente adéquate sur les signes cliniques, le
diagnostic et le traitement des maladies présentes dans la communauté à la suite
de pollutions chimiques et aggravées par les changements climatiques.
• La santé environnementale et la médecine du travail devraient être un thème clé
dans la formation médicale. Les facultés de médecine devraient encourager la
formation de spécialistes de la santé environnementale et de la médecine du
travail.
Dégradation de l’Environnement
S-2010-01-2010 Vancouver
1
Wiser G, Center for International Environmental Law, UNEP Forum, Sept. 2005
2
http://www.unep.org/hazardoussubstances/Introduction/tabid/258/language/en-US/Default.aspx
3
http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=97&ArticleID=1503&l=en
4
http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=78&ArticleID=1163
5
Wiser G, Center for International Environmental Law, UNEP Forum, Sept. 2005
6
http://chm.pops.int/Convention/tabid/54/language/en-US/Default.aspx
7
http://www.chem.unep.ch/saicm/SAICM%20texts/SAICM%20documents.htm