Prise de position de l’AMM aux fins d’assurer la disponibilité, la qualité et la sécurité des médicaments dans le monde


Adoptée par la 72e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Londres, Royaume-Uni, Octobre 2021

 

PREAMBULE

Au cours de la dernière décennie, les pressions sur l’approvisionnement ont entrainé des pénuries de certains produits médicaux, y compris les vaccins. Dans de nombreuses situations, ces pénuries résultent de la priorisation des objectifs économiques par rapport à la sante publique. Ces pénuries sont préjudiciables à la prise en charge des patients, à la préservation de la sante publique et à l’organisation des systèmes de santé.

Le monde change rapidement: les progrès technologiques, les progrès radicaux en matière de communication et d’accès à l’information, ainsi que la montée en puissance de multinationales transforment le paysage mondial, y compris l’industrie pharmaceutique. Malheureusement, certaines de ces évolutions favorisent la production et la vente de produits médicaux qui ne répondent pas aux normes de qualité adéquates, que ce soit en raison de procédés de fabrication ou de stockage inappropriés, ou en raison de la fabrication et de la distribution frauduleuse et criminelles de médicaments de qualité inférieure ou falsifiés.

Selon le Système mondial de surveillance et de suivi des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés (GSMS) de l’OMS, environ un médicament sur 10 est soit de qualité inférieure à la norme, soit falsifié dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Ce constat ne se limite pas aux médicaments les plus chers ou aux marques les plus connues mais concerne également les produits brevetés et génériques. Les médicaments les plus signalés sont les antimicrobiens et les antipaludiques.

L’AMM rappelle sa prise de position sur les médicaments biosimilaires, sa résolution sur la prescription de médicaments, sa prise de position sur la substitution de médicaments et la résistance aux antimicrobiens.

L’usage rationnel de médicaments suppose d’assurer que la recherche, la règlementation, la production, la distribution, la prescription, le financement, la délivrance et la bonne administration de ces médicaments soient conformes à des critères scientifiques, professionnels, économiques et sociaux cohérents et rationnels.

D’un point de vue sanitaire, la pénurie de médicaments est inacceptable, car elle met à mal la confiance des patients, des médecins, des pharmaciens et du système de santé dans la médecine, elle provoque de l’insécurité et de l’incertitude en compromettant la continuité du traitement, avec le risque que cela suppose.

Dans le but de lutter contre l’intolérable perte de chance que représentent de telles pénuries de médicaments pour les patients, qui sapent la confiance des citoyens dans le système de santé l’AMM en appelle à la mise en œuvre des recommandations suivantes :

RECOMMANDATIONS

Disponibilité des médicaments

1.     En tant qu’enjeu de santé publique et par un souci de sécurité, l’AMM exhorte les gouvernements nationaux à améliorer la disponibilité des médicaments.

2.     Les gouvernements nationaux et les autorités réglementaires devraient :

  • Créer un organisme national chargé de rassembler et de faire connaître les informations relatives à la demande et à l’offre de médicaments sur leur juridiction. Établir des normes et des mécanismes qui garantissent la continuité de l’approvisionnement en médicaments et ainsi évitent les pénuries.
  • Améliorer la surveillance de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, car la faiblesse des structures réglementaires rend particulièrement difficile l’application des bonnes pratiques de distribution des produits médicaux.
  • Élaborer des stratégies d’atténuation pour lutter contre la dépendance des Etats à l’égard de la fabrication étrangère de médicaments en raison de la délocalisation et de la centralisation de la plupart des structures qui produisent des principes actifs pharmaceutiques utilisés dans la composition des principaux médicaments.
  • Inciter les autorités sanitaires nationales à s’approvisionner en médicaments essentiels afin de minimiser le risque de pénuries. En effet, la crise sanitaire du Covid-19 a montré les limites des stocks dont les États étaient dotés et les a contraints à s’organiser et à restreindre l’accès à certains médicaments.
  • Mutualiser en cas d’épidémie mondiale les travaux de recherche scientifique et les essais cliniques ayant pour objectif la mise au point et le développement des vaccins et/ou des traitements pour enrayer la pandémie ,
  • Soutenir les initiatives législatives et réglementaires qui garantissent la capacité nationale appropriée de produire des produits pharmaceutiques dans un souci de bien-être de la population et de sécurité nationale.
  • Identifier et créer des mécanismes durables qui garantissent un stockage et un accès suffisants aux médicaments nécessaires.
  • Promouvoir la coopération entre les gouvernements dans la prévention et la gestion des pénuries de médicaments et de vaccins.
  • Encourager les gouvernements à être plus directifs vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, notamment en termes d’ajustement des quotas, d’accélération des approbations et d’importation de médicaments de substitution lorsque les sociétés pharmaceutiques ne sont pas en mesure d’assurer l’approvisionnement continu et adéquat en médicaments.
  • Envisager d’exiger des fabricants de médicaments l’établissement d’un plan de continuité de l’approvisionnement en médicaments et vaccins vitaux et nécessaires afin d’éviter les pénuries de production dans la mesure du possible.
  • Assurer la transparence, le partage et la disponibilité d’informations de qualité provenant de sources fiables afin d’établir la confiance et la fluidité des communications entre toutes les parties prenantes, des professionnels de santé aux patients. En cas de pénurie, les gouvernements devraient divulguer et énumérer toutes les causes à toutes les parties prenantes.
  • Permettre aux Etats membres de l’AMM d’acquérir, grâce à des contrats communs d’approvisionnement, des produits de santé/vaccins en nombre suffisant lors de pandémie et ainsi de peser plus lourd dans les négociations avec les laboratoires.
  • Eviter la logique du « Premier arrivé, premier servi » notamment en situation de pandémie, engendrant une compétition contre-productive allant à l’encontre de la protection de la santé publique.
  • Permettre une sécurisation industrielle des approvisionnements allant dans le sens du déploiement du Programme de lutte contre la criminalité pharmaceutique d’Interpol

Sécurité des médicaments

3.     L’objectif est de mettre en place des processus d’approvisionnements actifs qui assurent la continuité de l’approvisionnement en médicaments de qualité tout en assurant leur sécurité.

4.     Les éléments d’un processus d’approvisionnement actif de haute qualité comprendraient:

  • Amélioration de la quantification, y compris les prévisions.
  • Communication directe entre les agences d’approvisionnement et les fabricants sur les questions de capacité durable.
  • Des approches délibérées et réfléchies adaptées à la situation spécifique de chaque produit (long terme, court terme, contrats fractionnés…).
  • Tarification responsable qui valorise la qualité.
  • Contrats rationnels et impératifs.
  • Etablir des cadres qui limitent l’accumulation excessive de médicaments comme la mise au rebut inutile de médicaments non utilisés dans le but de conservation de la qualité de leurs propriétés pharmaceutiques.
  • Encourager les gouvernements à promouvoir le partage public d’informations sur les prix réels des médicaments. Les autorités doivent réglementer et limiter la possibilité de conclure des accords de remise confidentiels et la confidentialité des prix dans l’évaluation des médicaments. Le système doit être rendu plus transparent dans tous les domaines, y compris l’évaluation des nouveaux médicaments.

5.     L’AMM souligne que la qualité des médicaments est un impératif de santé publique et recommande aux associations médicales nationales et aux médecins membres de:

  • Sensibiliser le public et les praticiens aux produits de qualité inférieure et falsifiés.
  • Créer une liste de médicaments «essentiels» répondant aux exigences sanitaires du pays.
  • Créer un système d’alerte précoce, axé sur les médicaments vitaux et ceux destinés à traiter une pathologie incapacitante, en particulier ceux pour lesquelles on ne dispose pas d’autres d’options thérapeutiques alternatives. L’activation d’un tel système déclencherait une séquence de mesures chez toutes les parties prenantes (titulaire de l’autorisation de fabrication, grossiste, pharmaciens hospitaliers) assorties des obligations de reporting, une surveillance étroite et des actions correctives .
  • Créer un scénario et des programmes d’urgence, comprenant le test la résilience des systèmes de fabrication et de contrôle à intervalles réguliers, avec des stratégies de communication appropriées envers les différentes parties prenantes.
  • Poursuivre les efforts d’harmonisation des normes réglementaires entre les pays et au-delà de toutes les régions.
  • Mettre en place une collaboration proactive et productive entre toutes les parties prenantes essentielles afin de prévenir les pénuries de médicaments et atténuer leurs effets néfastes sur les soins apportés aux patients.
  • Lutter, en concertation avec les associations d’utilisateurs de soins de santé, contre la culture croissante de l’autodiagnostic, de l’autoprescription et de l’automédication inadaptés, qui pourrait rendre la chaîne d’approvisionnement vulnérable à l’intrusion de produits non approuvés ou contrefaits.
  • Prévenir la prévalence des médicaments de qualité inférieure en mettant en œuvre et en appliquant les bonnes pratiques actuelles de fabrication, de stockage et de distribution respectueuses de l’environnement (cGMP) et en évitant la dégradation des médicaments.
  • Exhorter le secteur pharmaceutique à s’engager et à garantir la continuité de l’approvisionnement en médicaments, afin d’éviter toute interruption de traitement.

6.     L’AMM insiste pour que les gouvernements nationaux, en concertation avec les associations d’utilisateurs de soins de santé et d’autres parties prenantes, mettent tout en œuvre pour assurer la sensibilisation à la sécurité des médicaments pour tous les patients.

  • Au niveau international et en collaboration, les ministères de la Santé et le régulateur des médicaments devraient recommander que les associations médicales nationales s’opposent activement au détournement illégal de médicaments, à la vente illégale de médicaments sur internet, à l’importation illégale de médicaments et à la contrefaçon de médicaments.
  • Améliorer la réglementation et la surveillance du marché pharmaceutique en ligne par le biais des systèmes nationaux de régulations des activités du e-commerce.
  • Des règlements et des mécanismes devraient être adoptés pour fermer immédiatement tous les sites Web proposant illégalement des produits médicaux non contrôlés par les autorités de l’État.
  • Améliorer l’identification et la déclaration des produits médicaux contrefaits dans le monde entier.
  • Lancer des campagnes internationales de prévention sur les risques sanitaires liés à l’utilisation de produits médicaux contrefaits afin d’informer les populations sur les dangers liés à l’achat de médicaments, ou de produits présentés comme tels, sur Internet (faux ou faux médicaments, etc.).
  • L’amélioration de la détection de médicaments falsifiés et de qualité inférieure, y compris des vaccins et des autres produits médicaux et de leur signalement, dans le monde entier. Les médicaments falsifiés et de qualité inférieure à la norme, y compris les vaccins et les autres produits médicaux devraient être signalés aux autorités compétentes dès leur découverte. On devrait empêcher strictement et par tout moyen que des pharmacies, pharmacies d’hôpitaux ou patients soient approvisionnés en médicaments falsifiés et de qualité inférieure à la norme. Toutes les réactions indésirables à un médicament falsifié ou de qualité inférieure à la norme doivent être indiquées immédiatement via un système de signalement efficace et approprié.
  • Renforcer et aligner les règles internationales contre les produits médicaux contrefaits permettant de lutter efficacement contre les défis croissants des systèmes de gouvernance causés par la mondialisation des processus de fabrication et des chaînes d’approvisionnement.

Crise sanitaire de la Covid-19

7.     La crise sanitaire de la Covid-19 met en évidence les problématiques essentielles de disponibilité, de la qualité et de la sécurité du médicament.

8.     La problématique, déjà très prégnante, de la disponibilité, de la qualité et de la sécurité des médicaments a été crûment mise en lumière par la crise sanitaire de la Covid-19. L’importance de ces questions est encore plus majeure, à l’échelle planétaire, et la pandémie de Covid-19 créé des défis sans précédent pour les autorités de tous les Etats. La pandémie entraîne une très forte augmentation de la demande de certains médicaments et une attente majeure de médicaments spécifiques et de vaccins, créant les conditions de multiples tensions.

9.     La problématique de la disponibilité du médicament se manifeste notamment pour les anesthésiques et les curares en réanimation, qui ont fait l’objet d’une délivrance très surveillée afin d’éviter toute rupture d’approvisionnement. La prescription et la délivrance de certains autres médicaments a été fortement encadrée afin de préserver l’approvisionnement pour les malades chroniques.

10.  En réaction à l’inéquité d’accès à la vaccination, la mise en œuvre du mécanisme COVAX doit être développée à l’avenir afin de favoriser un accès et une distribution des vaccins dans le but de protéger les populations de tous les pays.

11.  L’OMS alerte et met en garde les consommateurs, les professionnels de santé et les autorités sanitaires sur la sécurité du médicament : l’offre croissante de produits médicaux falsifiés dans le cadre de la pandémie de Covid-19 est favorisée par ces perspectives de pénuries.

12.  Concernant la qualité du médicament, la crise sanitaire a mis en lumière les risques de l’automédication et la nécessité que les Etats mettent en place des systèmes d’information à destination des populations. Les faux espoirs de possible guérison ou de prévention de la Covid-19 non validés scientifiquement ont pu avoir de grave conséquence sur la santé des individu.

13.  Les intérêts économiques et/ou politiques ne doivent pas être mis en concurrence avec la santé publique. Une mutualisation des intérêts de santé publique doit être développée afin que les intérêts économiques et politiques ne soient pas la cause de défaut de prise en charge, de rupture de stock ou de comportement anti-concurrentiel.

14.  L’évolution de la crise sanitaire actuelle et notamment l’arrivée des nouveaux variants démontrent que les Etats doivent pouvoir répondre scientifiquement à cette évolution sans être empéchés par des réglementations internationales trop contraignantes.

Prise de position
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