Déclaration d’Oslo de l’AMM sur les déterminants sociaux de la santé
Adoptée par la 62e Assemblée générale de l’AMM, Montevideo, Uruguay, Octobre 2011,
modifiée de Prise de Position en Déclaration par la 66e Assemblée générale de l’AMM, Moscou, Russie, Octobre 2015
et révisée par la 71e Assemblée générale de l’AMM (en ligne), Cordoue, Espagne, Octobre 2020
PRÉAMBULE
Les déterminants sociaux de la santé sont : les conditions de naissance, de croissance, d’éducation, de vie, de travail et de vieillissement d’un être humain ainsi que l’impact de la société sur ces conditions. Les déterminants sociaux de la santé influencent beaucoup à la fois la qualité de vie (dont la santé) et l’espérance de vie sans incapacité (EVSI). Les déterminants sociaux de la santé comprennent également les conséquences du racisme et des discriminations, non seulement sur le plan individuel ou interpersonnel, mais aussi sur le plan structurel et institutionnel.
Tandis que les soins de santé visent à soigner et restaurer la santé, ce sont ces facteurs sociaux, culturels, environnementaux, économiques et autres qui sont principalement à l’origine des taux de maladie et notamment de l’étendue des inégalités de santé.
Parvenir à l’équité pour tous en matière de santé requiert un engagement fort de la part des gouvernements, du secteur de la santé, des professionnels de santé et de la communauté internationale, entre autres. Les Objectifs de développement durable des Nations unies visent à donner aux êtres humains les moyens de vivre une vie saine et à promouvoir le bien-être de tous à tous les âges (objectif 3), assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie (objectif 4) tout en réduisant les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre (objectif 10). Dans sa prise de position sur l’accès aux soins de santé, l’AMM souligne l’importance d’assurer à toutes et tous un accès aux soins de santé et propose des manières de remédier à l’indisponibilité des soins et aux inégalités de santé. L’AMM soutient et promeut en outre la création d’une couverture santé universelle adéquate dans tous les pays. La couverture santé universelle améliorera l’accès de toutes et tous à des soins de santé adéquats et favorisera la sensibilisation aux déterminants sociaux de la santé et la lutte contre ces facteurs.
Historiquement, le rôle premier des médecins et des autres professionnels de santé est de traiter les malades – un rôle vital très apprécié dans toutes les sociétés. Dans une moindre mesure, les professionnels de santé se sont penchés sur les expositions individuelles aux agents pathogènes : par exemple le tabac, l’obésité et l’alcool dans les maladies chroniques. Ces aspects habituels d’un mode de vie peuvent être considérés comme des causes « secondaires » de maladie.
Le travail sur les déterminants sociaux dépasse largement les causes secondaires et consiste à étudier les « causes des causes ». Par exemple, le tabac, l’obésité, l’alcool, un mode de vie sédentaire sont pathogènes. Une approche sensible aux déterminants sociaux de la santé s’attaque aux causes de ces causes et en particulier à la manière dont celles-ci participent aux inégalités sociales en matière de santé. Une telle approche ne se concentre pas seulement sur les comportements individuels, mais tente de déterminer les circonstances sociales et économiques à l’origine d’un état de santé prématurément dégradé, tout au long de vie. La voix de la profession médicale a été et continue d’être très importante dans ces exemples de prises en charge des causes de ces causes.
Dans de nombreuses sociétés, des comportements défavorables à la santé sont fonction de l’échelle sociale : plus les gens sont dans le bas de l’échelle socio-économique, plus ils fument, plus ils s’alimentent mal et moins ils ont d’activité physique. Au cœur de la question de prise en compte des déterminants sociaux de la santé figure l’étroite corrélation entre la pauvreté et la maladie. Une cause essentielle mais pas unique de la répartition sociale de ces causes est le niveau d’éducation. Les iniquités structurelles rendent également plus difficile l’accès à des produits alimentaires de qualité.
Parmi les autres exemples spécifiques de traitement des causes de ces causes, on trouve le prix et la disponibilité, qui sont des déterminants clés de la consommation d’alcool ; la taxation, l’étiquetage, l’interdiction de la publicité et l’interdiction de fumer dans les lieux publics, qui se sont avérés efficaces sur la consommation de tabac.
Il existe actuellement dans le monde un mouvement en plein essor qui vise à remédier aux inégalités de santé manifestes et aux disparités d’espérance de vie en agissant sur les déterminants sociaux de la santé. Ce mouvement associe l’Organisation mondiale de la santé, plusieurs gouvernements nationaux, des organisations de la société civile et des universitaires, qui cherchent des solutions et partagent leurs connaissances. Les médecins doivent être bien informés des conséquences du maintien des inégalités et devraient participer volontiers à ce débat. Ils peuvent plaider en faveur d’actions sur les conditions sociales qui ont un impact important sur la santé et d’un renforcement des soins primaires et des systèmes de santé publique. La profession médicale peut contribuer de manière significative à la santé publique, y compris en travaillant avec d’autres secteurs pour trouver des solutions novatrices.
RECOMMANDATIONS
- L’AMM et les associations médicales nationales devraient lutter activement contre les inégalités sociales et de santé et contre les obstacles à l’accès aux soins, aux fins de permettre aux médecins d’assurer à toutes et tous des soins de santé égalitaires et de haute qualité. L’établissement de la couverture santé universelle dans tous les pays devrait être un objectif central, puisqu’elle contribuerait à réduire les iniquités de santé.
- L’AMM pourrait contribuer de manière significative aux efforts mondiaux visant à déjouer les déterminants sociaux de la santé en aidant les médecins, d’autres professionnels de santé et les associations médicales nationales à comprendre ce que nous enseignent les données actuelles et ce qui fonctionne dans telle ou telle situation. Elle pourrait aider les médecins à pratiquer un lobbying plus efficace au sein de leurs pays et au niveau international et à veiller au partage des connaissances et des compétences médicales.
- L’AMM devrait contribuer à recenser des données sur des initiatives qui ont fait leurs preuves et aider à impliquer les médecins et les autres professionnels de santé dans le partage d’expériences et la mise en œuvre de solutions innovantes.
- L’AMM devrait coopérer avec les associations nationales pour favoriser la sensibilisation des étudiants en médecine et des médecins aux iniquités de santé et aux déterminants sociaux de la santé et de mettre la pression sur les gouvernements nationaux et les organismes internationaux afin qu’ils prennent les mesures requises pour réduire les iniquités de santé et les causes fondamentales associées à un état de santé prématurément dégradé.
- L’AMM et les associations médicales nationales devraient encourager les gouvernements et les organismes internationaux à prendre des mesures et à mettre en place des politiques et des outils visant spécifiquement à remédier aux iniquités de santé et déjouer les déterminants sociaux de la santé. Certains gouvernements ont pris de premières mesures pour réduire les iniquités de santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé, des collectivités locales ont défini des plans d’action. Il existe de bons exemples de pratiques intersectorielles qui améliorent la qualité de vie des personnes et réduisent ainsi les iniquités de santé. L’AMM devrait collecter des exemples de bonnes pratiques auprès de ses membres et promouvoir la poursuite des travaux dans ce domaine.