Déclaration de Venise de l’AMM sur les soins médicaux de fin de vie
Adoptée par la 35ème Assemblée Médicale Mondiale, Venise, Italie, octobre 1983
Révisée par la 57ème Assemblée générale de l’AMM, Pilanesberg, Afrique du Sud, octobre 2006
et par la 73ème Assemblée générale de l’AMM, Berlin, Allemagne, octobre 2022
PRÉAMBULE
Lorsqu’un patient est gravement malade et qu’il pourrait ne pas recouvrer la santé, le médecin et le patient font souvent face à un ensemble de décisions complexes sur le traitement médical à suivre.
La phase de fin de vie doit être reconnue et respectée comme une partie importante de la vie de la personne.
Les progrès de la médecine ont amélioré la prise en charge par les médecins de nombreux aspects liés aux soins de fin de vie. Sans préjudice de la priorité de la recherche, à savoir la guérison des pathologies, il convient d’accorder une attention supérieure à l’élaboration de traitements palliatifs et à l’amélioration de l’évaluation et de la prise en charge des aspects physiques, psychologiques, sociaux et spirituels ou existentiels des maladies incurables et des autres affections de la fin de vie.
L’AMM reste fermement opposée à l’euthanasie et au suicide médicalement assisté, comme indiqué dans la Déclaration de l’AMM sur l’euthanasie et le suicide médicalement assisté.
Des soins de fin de vie éthiques devraient systématiquement respecter et favoriser l’autonomie du patient et son pouvoir de décision, tout en étant conformes aux valeurs du patient et de sa famille. L’AMM reconnaît que les attitudes et les croyances vis-à-vis de la fin de vie et de la mort peuvent varier d’une culture et d’une religion à l’autre, et que les ressources en matière de soins palliatifs sont inégalement réparties. L’approche régissant les soins médicaux des personnes en fin de vie sera considérablement influencée par ces facteurs, c’est pourquoi il n’est ni faisable ni souhaitable d’élaborer en détail des directives universelles sur les soins de fin de vie. C’est pourquoi l’AMM formule les recommandations suivantes.
RECOMMANDATIONS
Gestion de la douleur et des symptômes
- Les soins palliatifs en fin de vie font partie des soins médicaux de qualité. L’objectif des soins palliatifs est de préserver la dignité et la liberté du patient en dépit de symptômes éprouvants. Les protocoles de soins devraient faire ressortir l’importance d’apporter le meilleur confort possible au patient en réduisant autant que faire se peut la douleur qu’il subit, tout en reconnaissant l’importance de veiller à la satisfaction des besoins sociaux, psychologiques et spirituels du patient, de sa famille et de ses proches.
- La gestion clinique de la douleur chez les patients en fin de vie est primordiale pour alléger leur souffrance. La résolution de l’AMM sur l’accès à des traitements antidouleur appropriés (2020) énonce des recommandations à destination des médecins et des gouvernements pour optimiser le traitement de la douleur et des autres symptômes éprouvants. Les médecins et les associations médicales nationales devraient promouvoir la diffusion et le partage des informations relatives à la gestion de la douleur afin d’assurer que tous les médecins impliqués dans les soins de fin de vie aient accès aux directives de bonnes pratiques et aux traitements et méthodes les plus récents disponibles. Les associations médicales nationales devraient s’opposer aux lois ou règlementations qui empêchent indûment les médecins de prodiguer des traitements intensifs et cliniquement fondés des symptômes des patients en fin de vie, conformément aux bonnes pratiques reconnues.
- Lorsqu’un patient en phase terminale connaît une douleur aiguë ou d’autres symptômes cliniques éprouvants qui ne répondent plus à des soins palliatifs intensifs et centrés sur ledit symptôme, il peut être approprié, en dernier recours, de lui proposer une sédation profonde. La sédation profonde, qui vise à suspendre la conscience, ne doit jamais être utilisée pour causer intentionnellement la mort du patient et doit être réservée aux patients en fin de vie. Il convient de s’efforcer d’obtenir à cette fin le consentement éclairé du patient ou, à défaut, de son mandataire de santé.
- Les soins palliatifs sont souvent prodigués par des équipes de santé pluridisciplinaires. Dans la mesure du possible, le médecin devrait être le chef d’une telle équipe, puisqu’il est, entre autres obligations, responsable du diagnostic et des protocoles de soins médicaux. Il est crucial de tenir soigneusement à jour le dossier médical. Le motif de toutes les interventions, y compris un traitement médicamenteux visant à alléger un symptôme doit figurer dans le dossier médical, y compris le degré et la durée de la sédation et des anticipations précises sur la poursuite, le retrait ou le refus de traitements de survie à venir.
- L’équipe de santé devrait promouvoir la collaboration dans les soins au patient et offrir un accompagnement au deuil après le décès de ce dernier. Les besoins des enfants, des familles et des proches pourraient exiger une attention et des compétences spéciales, que l’enfant soit le patient ou à la charge du patient.
Enseignement et recherche
- La formation des professionnels de santé devrait comprendre l’enseignement de soins de fin de vie. Lorsqu’il n’y en a pas, il conviendrait d’envisager la création d’une spécialisation en médecine palliative. Dans les pays où la médecine palliative n’est pas une spécialité reconnue, une formation de troisième cycle universitaire en médecine palliative peut toutefois améliorer la qualité des soins palliatifs prodigués.
- L’enseignement de la médecine devrait contribuer à développer les compétences nécessaires pour accroître la prévalence et la qualité d’une planification judicieuse des soins pour les patients souffrant d’une maladie mortelle et à faire prévaloir le droit des patients de recourir à des directives anticipées écrites pour formuler leurs souhaits et leurs objectifs quant aux soins à leur dispenser s’ils se trouvaient dans l’impossibilité de communiquer. Les médecins devraient être formés à encourager leurs patients à consigner officiellement leurs objectifs, valeurs et préférences quant au traitement et à nommer un mandataire de santé avec lequel discuter à l’avance de leurs préférences de soins et de traitement.
- Les gouvernements et les instituts de recherche sont encouragés à investir davantage dans l’élaboration de traitements visant à améliorer les soins de fin de vie, ce qui comprend, sans toutefois s’y limiter, la recherche sur les soins médicaux généraux, les traitements spécifiques, les conséquences psychologiques et l’organisation.
- Lorsqu’il recourt à un traitement, le médecin doit soigneusement peser les bénéfices attendus et les préjudices risques pour le patient. Les associations médicales nationales devraient soutenir l’élaboration de directives relatives aux traitements palliatifs.
- Le médecin doit également faire connaître au patient sa volonté de discuter à tout moment de l’évolution naturelle de la maladie et de ce à quoi il peut s’attendre dans le processus de fin de vie, tout en proposant des recommandations sur les traitements et les possibilités de soulager les souffrances du patient, notamment les soins palliatifs ou la psychothérapie. Si un patient fait part de son souhait de mourir ou exprime des pensées suicidaires, le médecin a le devoir d’engager avec lui une discussion ouverte et confidentielle pour comprendre les motifs et raisons de ces pensées.
- Les médecins devraient assister un patient en train de mourir en maintenant pour lui une qualité de vie optimale, en luttant contre ses symptômes et en répondant à ses besoins psychosociaux et spirituels, afin de permettre à ce patient de décéder dans la dignité et le confort. Les médecins devraient informer leurs patients de la disponibilité de soins de fin de vie, de leurs avantages et des autres aspects y afférents. Il convient d’aborder précocement les préférences du patient, dans le cadre de discussions proposées de manière habituelle à tous les patients et qui doivent être renouvelées régulièrement pour tenir compte des éventuels changements de souhaits des patients, notamment à mesure de l’évolution de leur état clinique. L’information du patient, de sa famille et de ses proches et la communication entre eux et les membres de l’équipe de soins constituent l’un des piliers fondamentaux de la qualité des soins de santé en fin de vie.
- Les médecins devraient s’efforcer d’identifier et de comprendre les besoins psychosociaux et spirituels de leurs patients et d’y répondre, notamment dans la mesure où ils se rapportent à leurs symptômes physiques. Les médecins devraient essayer d’assurer que des ressources psychologiques, sociales et spirituelles sont à la disposition des patients, de leur famille et de leurs proches pour les aider à faire face à l’anxiété, à la peur et la tristesse associées à la fin de vie.
- Les médecins devraient encourager les patients à désigner un mandataire de santé/représentant pour prendre à leur place les décisions qui ne sont pas exprimées dans des directives anticipées. Les médecins devraient en particulier aborder avec leur patient ses souhaits au sujet des interventions de survie et des mesures palliatives qui pourraient avoir pour effet collatéral d’accélérer le décès. Les directives anticipées rédigées étant parfois indisponibles dans des situations d’urgence, les médecins devraient insister auprès de leurs patients sur l’importance de discuter de leurs préférences avec des personnes qui sont susceptibles de jouer pour eux le rôle de mandataire de santé ou de les représenter. Lorsque cela est possible et que le patient est d’accord, le mandataire de santé du patient ou son représentant devrait participer à ces discussions.
- Si le patient est en capacité de prendre des décisions, son droit de décider de manière autonome de tout traitement ou intervention médicaux doit être respecté, même si cela hâte sa fin de vie. Les médecins devraient s’assurer que le patient est convenablement traité contre la douleur et l’inconfort avant d’accorder des soins palliatifs afin d’assurer qu’une souffrance physique ou mentale inutile n’influence la prise de décision. Les lois relatives à la capacité de décision des patients mineurs varient énormément mais les discussions avec sa famille, et l’enfant si possible, sont encouragées.
- Au décès d’un patient, les médecins peuvent prendre les mesures nécessaires pour maintenir la viabilité des organes en vue d’une éventuelle transplantation, sous réserve qu’elles soient conformes aux directives éthiques énoncées dans la déclaration de Sydney de l’AMM sur la détermination de la mort et le prélèvement d’organes. Toute transplantation doit en outre être conformes aux principes énoncés dans la prise de position de l’AMM sur le don d’organes et de tissus.