Déclaration de Kigali de l’AMM sur l’usage éthique des technologies médicales
Adoptée par la 53ème Assemblée Générale de l’AMM, Washington, DC, Etats-Unis, octobre 2002,
révisée par la 63ème Assemblée Générale de l’AMM, Bangkok, Thaïlande, octobre 2012,
et par la 74ème Assemblée Générale de l’AMM, Kigali, Rwanda, octobre 2023,
et renommée « Déclaration de Kigali » par la 75ème Assemblée Générale de l’AMM, Helsinki, Finlande, octobre 2024
PRÉAMBULE
Les technologies médicales jouent désormais un rôle central dans la médecine modernes. Elles ont contribué à rendre considérablement plus efficaces les moyens de prévention, de diagnostic, de traitement des maladies et de réadaptation, par exemple par le développement et l’utilisation des technologies de l’information comme la télésanté, les plateformes numériques et le recueil et l’analyse de données à grande échelle ou l’utilisation de matériel et de logiciels perfectionnés dans des domaines tels que la génétique médicale et la radiologie ou encore les technologies d’assistance, l’intelligence artificielle ou l’intelligence augmentée.
Les technologies prendront de plus en plus d’importance dans les soins médicaux et l’AMM se félicite de ce progrès. Le développement continu de technologies médicales, et leur utilisation à la fois dans le domaine clinique et celui de la recherche bénéficieront grandement à la profession médicale, aux patients et à la société.
Cependant, comme pour toutes les autres activités de la profession médicale, l’utilisation des technologies dans la médecine, quel que soit son objectif, doit s’inscrire dans le cadre défini par les principes de l’éthique médicale tels qu’ils sont énoncés dans la déclaration de Genève de l’AMM : le serment du médecin, le Code international d’éthique médicale et la déclaration d’Helsinki de l’AMM.
Le développement et l’utilisation des technologies à des fins médicales doivent être guidés par le respect de la dignité humaine, des droits humains et de l’autonomie du patient, la bienfaisance, la confidentialité, la vie privée et la justice.
Le développement rapide de l’utilisation des mégadonnées a des répercussions sur la confidentialité et le respect de la vie privée. Il serait contre-productif d’utiliser les données d’une manière qui nuirait à la confiance des patients s’agissant du traitement des données confidentielles par les services de santé. Il faut en tenir compte lors de l’introduction de nouvelles technologies basées sur les données. Il est essentiel de préserver des normes éthiques élevées et de trouver un juste équilibre entre la protection de la confidentialité et l’utilisation de la technologie pour améliorer les soins aux patients.
De plus, les biais du recueil de données, comme ceux induits par les différences sociales, peuvent saper les bénéfices attendus des innovations basées sur les données en matière de traitement médical.
À mesure que progressent les technologies médicales et donc leur potentiel commercial, il est essentiel de protéger l’indépendance professionnelle et clinique des médecins.
RECOMMANDATIONS
Bienfaisance
- L’utilisation des nouvelles technologies dans la médecine doit avoir pour objectif premier de bénéficier à la santé et au bien-être du patient. Les technologies médicales devraient être fondées sur des preuves scientifiques solides et une expertise clinique idoine. Les risques prévisibles et l’augmentation éventuelle des coûts doivent être soigneusement comparés aux bénéfices escomptés pour la personne comme pour la société, et les technologies médicales ne devraient être testées ou employées que si les bénéfices escomptés justifient la prise de risques.
Confidentialité et vie privée
- La protection de la confidentialité et le respect de la vie privée du patient sont des pierres angulaires de l’éthique médicale. Elle ne saurait pâtir de l’utilisation de technologies médicales.
Autonomie du patient
- L’utilisation de technologies médicales doit être respectueuse de l’autonomie du patient, y compris son droit à prendre des décisions informées sur les soins de santé qui lui sont prodigués et à contrôler l’accès aux informations qui le concernent. Les patients doivent recevoir les informations nécessaires pour évaluer les bénéfices potentiels et les risques induits par l’utilisation des technologies médicales.
Justice
- Les patients comme les médecins doivent recevoir des informations claires sur l’origine et l’effet des technologies médicales sur les décisions médicales et les perspectives des patients afin d’assurer qu’ils puissent faire des choix informés et éviter tout biais ou discrimination. Pour que la prestation de soins de santé soit juste et équitable, les bénéfices des technologies médicales doivent être accessibles équitablement à tous les patients, sur la base de leurs besoins cliniques et non de leur solvabilité.
Droits humains
- Les technologies médicales ne sauraient être utilisées pour bafouer les droits humains, qu’il s’agisse de pratiquer des discriminations, des persécutions politiques ou des violations de la vie privée.
Indépendance professionnelle
- Pour garantir leur indépendance professionnelle et clinique, les médecins doivent s’efforcer d’entretenir et de mettre à jour leur expertise et leurs compétences, notamment en acquérant l’aisance nécessaire dans l’utilisation des technologies médicales. Le cursus des étudiants en médecine et des internes et les possibilités de formation continue des médecins doivent être mis à jour pour satisfaire ces besoins. Les médecins doivent être associés à la recherche et au développement de ces technologies Les médecins doivent demeurer les experts dans la prise de décision commune et ne sauraient être remplacés par les technologies médicales.
- Les institutions de soins de santé et la profession médicale devraient :
- aider à assurer que les pratiques ou technologies innovantes qui sont mises à la disposition des médecins satisfassent les normes d’assise scientifique et de valeur clinique les plus strictes ;
- demander que les médecins qui intègrent des innovations dans leur pratique disposent des connaissances et compétences nécessaires ;
- assurer une supervision professionnelle judicieuse de l’innovation dans les soins aux patients ;
- encourager les médecins innovants à recueillir et à partager des informations sur les ressources nécessaires pour mettre en œuvre leurs innovations de manière sûre, efficace et équitable ;
- assurer que les technologies médicales sont appliquées et entretenues convenablement et conformément à leur objectif.
- La pertinence de ces principes généraux est décrite en détail dans plusieurs politiques de l’AMM, parmi lesquelles :
- la Déclaration de Séoul sur l’autonomie professionnelle et l’indépendance clinique
- la Déclaration d’Helsinki sur les principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des sujets humains
- la Déclaration de Taipei de l’AMM sur les considérations éthiques concernant les bases de données de santé et les biobanques
- Prise de position de l’AMM sur l’utilisation de l’intelligence augmentée dans les soins médicaux
- la prise de position de l’AMM sur la santé numérique
- la prise de position de l’AMM sur les attaques cybernétiques des infrastructures de santé et autres infrastructures essentielles
- la prise de position de l’AMM sur l’accès aux soins de santé
- la Déclaration de Lisbonne de l’AMM sur les droits du patient
- la Déclaration d’Oslo de l’AMM sur les déterminants sociaux de la santé
- L’AMM encourage tous les acteurs concernés à incarner les principes éthiques énoncés dans ces documents.