Déclaration de l’AMM de Delhi sur la santé et les changements climatiques
Adoptée à New Delhi le 17 octobre 2009
Et amendée par la 68ème Assemblée générale, Chicago, Etats-Unis, Octobre 2017
PRÉAMBULE
1. L’influence humaine sur le système climatique est évidente et les récentes émissions de gaz à effet de serre sont les plus élevées de l’histoire. Les changements climatiques récents ont des conséquences très étendues sur les milieux naturels et les humains.
2. Des preuves irréfutables confirment les nombreux risques sanitaires, liés au changement climatique, qui menacent les populations de tous les pays. Parmi ces menaces, toujours plus fréquentes et potentiellement plus graves, il convient de citer les canicules, les sécheresses, les inondations et les autres phénomènes climatiques extrêmes, notamment les tempêtes et les feux de forêt. Le changement climatique, notamment le réchauffement, produit déjà des transformations dans les environnements propices aux maladies vectorielles. La pénurie d’eau potable de qualité et une plus grande insécurité alimentaire conduisent à la malnutrition et à des déplacements de population. Le changement climatique est mondial, mais ses conséquences ne sont pas ressenties partout de la même manière et de nombreuses régions parmi celles qui sont les plus touchées sont le moins à même de faire face à ces difficultés.
3. La lutte contre les effets du changement climatique offre des occasions d’améliorer la santé et le bien-être, à la fois parce que les solutions à faibles émissions de carbone bénéficient également à la santé et parce que les mesures d’atténuation et d’adaptation pourraient permettre d’agir sur les déterminants sociaux de la santé. La transition vers la production d’énergie renouvelable, l’utilisation de transports actifs, et le changement de régime alimentaire, notamment la diminution de la consommation de bœuf et d’autres produits issus des animaux, pourraient contribuer à améliorer la santé publique et le bien-être des populations.
4. Les déterminants sociaux de la santé sont les facteurs dont dépend la santé avant et après la naissance des personnes, au fil de leur croissance, de leur vie et à leur travail. Ces déterminants varient entre les pays et au sein des pays. Généralement, les personnes souffrant d’une mauvaise santé et dont l’espérance de vie en bonne santé est la plus faible sont celles qui connaissent les plus grandes difficultés à s’adapter ou à parer aux effets nocifs du changement climatique, ce qui exacerbe les déterminants sociaux néfastes pour la santé.
5. Les recherches et la surveillance portant sur le changement climatique sont essentielles. L’AMM soutient des études qui décrivent les profils épidémiologiques des maladies attribuées au changement climatique, y compris les effets de ce dernier sur les communautés et les foyers, le poids des maladies connues et émergentes causées par le changement climatique, ainsi que celles qui pourraient être causées par de nouvelles activités (étude des impacts sanitaires). Ces études devraient en outre définir les populations les plus vulnérables.
6. L’Accord de Paris insiste sur une transition vers un nouveau modèle de collaboration pour lutter contre le changement climatique et constitue pour le secteur de la santé une occasion de contribuer à l’action en faveur du climat. Il comporte une série de mesures à prendre par chaque partie pour atteindre l’objectif à long terme de limiter l’augmentation moyenne de la température mondiale à moins de 1,5 ° C au-dessus des niveaux préindustriels. Que les États dont elles sont issues soient ou non parties à l’accord, les associations médicales mondiales ont l’obligation de tenir compte des effets du changement climatique sur la planète et sur les humains, les animaux et la pérennité de l’environnement et de prendre les mesures suivantes.
RECOMMANDATIONS
7. L’Association médicale mondiale et ses associations médicales nationales membres :
· Appellent instamment les gouvernements et les acteurs non étatiques à reconnaître officiellement les graves conséquences sanitaires du changement climatique et à adopter des mesures d’atténuation de ses effets ;
· Appellent les gouvernements nationaux à assurer la réalisation des engagements nationaux pris dans le cadre des accords internationaux, qui comportent à la fois des mesures d’adaptation et des mesures d’atténuation, ainsi que des mesures d’indemnisation pour les dommages et préjudices subis ;
· Appellent les gouvernements nationaux à financer la lutte contre le changement climatique, y compris l’allocation de fonds pour renforcer les systèmes de santé, la santé et les politiques qui bénéficient au climat, mais aussi à la santé et apporter les fonds mondiaux, régionaux et locaux suffisants pour que toutes les parties remplissent les objectifs d’adaptation et d’atténuation, de réduction des risques de catastrophe et de réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ;
· Appellent les gouvernements nationaux à faciliter la participation active des représentants du secteur de la santé à la création et à la mise en œuvre de programmes de préparation au changement climatique et de mesures d’urgence aux niveaux local, national et international ;
· Appellent les gouvernements nationaux à assurer la santé et le bien-être des populations déplacées pour des raisons environnementales, y compris celles qui deviennent des réfugiés en raison des effets du changement climatique ;
· Demande aux gouvernements nationaux d’investir dans la recherche en santé publique et sur le changement climatique pour permettre une meilleure compréhension des besoins d’adaptation et des co-bénéfices au niveau national ;
· Appelle les gouvernements nationaux à faciliter la collaboration entre le ministère de la Santé et les autres ministères pour assurer que la santé est prise en compte dans les engagements nationaux et les stratégies durables de ces derniers.
8. Les associations médicales nationales et leurs membres médecins devraient :
· Plaider pour l’adoption de pratiques écologiquement responsables à faibles émissions de carbone dans l’ensemble du secteur de la santé afin de limiter l’empreinte environnementale des pratiques et des infrastructures sanitaires ;
· Se préparer aux perturbations des infrastructures sanitaires qui accompagnent la plupart des situations d’urgence sanitaire, notamment en prévoyant la prestation de services et la demande de soins accrue pendant ces situations de crise ;
· Encourager et soutenir les mesures de sensibilisation en faveur de la protection de l’environnement et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, y compris par des systèmes de commerce des émissions ou de taxes carbone ;
· Se former aux effets sanitaires du changement climatique et se préparer à y faire face dans le cadre des soins aux patients ;
· Encourager la recherche médicale sur une meilleure utilisation de l’antibiothérapie afin de pouvoir répondre, à l’avenir, aux nouvelles pathologies infectieuses liées aux changements climatiques.
9. L’AMM et ses membres constituants devraient :
· Encourager les pratiques à faibles émissions de carbone, respectueuses des limites de la planète, y compris les modes de vie actifs et les modèles de production et de consommation durables ;
· S’efforcer de sensibiliser les professionnels et le grand public à l’importance de l’environnement et du changement climatique pour la santé personnelle, communautaire et publique ;
· Travailler ensemble à l’intégration des principaux concepts et des compétences de lutte contre le changement climatique dans le cursus médical initial et dans la formation médicale continue ;
· Travailler en collaboration avec l’OMS et d’autres parties prenantes, le cas échéant, à la production de supports éducatifs et de plaidoyer sur le changement climatique à destination des associations médicales nationales, des médecins, d’autres professionnels de santé et de la population au sens large ;
· Plaider auprès de leurs gouvernements respectifs pour qu’ils promeuvent et financent la recherche sur les effets du changement climatique sur la santé et qu’ils collaborent avec les ONG et les autres professionnels de santé ;
· Collaborer avec les gouvernements, les ONG, les entreprises, la société civile et d’autres acteurs à la création de systèmes d’alerte afin d’assurer que les systèmes de santé et les médecins sont informés précisément des catastrophes climatiques à mesure qu’elles se déroulent et de la gestion des évènements sanitaires émergents ;
· Inscrire la lutte contre le changement climatique en priorité à leur ordre du jour et participer activement à la création de politiques et d’initiatives qui atténuent les effets du changement climatique sur la santé.
10. L’AMM appelle instamment les associations médicales nationales :
· À travailler avec les autorités sanitaires et les médecins à l’adoption de politiques relatives au climat et à donner l’exemple en réduisant leurs émissions de carbone;
· À reconnaître les facteurs environnementaux comme des déterminants sociaux de la santé essentiels et encourager les gouvernements à favoriser la collaboration entre le secteur de la santé et les nombreux autres secteurs concernés pour pallier ces déterminants .