Un tribunal turc démet les représentants nationaux des médecins de leurs fonctions
* Communiqué de presse cosigné par Physicians for Human Rights (PHR) et l’AMM *
Un tribunal civil d’Ankara a aujourd’hui démis onze des plus éminents médecins de Turquie de leurs fonctions électives au sein du Conseil central de l’Association médicale turque (TMA), la plus importante association professionnelle de médecins du pays. Physicians for Human Rights, l’Association médicale mondiale, le Conseil international pour la réadaptation des victimes de la torture et le Comité permanent des médecins européens appellent à la réintégration immédiate de ces médecins.
Les chefs d’accusation sans fondement invoqués par le tribunal constituent la dernière tentative en date du gouvernement turc pour entraver l’indépendance des professionnels de la médecine, laquelle est en effet considérée par le pouvoir comme une menace, en ce que les obligations des médecins envers leurs patients doivent s’exercer hors de tout contrôle gouvernemental.
Depuis 2014 au moins, les membres de la TMA ont subi d’autres formes de harcèlement judiciaire, de l’emprisonnement aux procès politiques, en passant par les perquisitions illégales de leurs bureaux, les menaces et les gardes à vue arbitraires. Par le jugement rendu aujourd’hui, les autorités turques adressent un signal menaçant aux membres de la TMA en punissant les éminents médecins qu’ils ont eux-mêmes élus.
L’une des dirigeants de la TMA reconnus coupables aujourd’hui, la médecin généraliste Şebnem Korur Fincancı, a été condamnée pénalement le 11 janvier dernier lors d’un procès séparé. Après avoir été maintenue en détention provisoire pendant presque trois mois, elle a été condamnée à près de trois ans d’emprisonnement au motif fallacieux de « propagande terroriste » pour avoir exprimé un avis médical indépendant. Elle a été condamnée, mais a été remise en liberté en attendant sa comparution en appel.
« Accuser nos collègues turcs de mener des activités de promotion de l’usage de la violence n’est pas seulement incongru, c’est aussi une accusation infondée et malhonnête, a déclaré le Dr Jung Yul Park, le Président de l’Association médicale mondiale. Nous sommes témoins de l’intégrité et de la loyauté de la TMA et de ses représentants et nous considérons ces allégations comme une insulte à l’ensemble de la profession médicale ».
« Les médecins européens appellent les autorités turques à préserver sans condition l’autonomie et l’indépendance de l’Association médicale turque. a proclamé Christian Keijer, le Président du Comité permanent des médecins européens (CPME). La profession médicale est essentielle à une société et le procès intenté contre ses dirigeants constitue une menace directe envers les patients, le système de santé et la population de la Turquie dans leur ensemble ».
« Cette décision du tribunal n’est que la plus récente des attaques incessantes que subit la profession médicale en Turquie, a rappelé la Dre Michele Heisler, directrice médicale de Physicians for Human Rights. Nos collègues sont illégalement arrêtés, menacés de longues peines de prison et harcelés pour le simple fait d’avoir défendu l’éthique médicale, des soins de qualité centrés sur les patients et le respect des droits humains. La persécution menée par le gouvernement turc contre des médecins qui ne cherchent qu’à s’acquitter de leurs obligations professionnelles doit cesser maintenant ».
Physicians for Human Rights, l’Association médicale mondiale, le Conseil international pour la réadaptation des victimes de la torture et le Comité permanent des médecins européens appellent à interjeter appel contre la révocation du Conseil central de la TMA et à mettre fin immédiatement au harcèlement que subissent ses médecins.