Prise de Position de l’AMM sur le diagnostic et la prise en charge des maladies fongiques
Adoptée par la 64ème Assemblée Médicale Mondiale, Fortaleza, Brésil, octobre 2013,
et réaffirmée avec des révisions mineures par le 224ème Conseil de l’AMM, Kigali, Rwanda, octobre 2023
PRÉAMBULE
Selon la liste des agents pathogènes fongiques prioritaires pour l’OMS (WHO Fungal Priority Pathogens List), les pathogènes fongiques constituent une menace majeure pour la santé publique : ils deviennent en effet de plus en plus courants et résistants aux traitements. En outre, les données actuelles laissent penser que le réchauffement climatique et l’augmentation des voyages et du commerce internationaux contribuent à l’expansion des maladies fongiques dans le monde, à la fois sur le plan de l’incidence et de l’aire d’extension géographique.
On estime que les maladies fongiques invasives et chroniques entraînent des taux de morbidité annuelle similaires à ceux provoqués par les problèmes de santé communément reconnus dans le monde comme le paludisme et la tuberculose. En plus des décès, ces maladies fongiques conduisent souvent à une mauvaise santé chronique, causant par exemple la cécité avec kératite, la détresse respiratoire avec une aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA), l’asthme sévère avec une sensibilisation fongique (SAFS) ou encore l’aspergillose pulmonaire chronique (CPA), une perte de poids et une déficience nutritionnelle avec candidose œsophagienne et une CPA ou une incapacité à avoir une vie sexuelle saine du fait d’une candidose vulvo-vaginale.
Les graves maladies fongiques sont souvent opportunistes, se manifestent à la suite d’autres maladies affaiblissant le système immunitaire telles que l’asthme, le SIDA, le cancer, les médicaments antirejets immunosuppresseurs et les corticothérapies.
Bien que de nombreuses maladies fongiques soient assez aisément curables, dans de nombreux cas ces maladies ne donnent lieu à aucun traitement. Les infections fongiques seules ne sont souvent pas suffisamment identifiables pour permettre un diagnostic clinique. De même, les cultures étant souvent faussement négatives, il est fréquent de passer à côté du diagnostic. De plus, la fenêtre diagnostique étant relativement étroite, le diagnostic n’est pas établi assez vite pour soigner les patients, avec pour résultat de longs et couteux séjours en hôpital, et fréquemment une issue fatale. Enfin, les médicaments efficaces pour traiter les infections fongiques ne sont souvent pas disponibles au moment et à l’endroit où ils sont nécessaires.
L’OMS souligne qu’en dépit d’une inquiétude croissante, les infections fongiques ne reçoivent pas l’attention et les ressources qu’elles exigent. C’est pourquoi nous manquons de données fiables sur la distribution des maladies fongiques et les modèles de résistance aux traitements antifongiques. Par conséquent, « nous ne connaissons pas le fardeau exact que représentent les maladies fongiques et la résistance antifongique et nous peinons à mener une lutte efficace contre elles [1] ».
RECOMMANDATIONS
- Conformément à la liste des agents pathogènes fongiques prioritaires établie par l’OMS, l’AMM recommande la poursuite de stratégies visant à produire des données probantes et à améliorer la lutte contre les pathogènes fongiques, notamment pour la prévention de la résistance aux médicaments antifongiques et en particulier, elle demande instamment aux gouvernements et aux acteurs concernés :
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- de veiller à ce que des tests diagnostiques et des thérapies antifongiques soient disponibles pour leurs populations ;
- en fonction de la prévalence des maladies fongiques et de leurs maladies sous-jacentes, de garantir la fourniture de tests antigènes spécifiques ou de la microscopie et de la culture ;
- d’assurer la disponibilité de ces tests, et du personnel de santé formé à leur réalisation et à leur interprétation dans tous les pays où on observe des infections fongiques systémiques ;
- d’envisager de créer au moins un centre de diagnostic d’excellence avec un personnel de santé suffisant et formé convenablement au diagnostic des infections fongiques ;
- d’assurer le suivi de la toxicité des antifongiques ;
- de soutenir les associations médicales dans l’élaboration de cours médicaux appropriés afin de garantir une approche diagnostique efficace des infections fongiques.
- L’AMM encourage ses membres constituants à entreprendre et à soutenir des études épidémiologiques sur le fléau des maladies fongiques dans leur pays et à informer leur gouvernement des résultats.
[1] L’OMS publie la toute première liste d’agents pathogènes fongiques.