Violence_against_Women-Oct2010_F
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ASSOCIATION MEDICALE MONDIALE, INC.
RESOLUTION DE L’AMM
SUR
LA VIOLENCE A L’ENCONTRE DES FEMMES ET DES
JEUNES FILLES
Adoptée par l’Assemblée générale de l’AMM, Vancouver, Canada, octobre 2010
La violence est un phénomène institutionnalisé dans le monde entier et un sujet complexe se
traduisant de multiples façons. La nature de la violence subie par les victimes dépend en partie du
contexte social, culturel, politique et économique dans lequel vivent les victimes et leurs agresseurs.
Il existe une violence délibérée, systématique et répandue alors que d’autres formes de violence
demeurent cachées. C’est notamment le cas de la violence domestique dans les zones du monde où
les femmes ont le même statut juridique que les hommes et bénéficient d’une protection légale face
aux hommes violents. Culturellement cependant, elles risquent de subir une violence domestique les
mettant en danger de mort.
Dans la plupart des pays, il est prouvé que les hommes peuvent être et sont souvent victimes de
violence y compris de la part de leur partenaire. Statistiquement ils risquent de subir bien davantage
la violence de rue. La recherche montre que les hommes vivent fréquemment ce type de violence
mais que cette violence n’est pas conjuguée à des abus systématiques en termes de droits. Par
conséquent, les femmes vivent des choses bien pires dans de nombreuses cultures. Cet article ne
considère pas pour autant qu’il faille fermer les yeux sur la violence à l’encontre des hommes et des
jeunes garçons. Les actions destinées à protéger les femmes et les jeunes filles limiteront
probablement les actes de violence à l’encontre de tout le monde.
Définition de la violence
Il y a plusieurs définitions de la violence (voir note de bas de page) mais il est essentiel que les
différentes formes que peut prendre la violence soient reconnues par les décideurs politiques. La
violence contre les femmes et les jeunes filles inclut celle au sein de la famille, de la communauté
ainsi que la violence perpétrée (ou occultée) par l’état. On donne de multiples excuses à la violence
généralement et spécifiquement. En termes culturels et sociétaux, ces excuses comprennent la
tradition, les croyances, les mœurs, les valeurs et la religion. Même si rarement cité, la force
supérieure des hommes par rapport aux femmes est aussi une cause majeure de violence.
Au sein de la famille et de la maison, la violence inclut le déni des droits et des libertés dont
jouissent les hommes et les jeunes garçons. En font partie la destruction des fœtus de sexe féminin
et l’infanticide des filles, le manque de soins systématique et délibéré des jeunes filles, avec en
autres une alimentation insuffisante et le refus d’un accès à l’éducation1
ainsi que la violence
directe physique, psychologique et sexuelle. Certaines pratiques culturelles portant atteinte aux
femmes dont la mutilation génitale féminine, le mariage forcé, la violence liée à la dot et les crimes
dits « d’honneur » sont toutes des pratiques qui peuvent exister au sein des familles.
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A 1ère vue, la négligence ne semble pas comparable à la violence. Mais l’acceptation de la négligence et les droits
moins nombreux octroyés aux femmes et petites filles constituent des facteurs majeurs renforçant une acceptation de la
violence causale et systématique. En ce sens, les droits de base sont niés. Beaucoup tendent à classifier la négligence
comme une forme de violence en soi.
Vancouver, octobre 2010 Violence against Women/Oct2010
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L’attitude à l’égard du viol, des violences sexuelles et du harcèlement sexuel, l’intimidation au
travail ou dans l’éducation, l’esclavage moderne, la traite des femmes et la prostitution forcée sont
toutes des formes de violence que certaines sociétés occultent. Une forme extrême de violence est la
violence sexuelle utilisée comme arme de guerre. Dans plusieurs conflits récents (dans les Balkans,
au Rwanda), le viol a été associé au nettoyage ethnique et plus spécifiquement dans certains cas
utilisé pour propager le SIDA dans une communauté. Le CICR a examiné la question et reconnaît
que cette violence sexuelle pouvait être perpétrée communément sur les femmes et les jeunes
filles2
.
La violence sexuelle ou la menace sexuelle peuvent être également utilisées à l’encontre des
hommes mais culturellement les femmes sont plus touchées et plus souvent ciblées. Les conflits
actuels ne reposent pas sur des batailles menées au loin ; ils se concentrent de plus en plus autour de
centres très peuplés ce qui expose les femmes aux soldats et aux groupes armés. Au moment d’une
guerre et après une guerre, le tissu sociétal peut se désagréger ce qui vulnérabilise les femmes
encore plus par rapport aux attaques de groupes.
Le manque d’indépendance économique et d’éducation basique signifie aussi que les femmes qui
survivent à des actes de violence sont ou seront ou deviendront probablement plus dépendantes de
la société et moins en mesure de s’auto-suffire et de contribuer à la société dans laquelle elles
vivent. Sur le plan biologique et comportemental, les femmes survivent en principe aux hommes ;
ne pas avoir la possibilité d’être indépendante économiquement crée une société où bon nombre de
femmes âgées sont économiquement dépendantes.
L’état peut fermer les yeux sur toutes ces formes de violence ou garder le silence, refusant en cela
de les condamner ou de les combattre. Dans certains cas, l’état peut même légiférer pour autoriser
des pratiques violentes (par exemple le viol dans le cadre du mariage) et devenir lui-même un acteur
de cette violence.
Tous les êtres humains jouissent de certains droits humains fondamentaux ; les exemples de
violence à l’encontre des femmes et des jeunes filles ci-dessus énoncés impliquent le déni de bon
nombre de ces droits et tous les mauvais traitements peuvent être examinés à la lumière de la
Convention des NU sur les droits humains (et pour les enfants de la Convention sur les droits de
l’enfant). 3
En matière de santé, le déni des droits et la violence elle-même ont des conséquences pour les
femmes et les jeunes filles et pour la société dont elles font partie. Au-delà des conséquences
physiques et sanitaires spécifiques et directes, la façon dont sont généralement traitées les femmes
et les jeunes filles peut conduire à une recrudescence de problèmes de santé mentale ; le suicide est
la seconde cause majeure de mort prématurée chez les femmes.
Conséquences de la violence
Les conséquences directes de la violence sur la santé dépendent de la nature des actes. La mutilation
génitale féminine par exemple peut tuer la femme au moment où elle est perpétrée, peut rendre
difficile l’élimination par le corps des déchets dont ceux de la menstruation et rendre difficile les
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Le viol est considéré comme une arme de guerre lorsque les forces armées les utilisent aux fins de torturer, blesser,
obtenir des informations, dégrader, déplacer, intimider, punir ou simplement détruire le tissu social. La simple menace
de violence sexuelle peut provoquer la fuite de communautés entières – Women and War, ICRC 2008
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Women’s Health and Human Rights: the Promotion and Protection of Women’s Health through International Human
Rights Law. Rebecca Cook. Presented at the 1999 Adapting to Change Core Course
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grossesses. Elle renforce également l’idéologie qui consiste à penser que les femmes sont la
possession des hommes (en soi, une forme de mauvais traitement) et qu’ils contrôlent leur
sexualité. Les viols en réunion ou d’autres formes de violence sexuelle peuvent à long terme
générer des problèmes gynécologiques, urologiques et intestinaux avec entre autres apparition de
fistules et d’incontinence. Tout cela ne favorise pas le soutien de la société en faveur des femmes
abusées.
Les conséquences de la violence à court et long terme sur la santé mentale peuvent ensuite avoir un
grave impact sur le bien-être, la joie de vivre, le rôle social et la capacité à bien soigner les
personnes dépendantes.
Les médecins ont un rôle important à jouer dans le domaine de la collecte des preuves.
Actuellement de nombreux pays n’ont pas de registre des naissances obligatoire ce qui rend
difficile la documentation des infanticides ou de l’impact du manque de soins. Dans le même ordre
d’idées, certains pays autorisent le mariage à tout âge exposant ainsi les jeunes filles à de grands
risques de grossesse avant que leur corps ne soit totalement formé, sans parler des risques pour la
santé mentale que cela implique. Les conséquences sanitaires de telles politiques et leur relation aux
autres coûts pour la santé doivent être mieux documentées.
Leur refuser la possibilité de bien se nourrir conduit des générations de femmes en mauvaise santé,
à des problèmes de croissance et de développement. Ces femmes sont alors moins en mesure de
survivre à une grossesse et un accouchement ou à entretenir leurs familles. Ne pas donner un accès
à l’éducation nuit à la santé de tous les membres de la famille ; une bonne éducation est un facteur
majeur en ce qui concerne la qualité des soins prodigués par la mère à toute sa famille. Au-delà de
ce qu’elle a de condamnable en elle-même, la violence contre les femmes est aussi dommageable
socialement et économiquement pour la famille et la société. Les conséquences directes et indirectes
de la violence à l’encontre des femmes sur le plan économique vont bien au delà des coûts directs
pour le secteur de la santé.
Le coût et les conséquences de la violence y compris le manque de soins, à l’encontre des femmes
ont été expliqués dans de nombreux forums notamment à l’OMS4
. Les conséquences sanitaires pour
les femmes, leurs enfants et donc la société sont claires et doivent être explicitées aux décideurs
politiques.
QUE PEUT FAIRE L’AMM?
L’AMM a un certain nombre de politiques sur la violence dont la Prise de position de l’AMM sur
la violence et la santé et la Prise de position de l’AMM sur la violence familiale. Cette présente
(prise de position/résolution/déclaration) rassemble certaines de ses politiques avec un ensemble
d’actions coordonnées pour l’AMM, les AMN et les médecins individuels.
Les êtres humains cherchant d’abord des avantages pour eux-mêmes, leurs familles et leurs
communauté, permettre le changement, bien expliquer dès le départ les avantages du changement
s’avère être une solution « gagnant-gagnant ». S’axer d’abord sur les considérations sanitaires pour
les femmes, leurs enfants et la famille au sens plus large, est une méthode bien utile pour lancer le
débat.
Les médecins sont bien placés pour juger des effets combinés sur la qualité de l’environnement
social, culturel, économique et politique. Si toutes les personnes doivent accéder à un bon état de
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Women and Health: Today’s Evidence, Tomorrow’s Agenda. WHO November 2009. ISBN 978 92 4 156385 7
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santé et au bien-être, il faut que tous ces facteurs fonctionnent en synergie. La vision holistique
qu’ont les médecins peut servir à influencer la société et les politiques. Il faut donc absolument
obtenir le soutien de la société afin d’améliorer les droits, la liberté et le statut des femmes.
ACTIONS
L’AMM:
• Fait valoir que la violence n’est pas uniquement de nature physique, psychologique et sexuelle
mais s’étend aussi aux mauvais traitements tels que des pratiques culturelles et traditionnelles
nuisibles et des actions comme par ex. la complicité en matière de traite des femmes et que
c’est là une crise de santé publique majeure.
• Reconnaît le lien entre d’une part une meilleure éducation et les autres droits des femmes et
d’autre part la santé familiale et sociétale et le bien-être. Elle met l’accent sur le fait que
l’équité en matière de libertés civiles et de droits humains est une question de santé.
• Préparera un briefing et des supports de sensibilisation/défense pour les AMM à utiliser auprès
des gouvernements nationaux et des groupes intergouvernementaux étudiant les implications de
la discrimination envers les femmes et les jeunes filles sur la santé et le bien-être. Cette
documentation inclura des références sur l’impact de la violence sur le bien-être familial et la
stabilité financière de la société.
• Travaillera avec d’autres pour préparer et distribuer aux médecins et aux autres travailleurs
sanitaires un briefing et des supports de sensibilisation/défense sur les pratiques culturelles et
traditionnelles nuisibles y compris la mutilation génitale féminine, les crimes pour dot et les
crimes d’honneur ; Elle soulignera l’impact sanitaire et les violations des droits humains.
• Préparer des exemples pratiques de l’impact de la violence et des stratégies pour la réduire
comme par ex. des directives consensuelles basées sur les meilleures preuves disponibles.
• Plaidera auprès de l’OMS, des autres agences des NU et ailleurs pour que cessent la
discrimination et la violence envers les femmes.
• Travaillera avec d’autres pour préparer des matrices de supports éducatifs à l’intention des
praticiens afin qu’ils puissent documenter et signaler des cas de mauvais traitements.
• Encourage les autres à créer des supports éducatifs gratuits sur Internet pour conseiller les
travailleurs sanitaires situés en première ligne et confrontés à des cas de mauvais traitements,
les informer de l’impact de ces mauvais traitements et des stratégies de prévention.
• Encourager la législation qui range le viol en réunion utilisé comme arme de guerre dans la
catégorie des crimes contre l’humanité, relevant de la compétence de la Cour Pénale
Internationale.
Les AMN devraient:
• Utiliser et promouvoir les supports disponibles sur la prévention et la prise en charge des
conséquences de la violence à l’encontre des femmes et des jeunes filles et les défendre dans
leur propre pays.
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• Veiller à ce que les enseignants dans le domaine médical connaissent le taux de probabilité
d’exposition à la violence, ses conséquences et les stratégies de prévention efficaces ; y mettre
l’accent dans l’enseignement universitaire, postuniversitaire et la formation permanente des
travailleurs sanitaires.
• Reconnaître l’importance de comptes-rendus plus complets sur les séquelles de la violence et
encourager la mise en place d’une formation sensibilisant à la violence et à sa prévention. Il
faudrait également mieux signaler et étudier l’incidence, la prévalence et l’impact sanitaire de
toutes les formes de violence.
• Encourager les revues médicales à publier davantage de recherches sur les interactions
complexes dans ce domaine ce qui contribuerait à une sensibilisation constante de la
profession, à la création de bases solides de recherche et d’une documentation sur les formes de
violence et leur incidence.
• Encourager les revues médicales à envisager de publier des articles thématiques sur la violence
y compris sur le manque de soins des femmes et des jeunes filles.
• Plaider pour un enregistrement universel des naissances et une limite d’âge plus élevée pour le
mariage.
• Plaider pour une application effective des droits humains universels.
• Plaider pour une éducation des parents et une assistance en matière de soins, d’alimentation, de
développement, d’éducation et de protection des enfants, en particulier des filles.
• Plaider pour un suivi des statistiques sur les enfants, incluant aussi bien des indicateurs positifs
que négatifs sur la santé et le bien-être et les déterminants sociaux de la santé.
• Plaider pour une législation interdisant certaines pratiques nuisibles dont la destruction des
fœtus de sexe féminin, la mutilation génitale féminine, le mariage forcé et les châtiments
corporels.
• Plaider pour la criminalisation du viol dans toutes les circonstances y compris au sein du
mariage.
• Condamner la pratique du viol en réunion comme tactique de guerre et travailler avec d’autres
pour le documenter et le signaler.
• Plaider pour la création de données sur la recherche concernant l’impact de la violence et du
manque de soins sur les victimes primaires et secondaires et sur la société et pour un
financement accru de ce type de recherches.
• Plaider pour la protection de ceux qui déclarent les mauvais traitements y compris des
médecins et des travailleurs sanitaires.
Les médecins devraient:
• Utiliser les supports conçus pour leur formation pour mieux s’informer eux-mêmes des effets
des mauvais traitements et des stratégies efficaces de prévention.
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• Soigner et protéger les enfants (notamment en périodes de crise), documenter et signaler tous
les cas de violence envers les enfants, en veillant à préserver l’intimité du patient autant que
possible.
• Traiter et éliminer si possible les complications et les effets secondaires de la mutilation
génitale féminine et adresser les patientes aux services d’entraide sociale.
• S’opposer à la publication ou à la diffusion du nom des victimes, de leur adresse ou de leur
portrait sans leur autorisation expresse.
• Evaluer les risques de violence familiale dans le cadre d’une recherche routinière de l’histoire
sociale.
• Etre vigilant sur une dépendance à l’alcool ou à la drogue chez les femmes qui peut avoir pour
origine un passé de mauvais traitements.
• Soutenir les collègues qui s’engagent personnellement pour mettre un terme à de mauvais
traitements.
• Travailler à l’instauration d’une relation de confiance nécessaire avec les femmes et les enfants
victimes de mauvais traitements, y compris le respect de la confidentialité.
• Soutenir une action mondiale et locale pour une meilleure compréhension des conséquences
sanitaires à la fois des mauvais traitements et du déni des droits ; plaider pour davantage de
services aux victimes.
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